Chapitre 32-2 : Os

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Je plaquai une main sur ma bouche, retenant un long cri. Seul un gémissement étouffé en sortit, mais il était assez douloureux pour que mes amis bondissent en avant. Le choc que j'avais ressenti était parti comme il était arrivé, mais j'en sentais encore les traces. Comme une brûlure. Je pris quelques secondes pour reprendre ma respiration, la brutalité du craquement m'avait coupé le souffle.

– C'est ton dos ? Tu as regardé ce qui t'avait frappé ? demanda directement Zéphyr.

J'acquiesçai, essayant tant bien que mal de me tenir droite. Mais mon dos me gênait toujours autant. Zéphyr me proposa de le regarder, et bien qu'embarrassée, j'acceptai. Je me mis derrière les draps, bien cachée et enlevai ma veste. 

J'accomplis tous ces gestes à une vitesse d'escargot, ne voulant pas me faire mal une nouvelle fois. Je soulevai mon t-shirt bleu marin. Je le levai jusqu'au dessus des omoplates, là ou j'avais le plus mal. Lucy et Zéphyr observèrent mon dos, et j'entendis ma meilleure amie émettre un hoquet de stupeur. Que se passait-il ? Zéphyr me demanda si je pouvais toucher mon dos, et j'acceptai. Je sentis ses mains froides toucher quelque chose de dur dans mon dos. Mais qu'est-ce qui se passait ? Qu'avais-je ?

La sensation de brûlure était toujours là, même si c'était faible.

– Qu'y a t-il ? demandai-je, de plus en plus stressée, cherchant à me retourner.

– Tu ne sens rien ? me demanda Zéphyr, d'une voix un peu effrayée et stupéfaite, ce qui me surpris venant de lui.

– A part de la gêne et une genre de brûlure, non, pourquoi ? Mais qu'est-ce qu'il y a, à la fin ? Vous me faites peur ! m'exclamai-je, le cœur tambourinant dans ma poitrine.

– Ça ne m'étonne pas que tu sois gênée, murmura Lucy.

Je l'entendis prendre une photo avec son téléphone, qu'elle me tendit, les mains tremblantes. Je baissai mon t-shirt et m'en emparai, les sourcils froncés. J'observai alors la photo et failli m'étrangler. Non, ce n'était pas possible ! Pas ça, pas maintenant ! 

Sur la photo s'affichait mon dos, et à l'endroit de mes cicatrices, quelque chose avait poussé. C'était assez petit, mais effrayant tout de même. On aurait dit que deux nouveaux os poussaient dans mon dos, sortant par mes cicatrices. 

Sur le côté de chaque « os » je pouvais apercevoir comme un tout petit morceau de tissu, que je tentais toucher du bout des doigts. Maintenant, je sentais bien les os entre mes omoplates, et le tissu que j'avais aperçu. La brûlure était en fait ces nouveaux os. Je me rendis compte en tâtant que c'était en fait bien plus petit que cela n'y paraissait. Petit, étrange et tellement effrayant. 

La panique commençait à m'envahir. Non, non ! Reste calme. Ça va aller. Reste calme. Respire. Je me concentrai sur les paroles de Lucy, cherchant à oublier les sensation nouvelles de mon dos.

– Ce... ce que tu as ressenti tout-à-l'heure, ça devait être la déchirure de tes cicatrices. Tu sais, elles ont été cousues avec un fil que tu n'as jamais pu identifier. Je suis presque sûre que c'est parce que ce fil est fait pour être brisé au bout d'un moment. Nous avons maintenant la certitude que c'est l'un des Clans qui t'a fait cela. A moins qu'il existe un savant fou qui a testé du fil d'ilinium sur toi, déclara Lucy.

– Du fil d'ilinium ? répéta Zéphyr. Un fil qui se casse sous une certaine pression, obtenu grâce à la poussière écarlate d'un Mutant de type métal-eau, c'est de lui que tu parles ?

– Oui, confirma Lucy en soufflant un grand coup. C'est très, très rare, puisque les Mutants qui en font le sont aussi.

Je n'écoutais qu'à moitié ce que me disait mes amis. Je mis une main sur ma bouche pour m'empêcher de crier.  Voilà la preuve irrévocable que je mutais. Depuis le début, je tentai de me convaincre du contraire. Mais là, ce n'était plus quelque chose d'invisible. C'était tangible, et c'était en cela que c'en était terrorisant. Mais aussi quelle en était la cause. Ewa.

