Un certain sourire,

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Quelques jours après mon renouveau, j'eus besoin d'éclaircir un point. Tout juste remise sur pied, je sentais grandir en moi, un autre sentiment. Beaucoup plus difficile à déceler tant il revêtait un aspect que je ne connaissais pas. Celui de l'inachevé. Un goût amer perdurait à l'intérieur. Une fine particule d'âpreté dont j'avais besoin de me débarrasser très vite.

Quand je mis le doigt dessus, j'eus de cesse de soupirer d'embarras. Et aucun des scenarii qui pullulait dans mon esprit, n'aurait pu aboutir sur une stratégie convaincante. J'étais biaisée par les souvenirs peu reluisants de ma mise à l'écart sordide. Oui, Ben, il m'était difficile de t'approcher à nouveau après la triste litanie que tu m'avais servie. Pourtant, son visage et ses caresses me revenaient comme une gifle en plein visage. À mesure que le temps passait, je revoyais ses gestes précis et sensuelles effleurer les parcelles de mon corps en alerte. Le rouge me montait aux joues à l'évocation de ses souvenirs. Et je compris aussitôt que notre rencontre valait plus que ce que je m'étais imaginée.

Je ressentais encore distinctement son souffle sur ma bouche. Ces étreintes charnelles et lascives où le mécanisme de ses mouvements paraissait d'un naturel déconcertant. C'était sexuel bien avant d'être autre chose. Pourtant, je savais aussi que sa capacité quasi extraordinaire à sonder mon âme en un seul battement de cil, suscitait chez moi, la naissance d'une boule de feu dans le bas de mon ventre.

Parmi le bordel de mon bureau, la tête aux creux de mes mains, je fantasmais sur la relation que je n'aurais jamais, avec les yeux lagons et la peau dorée d'un spécimen à haut danger. Pathétique.

Sa bouche charnue et son grain de beauté à la commissure de ses lèvres, semblaient me guider vers un chemin épineux que j'avais tout à coup très envie d'aller explorer. J'avais le sentiment d'agir comme un animal, le concernant. J'en aurais fait mon quatre heures et probablement l'entièreté de mes repas.

Emma, calme toi.

Ses mains délicates empoignaient mes hanches avec une telle détermination que....que....

- Emma, ça va ?

Je relevais la tête avec fracas, pour tomber nez à nez avec mon collègue Vincent qui semblait s'inquiéter de mon état.

- Oui. Réussissais-je à balbutier, me remettant tout juste de mes divagations indécentes.

Les deux billes rondes de Vincent me scrutaient avec étonnements.

- Dis-moi ? Demandais-je, afin de dissiper ici et là un peu de ma gêne.

- Je repensais à ce que tu m'as dit l'autre soir, au sujet de ton manuscrit. Tu serais d'accord que j'en lise une partie ? Je pourrais te donner mon avis, si tu es d'accord. Et on pourrait le travailler ensemble...

L'idée ne me déplaisait pas. J'aimais la rigueur du travail de Vincent. Et je me doutais que son aide me serait précieuse. J'acquiesçais avec véhémence.

- Super. Dit-il en s'éloignant. Au fait, on sort ce soir avec Lila. Ça te dit d'aller boire un verre ?

En temps normal, j'aurais répondu par l'affirmative. Mais visiblement, le chamboulement de mes hormones me guidait vers une tout autre piste.

- Pas ce soir, j'ai une bricole à régler. Répondis-je, sur un ton qui trahissait mes pensées.

Vincent arqua un sourcil surpris. Je fis semblant de ne pas y prêter attention.

En vérité, je n'avais pas une foutue idée de la manière dont j'allais m'y prendre. Mais comme je redécouvrais ma vie telle qu'elle était vraiment, je décidais cette fois de me laisser aller pour de bon. J'avais vécu des mois et des mois avec des regrets pondéreux. Il fallait que j'y mette fin. Et au fond, je n'avais surtout pas envie que Ben soit un remord. Il fallait l'avouer : ça aurait été une connerie.

20 ans et quelques | Terminée |Where stories live. Discover now