Un certain sourire,

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Seulement, les mots qu'il m'avait envoyés au visage quelques semaines plus tôt, avaient du mal à faire leur chemin dans mon esprit. Ça avait été d'une violence rare. À ce moment là et pour la première fois de ma vie, je percevais les dégâts immenses que j'avais faits autour de moi. La rincée que m'avait offert Ben, avait ouvert une gouffre géant à l'intérieur de ma poitrine. Parce que l'intégralité de ce qu'il m'avait dit était vraie !

Se heurter à la véracité de la vérité, c'est une chose pour laquelle je n'étais pas préparée. En moins de temps qu'il n'en fallait, j'étais devenue cette fille qui noircissait les feuilles des autres. Personne ne voulait cette place. Personne n'avait envie d'être la parenthèse obscure de l'autre. Personne.

Mais tétanisée à bord de mon spleen, je n'avais pas pris la mesure des conséquences. Essayer de ramener quelqu'un dans ses filets, alors que les mailles étaient trouées, c'était une belle erreur. Et Ben, n'avait jamais été dupe. Excepté mon invraisemblable besoin de ne surtout pas voir ce qu'il fallait voir, lui au contraire, était on ne peut plus lucide. Tragique donc, de se rendre compte qu'une personne qui ne vous connaît que très peu à su lire en vous la totalité de vos faiblesses. Je me devais de rectifier le tir. Evidemment, que je n'avais pas envie qu'il garde cette image de moi at vidam aeternam.

Bémol pourtant ! On ne rattrapait pas les gens sous prétexte que l'on avait décidé de changer. Pour prouver le changement, il fallait des gages tangibles. Et je n'en avais aucun. Ma mutation était en moi et peinait à être perceptible. Ce que je réalisais et la façon dont je me sentais, était tellement nouveau, qu'aucun mot n'était assez puissant pour définir ce virage.

J'allais mieux, c'est vrai. Et j'en avais fini avec le chagrin mesquin et envahissant. La tristesse, c'était pour les autres, je n'étais pas faite pour ça.

Je me doutais qu'une seule explication de ce genre ne suffirait pas à convaincre une âme libre comme celle de Ben. Mais c'était tout ce que j'avais en stock.

Mon cerveau turbinait à une vitesse vertigineuse. J'étais déterminée à retenter ma chance. L'éminente idiote que j'étais, ne pouvait pas se raccrocher aux dernières paroles sagaces de Ben. Je n'avais pas envie de rester sur ce constat. Une partie de moi avait honte. À juste titre sûrement.

À présent debout, je faisais les cent pas dans l'agence. Je voyais bien que Vincent commençait à s'agiter lui aussi de mon comportement nerveux. Je n'avais pas pour vocation de tendre les gens autour de moi, mais je ne pouvais agir autrement.

Ça n'en finissait plus. J'étais énervée. Il fallait que je sorte. À la hâte, je m'empressais de chercher un recueil parmi la bibliothèque personnelle de Katherine. La dernière fois qu'elle avait dû lire un livre s'arrêtait sûrement au dernier tome de la saga de Fantomas. Elle ne constaterait donc jamais l'absence de ce sésame. La pendule affichait à peine quinze heures de l'après-midi. Mais franchement, je n'avais tellement plus rien à prouver à Katherine, que je pris mes affaires à la va-vite, sans un mot de plus.

Dehors, l'air m'étouffait. Paris suintait sous la chaleur ambiante. Mais je ne le sentis même pas.

Mes pieds me guidèrent sans hésitation vers la destination qui m'importait. Je n'eus même plus besoin de réfléchir. Réfléchir ne m'amenait jamais vers l'absolu. Je préférais le spontanéisme à toute autre forme de savoir-être.

Cette fois-ci, je savais ce que je voulais. Je n'avais plus peur d'échouer en pleine course. J'allais aller jusqu'au bout de manière efficace. Ce que je pensais être efficace du moins.