Lucy me toucha le bras pour m'apaiser, et j'eus un frisson à son contact. Il fallait que je m'éloigne d'eux, si je mutais je pourrais les blesser, les tuer...

Des pensées noires m'assaillirent d'un seul coup, sans que je ne parvienne à les arrêter. Et si je me transformais en monstre dans quelques minutes, si je tuais tout ceux qui étaient présents ? Je deviendrai une meurtrière sans scrupules, massacrant tout sur mon passage...

– Amy ! s'écria Lucy en me regardant. Contrôle-toi !

Je compris à son regard, et au fait que ma vue devenait floue que la panique commençait à me submerger. J'étais en train d'activer le fluide. Mais je lus de la peur dans les yeux verts de ma meilleure amie. Cela ne fit que raffermir la mienne. Je devais partir, fuir. 

Ce besoin de me cacher refit surface, m'écrasant. Mais au contraire de tout-à-l'heure, j'avais encore une partie de moi qui résonnait. Sans un regard en arrière, je fonçai dans ma chambre, où Lucy me suivit, en criant à Zéphyr de rester en bas. Je le vis tenter un geste, mais il resta planté devant l'escalier. 

Je gravis les marches à toute allure. Je donnai un violent coup de poing dans l'écran où j'étais supposé mettre mon empreinte, pour entrer et pénétrai dans ma chambre. Je refermai immédiatement la porte, bloquant Lucy en dehors. 

Une partie de moi fut rassurée de savoir que personne, à part moi, pouvait entrer dans cette pièce. Je bondissais pour fermer les rideaux, et je plongeai la pièce dans le noir. Je me laissai aller contre la porte, les genoux enveloppés dans mes bras. Je tentais de me calmer, maintenant que j'étais dans un endroit où je pouvais me cacher, et où aucune lumière ne pouvait entrer.

– Amy... entendis-je Lucy murmurer à travers la porte.

J'entendis son dos glisser contre la porte, de la même façon que moi. Elle me supplia d'ouvrir plusieurs fois, mais je ne bougeais pas. Je voulais être seule, pour ne pas faire de mal. Je ne voulais pas faire de mal à qui que ce soit. Ce que j'avais dans mon dos était bien différent du fluide, des mes dents ou de mes ongles. Non, ce que j'avais là, je ne pourrais jamais le cacher. 

Si deux bras poussaient dans mon dos, que deviendrais-je ? Tout le monde verrait que je mutes. Sous le coup de la colère et de la peur, j'activerai sans doute le fluide. Et avant que quelqu'un ne m'attrape, je blesserai voire tuerai sûrement des personnes. Et si je me rendais maintenant ? Si je me tuais maintenant, personne ne serait blessé, tout le monde irait bien. 

Mais le Mutant caché en moi réagirait sûrement, je voyais déjà le scénario catastrophe se profiler au loin. Je voyais déjà les scientifiques en blouse blanche avec leurs ciseaux, prêt à me disséquer pour comprendre ce qu'il m'arrivait. A moins que ce ne soit ces mêmes scientifiques qui m'aient rendue comme ça. Si ça se trouve, les Lumen Master attendent juste que me transforme. Si ça se trouve, ils sont à l'origine de tout ça. 

Mais... ma mère m'avait dit que personne n'était au courant de mon existence, qu'elle avait voulu me cacher pour ne pas avoir de questions. Peut-être qu'elle croit qu'ils ne le savaient pas me souffla une voix. Je me crispais. C'était ma conscience, où... autre chose ? Je n'avais pas imaginé cette voix ! Voilà que je devenais schizophrène, c'était à rendre fou. Une voix que je connaissais bien interrompit le fil de mes pensées.

– Que se passe-t-il ? demanda Ella.

– Rien... rien, assura Lucy.

Mais je savais qu'Ella connaissait trop bien Lucy pour s'aperçevoir qu'elle mentait.

– Tu restes plantée là devant sa porte, le visage pétrifié par l'inquiétude et tu me dis rien ? Je sais que vous nous cachez beaucoup de choses, Lucy, alors réponds moi franchement !

Oh non, Lucy dirait-elle tout ? Qu'allait-elle pouvoir dire ? Elle n'allait quand même pas lui annoncer comme ça de but en blanc que je mutais ? Ce n'était pas le fait qu'Ella le sache qui me fasse peur, mais la réaction qu'elle pouvait avoir face à une telle nouvelle. J'écoutais attentivement ce qu'elle allait dire.

– Alors, réponds-moi ! s'exclama Ella.

– Une peine de cœur ! s'écria Lucy avec fureur.

Mutante - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant