On blâme l'orgueil,

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Je ne me dérobais pas. Tout en continuant à l'observer avec une pointe d'étonnement. Ses yeux de chats scindaient les miens, dans une sorte d'éternelle bataille où il n'y avait jamais de vainqueur. Je sondais alors, ce visage qui m'avait été longtemps familier, mais que j'avais oublié tant ma colère avait pris le pas sur tout le reste. Sa bouche charnue et son petit grain de beauté à la commissure de ses lèvres me rappelaient à quel point je les avais aimé. Ses tâches de rousseurs éparses sur son nez, brunies par le soleil, rendaient sa bouille enfantine. Sa barbe avait été taillée depuis la dernière fois que nous nous étions vu, elle encadrait sa mâchoire carrée pour s'arrêter juste en dessous de ces deux fossettes malicieuses.

Je traçais une ligne de son cou jusqu'à la naissance de ses clavicules, en passant par sa pomme d'Adam. Je m'arrêtais sur ses mains, habiles et longues, tout en posant mon regard sur son poignet orné d'un bracelet qu'il ne quittait jamais. La finesse de son corps sculpté par la rigueur qu'il s'imposait, le rendait élégant.

Si il y avait eu un mot pour décrire ce que Louis était, j'aurais choisi la grâce.

Et mon amertume et mon petit cœur accidenté n'auraient jamais pu me faire dire le contraire.

- Comme toi, je suppose, on m'a prévenu qu'une série de photos pourrait m'intéresser, j'ai fait 600 km pour voir ça ! Me murmura t-il, rieur. Ce n'était pas comme si quelqu'un pouvait l'entendre. La musique frappait fort les murs du Bon Jovi, je doutais fort que cette discussion ne trouve une oreille indiscrète.

Milo choisi ce moment particulièrement énigmatique pour débouler entre nous deux, me propulsant bien loin de Louis. Je me fis la remarque que c'était sûrement pour le mieux. Cela faisait 6 mois que notre histoire avait fait naufrage, inutile d'aller récupérer des débris dans les fonds sombres de l'Océan, pensais-je.

- Emma, les photos sont un véritable succès ! Plusieurs m'ont fait la remarque sur l'intensité de tes expressions. Il y a vraiment un message à travers toi, c'est indéniable. S'excita Milo, tout en calant entre mes mains une coupe de champagne comme si l'alcool allait dérider ma position envers lui.

Louis comprit bien vite que je ne partageais pas le même entrain que Milo. Il savait que la pudeur était partie intégrante de ce que j'étais et aussi ô combien je faisais en sorte de la préserver.

Et comme un génie est rarement seul, Milo fit aussitôt demi-tour pour s'auto-féliciter avec pléthore de fidèles de son prodigieux discernement.

- Tu vas bien ? Me demanda Louis, tout en se rapprochant de moi, qui instable et consternée, fixait Milo au loin, comme si par miracle un sabre magique pouvait sortir des mes yeux et atterrir directement dans son dos.

Ouais, fus tout ce que je réussis à balbutier, n'ayant aucunement envie d'engager une conversation avec l'auteur de pas mal de mes tracas.

Je l'entendis me parler de Tom et Alex qui eux aussi étaient présents, ce soir-là, et de l'immense privilège qu'ils auraient à me revoir et à boire un verre plus tard dans la soirée.

J'eus envie de ricaner. Tom et Alex, la dernière fois que je les avais vu remontait à l'été dernier. Depuis pas une seule fois je n'avais eu de nouvelles, j'étais morte en même temps que le couple que je formais avec Louis. Il n'y avait rien de plus humiliant au fond, que la sensation d'avoir existé dans la vie de quelqu'un par le simple fait d'être une pièce rattachée au puzzle.

Il devrait le savoir. Que ma gentillesse n'a d'égal que ma rancœur.

Je venais de me faire rattraper par une montagne de peine que je refoulais depuis mon arrivée à Paris. J'avais la désagréable sensation d'avoir beau m'être exilée aussi loin, tout me ramenait vers un passé qui ne m'appartenait plus. Je n'étais pas armée, pas disposée, pas patiente, pour me livrer au jeu de l'hypocrisie.

Dans ma colère sournoise, ce soir-là, j'en voulais à tout le monde de ne pas m'avoir épargné. À Milo d'abord, à Louis ensuite...

Seulement, je détestais les esclandres et les scandales publics, alors pour attiser le feu qui brûlait l'intérieur de ma cage thoracique, je me surpris à sourire faiblement, avec une résignation qui forçait le respect.

Il dû trouver cela suffisant, car il reprit la visite des lieux en m'abandonnant à mon triste sort, me rappelant de le retrouver plus tard.

Je poussais alors un soupir qui fit trembler les murs, blasée et sceptique. Deux choix s'offraient alors à moi, boire ou retrouver mes copines. Je choisis les deux, l'un n'allait de toute façon pas sans l'autre.

Bousculant alors la foule dans le sens inverse, auscultant la pièce furtivement en quête d'une amie, je fonçais droit vers la sortie, espérant trouver ce que je cherchais.

À travers la baie vitrée, je reconnus Axelle, en grande conversation avec Rémi. Un coup d'œil vers la droite me fit chanceler encore davantage en voyant Zoé rire à quelques probables blagues d'un Tom, toujours aussi présomptueux.

Il me paraissait alors difficile de m'extirper d'ici sans me frotter à toutes ses apparitions soudaines. Je venais de me faire piéger dans un labyrinthe parsemé de personnes que j'aurais aimé éviter méticuleusement.

Le coup de grâce me fut asséné, quand devant moi, je vis apparaître les traits disgracieux de Salomé, les yeux emprunt d'artifices mensongers, heureuse d'avoir trouvé sa proie pour faire briller toute son inélégance.

L'apothéose dans sa forme la plus aboutie, me gaussais-je alors.

Que la fête commence ! 



Note de l'auteur : 

Je tease la suite de l'histoire, mais ça s'annonce rock'n'roll. 

Une Emma dans toute sa splendeur, une Salomé qui va s'faire décoiffer, un Louis qui a plutôt intérêt à trouver une parade et un Milo sur le banc de touche... 

Qui est prêt(e) ? 

Merci pour les 2k de lecture !!! Je sais qu'on peut faire encore mieux, avec des votes =) ! 

Au plaisir de vous lire, 

Em. 

20 ans et quelques | Terminée |Where stories live. Discover now