À destination, aucune halte n'était permise. Je gravis les quelques étages, emmurée dans une cage d'escalier qui sentait le bois vieilli. Le doigt sur la sonnette, je ne pris même pas une inspiration de circonstance. Ça n'avait jamais aidé personne de toute façon !

De longues secondes qui me parurent plus longues que la longueur de l'éternité eurent probablement raison de mon courage soudain. J'agrippais l'ouvrage qui était dans mes mains, comme si c'était un bout de ma personne.

Mais qu'est-ce que je venais de faire ? T'es complètement débile ma pauvre Emma.

Soudain, la porte s'ouvrit. Mais la personne que je vis en face de moi, ne ressemblait ni de près, ni de loin aux souvenirs doucereux que j'avais de Ben. Au lieu de cela, un grand barbu, trapu, à la peau sombre, me regardait surpris.

J'eus terriblement envie de lui expliquer que je venais de me tromper d'étage ou que j'avais perdu mon chat. Ou pire encore, qu'il me manquait du lait et des œufs. Mais une destinée magnifique vint stopper l'immonde flot de conneries que j'étais prête à balancer. Ben passa derrière l'ombre du portier et quand son regard azur croisa le mien, il se figea. D'un seul mouvement de tête de Ben, le gardien de la porte compris qu'il devait nous laisser seuls.

Ben se plaça devant moi, tout en refermant la porte derrière lui, pour nous laisser tous les deux, dans le couloir. Je me doutais que c'était pour nous protéger des oreilles indiscrètes.

Il parcouru ma tenue du regard, s'attardant à mon goût trop longtemps sur mes jambes nues. J'avais envie de sourire, parce que ses prunelles me procuraient des picotements agréables sur ma peau. Vêtu d'un simple t-shirt noir, ses cheveux étaient ébouriffés plus qu'à l'accoutumé, lui procurant un véritable sex-appeal dont j'étais moi-même victime.

Quand ses yeux plongèrent dans les miens, je compris que l'étonnement striait son visage. Je ne pouvais décemment pas continuer à faire des apparitions inopportunes dans sa vie. En tout cas, c'est ce qu'il semblait me dire.

Sans un mot, je lui tendis le livre qui était entre mes mains. Je l'avais spécialement choisi pour lui. J'espérais qu'il puisse comprendre pourquoi.

Il accepta mon offre. Et son regard s'attarda longtemps sur la couverture usée. Dans un souffle lent, il brisa le silence :

- J'imagine que c'est ta façon particulière de me dire quelque chose ?

- Touché. Répliquais-je à voix basse.

Il semblait réfléchir un instant.

- C'est pour ça que tu es là ? Pour me donner un livre ? Me dit-il sur un ton presque agacé.

Je me sentis stupide. Pas parce que l'idée était mauvaise en soi, mais parce que lui avait l'air de la trouver mauvaise.

- T'es pas obligé de le lire, si t'en as pas envie. Je pensais juste que ...

Il m'interrompit.

- Emma, là, c'est pas le moment. Je suis entrain de bosser. Est-ce qu'on peut en reparler un autre jour ?

- Ok. Répondis-je résignée.

- Parfait. Je te recontacte d'accord ?

Il n'attendit même pas que je lui réponde. Et sur cette dernière putain de phrase, il referma la porte, me laissant debout au milieu du couloir, l'air complètement shooté. 


Note de l'auteur : 

Vous ne pensiez tout de même pas que la reconquête allait être aussi simple ? 

Ben a l'air particulièrement agacé. Ce que je peux comprendre. Et Emma pense que ses apparitions changent la vie des gens. Erreur, grosse ! Du coup, je suis bien contente qu'elle se repaye une mandale. Ça rendra la suite que plus ... excitante à écrire ! =) Qu'en pensez-vous?

Le titre du chapitre est un clin d'oeil à la suite. Restons focus! 

A très vite ! 

Em. 

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