Mutante - Tome 1

Chapitre 37-2 : Réconciliation

– Comment j'aurais du faire ? demandai-je à Zéphyr, la voix pleine de regrets.

Je m'imaginais peut-être qu'il avait la réponse. Zéphyr fixa un instant un point inconnu à l'horizon avant de me répondre.

– Peut-être n'aurait tu pas du le faire, soupira-t-il en haussant les épaules.

Un frisson d'effroi me parcourut, il avait raison, je n'aurais...

– Peut-être étais-ce la bonne solution, continua-t-il en coupant court à mes pensées.

Je le regardais, interloquée. Je ne comprenais pas vraiment ou il voulait en venir. Quelle était sa position sur ça ?

– Tu sais, la notion de ce qui est bien et ce qui est mal est très différente selon les individus. Je ne peux pas juger ce que tu as fait. Peut-être parce que j'aurais sûrement fait la même chose dans ton cas. Si tu penses que c'était la meilleure chose à faire, tant mieux. Si tu n'as pas de regrets, tant mieux.

Mais justement, j'en avais, des regrets. Et je ne savais pas comment les gérer. Lucy nous appela, coupant cours à mes ruminations.

A ma plus grande surprise, Jay, Hekiah, Ella et Lucy s'assirent à la même table. Le temps de l'ignorance était révolu ? En tout cas, ça avait le mérite de me faire penser à autre chose. Je m'assis à mon tour à côté de ma meilleure amie, Zéphyr restait debout, les bras ballants.

– Tu viens ? lui demanda Lucy en lui souriant et en tendant sa main.

Zéphyr ne répondit pas, visiblement ne sachant pas trop quoi faire. Il avait du mal à savoir où se placer, ce qui était compréhensible dans cette situation. Et puis, il n'avait jamais été du genre à se mêler à tout le monde, son isolement illustrait cette part de sa personnalité. Enfin, jusque là il avait eu l'air de s'en contenter.

– Vous ne voulez pas de moi, affirma-t-il en regardant Jay, Hekiah et Ella.

Ouah, direct. Je fus légèrement surprise par ce tact. Les garçons allaient dire quelque chose, mais Ella les coupa.

– Bon, Arrano, tu viens poser tes fesses sur cette chaise. On t'a peut-être mal jugé, alors profite que l'on te donne une deuxième chance.

Ella essayait tant bien que mal de rester sérieuse, surtout face à Zéphyr qui s'empêchait de rigoler ouvertement. Je cru voir une lueur d'amusement dans les yeux d'Ella également. Le rouquin finit par soupirer, lança une remarque un peu acerbe également à la blonde. En réponse, Ella leva les yeux au ciel en soupirant ostensiblement. Au début du repas, un silence plombant régnait. Quelle magnifique ambiance. Jay décida de briser, réveillant un soulagement non feint chez chacun de nous.

– Les gars, on va rester à se fixer en chien de faïence combien de temps ? Le but c'était pas de faire la paix ?

Aucune réponse. Chacun attendait qu'un autre prenne la parole.

– Bon, puisque personne ne veut le faire, intervint Hekiah, je m'en occupe. Les trois-là (moi, Lucy et Zéphyr) vous ne vou... pouvez pas nous dire ce que vous cachez. Nous respectons cela, maintenant, on se comporte comme des gens normaux. OK ?

Au moins, cela mettait les choses au clair. Hekiah était clair et concis, ça faisait du bien parfois. Je tentais ma chance, on verra bien si ça marche !

– Quelle plaie ces examens ! me plaignis-je exagérément.

Mes amis restèrent un instant silencieux, puis enfin ce fut un brouhaha de plaintes et de râleries. Ce dont nous avions besoin, avec les examens. Enfin, tout se passa sur un ton plus léger, nous rigolâmes plus que nécessaire pour rabaisser les tensions. L'ambiance s'allégeait, et grâce à cela j'arrêtais pendant un moment de broyer du noir. J'aurais presque oublié ce que j'avais fait. Presque. Les paroles de Zéphyr me hantaient également. Est-ce que c'était bien ? Mal ? Comment le savoir ?

Je mis tout ça de côté, râlant contre ma conscience qui ne cessait de m'embrouiller l'esprit. Ayant tous fini de manger, nous sortîmes de la Cantine. Cet après-midi, c'était combats. Alors nous décidâmes de tous ensemble aller réviser nos techniques de combat dans la salle de sport. Sur le chemin, j'interpellais Hekiah.

– Tu vas bien ? lui demandai-je, sous entendant sa relation avec Rilvan.

Il hésita quelques instants avant de répondre, puis secoua la tête négativement.

– Je ne sais toujours pas quoi faire. Ne dis-rien non plus, d'accord ? Jay et Ella m'ont déjà demandé de qui il s'agissait, ils sont persuadés que c'est une fille. Je ne veux pas qu'ils me détestent si je leur dit.

– Je ne dirai rien si tu ne le veux pas, le rassurai-je. Mais je ne pense pas qu'ils te jugeront pas, tu sais. Toi aussi tu devrais le savoir, tu les connais assez bien pour ça !

– On ne sait jamais comment les gens réagissent, marmonna Hekiah dans sa barbe.

– Tu le savais que tu l'étais, avant Rilvan ? compris-je.

Hekiah acquiesça tout doucement, ressassant sûrement des souvenirs passés.

– Mais... je ne veux pas que ça se sache. Ma mère le sait, elle n'a pas bien réagi. Je lui ai promis de ne plus sortir avec un garçon. C'est aussi pour ça que je suis sortie avec Charlotte, tu sais. Je voulais me convaincre que c'était mieux qu'avec lui...

Hekiah baissa la tête, nostalgique. Il devait repenser à son premier amour, un garçon que nous ne connaissions pas.

– Ce qui est important, c'est que toi tu te sentes bien, affirmai-je, espérant que ces paroles lui feraient du bien. Ta mère a peut-être réagi plus violemment qu'elle ne le voulait. Les gens aussi, changent avec le temps.

Je vis une lueur d'espoir dans les prunelles de mon ami. Il en souffrait vraiment, cela me serrait le cœur. Je détestais ne pas pouvoir agir, aider les gens plus qu'avec des mots.

– Mais si tu préfères pour l'instant, tu n'as qu'à garder cela secret. Je ne dirais rien, je te le promets, jurai-je en souriant.

– Merci, murmura Hekiah.

Il repartit vers les autres, tandis que je marchais en dernière. Une sorte d'impression étrange persistait, dans l'atmosphère. Sur le chemin de la salle de sport, j'entendis un bruissement de feuilles, et sentis un regard dans mon dos. Je tournais la tête, m'attendant à voir apparaître Marco ou Cathleen. Mais je n'arrivais pas à déceler d'où il provenait. Sûrement mon imagination.