Meursault, 1995,

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Nous passâmes rapidement à la liste des choses qu'il nous était primordial de mettre en œuvre dans les plus brefs délais. Nous avions examiné de près, les éléments nocifs qu'il nous fallait abandonner contre notre grès, mais cela n'incluait pas les actions à prévoir pour contre balancer le reste.

Zoé continuait de s'afférer autour de ses feuilles, relisant inlassablement les quelques lignes qu'elle avait réussi à gratter tout en éclaboussant nos faiblesses au grand jour. Tandis que je restais stoïque dans l'attente du jugement dernier, Axelle, elle, fit les cent pas autour de ma table basse. Visiblement contrariée par la sagesse que nous avait inculqué Zoé quelques minutes plus tôt.

Je savais que tout était bon à prendre pour me sortir de là. Alors, résignée, je m'étais laissé faire par les remontrances de mon amie, sachant au fond de moi-même qu'elle ne pouvait avoir tort. De toute façon, je n'étais plus en mesure de dire quoique ce soit de crédible, au vue de ma situation personnelle.

- J'ouvre donc le deuxième round de cette après-midi fastidieuse. Déclara solennellement Zoé avec une voix de présidentiable.

Je l'a soupçonnais de prendre un malin plaisir à asséner nos trente-six vérités. Et mon fort intérieur me disait qu'elle ne perdait rien pour attendre, bien que ce ne fût pas son heure.

Axelle qui n'y tenant plus, vint arracher des mains de Zoé, la feuille qui lui était consacrée. Elle parcourait les mots mêlés à une vitesse incomparable, les sourcils froncés par l'angoisse d'y lire une abomination dont elle ne pouvait se dépêtrer.

Ce dût être plus doux qu'elle ne se l'était imaginée, parce qu'elle gratifia Zoé d'un regard entendu, consciente qu'il lui fallait laisser un peu d'elle-même pour arriver à gérer une situation qui l'avait mise au pied du mur. Ce n'était pas mon cas, évidemment. Tandis qu'Axelle devait se défaire de ceux qui l'importunait, moi je devais refaire les liens que j'avais consciencieusement détruits.

L'infinie candeur de Zoé m'aidait à accepter qu'il fallait trouver une issue au marasme que j'avais créé. Je lui en étais reconnaissante de prendre de son temps pour analyser objectivement ma situation.

Axelle lança un regard approbateur à Zoé. Le même qui semblait signifier qu'à présent c'était mon tour. Celle-ci prit une immense respiration, les lèvres pincées et les yeux qui s'excusèrent déjà pour ce que je m'apprêtais à encaisser.

Mes jambes se mirent à émettre des mouvements peu contrôlés. J'étais gagnée par l'appréhension et je souhaitais qu'elle en finisse vite, car rien n'était plus désagréable que d'entendre ce que je me murmurais tout bas depuis des mois.

Zoé brisa enfin le silence pesant.

- Je... je ne sais pas...trop... balbutia-t-elle. Je ne sais pas trop comment aborder tous ces sujets avec toi, Emma. C'est difficile d'être ton amie, dans la mesure où tu gardes une part de mystère dont il est délicat de te défaire. Je te connais suffisamment pour savoir que quand un point sensible semble te déranger, tu préfères le cacher sous le tapis et tant pis si cela fait des bosses. Mais là, tu ne peux plus tellement faire semblant hein ? Me demanda-t-elle, la mine ennuyée.

J'acquiesçais sans bruit.

- Le fait est que, tu n'as pas plus d'excuses maintenant. Tout le monde a mis le doigt sur ce qui t'empêchait d'avancer sereinement, si tu ne veux pas le voir, c'est ton problème. Tu ne pourras plus t'étonner que les gens te laissent en jachère sur le bord de la route. Parce que c'est toi, Emma, qui les laisse partir. Tu es dans l'attente constante que les choses s'améliorent d'elles-mêmes, on se demande depuis quand la vie fonctionne ainsi ? C'est tristement ironique pour quelqu'un comme toi qui dépense son énergie à ne pas vouloir se battre. Je me trompe ?

20 ans et quelques | Terminée |Where stories live. Discover now