Paris

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Paris, un gris matin de janvier, à l'orée de ma nouvelle vie dans la capitale, l'esprit embué par tant d'incertitudes, j'emprunte les escaliers qui me mèneront au métro. Les marches glissent, les gens sont pressés, et moi j'ai un entretien d'embauche et je ne sais plus trop bien ce que je fous là. Pourquoi j'ai choisi cette vie maintenant, pourquoi j'ai eu besoin de me lancer un défit aussi con. Je saute dans le wagon comme si c'était le dernier, comme si je lui suppliais de ne pas me laisser sur le bord du quai de peur de faire marche arrière.

Ce matin-là, ça m'a frappé comme une gifle en plein visage, j'avais toujours manqué de courage, et c'était criant. Je souffrais d'arythmie chronique dans cette rame de métro, un coup d'œil à l'ensemble des passagers ne vient que confirmer mon angoisse. J'étais partie la fleur au fusil, pensant trouver à Paris ce que je n'avais jamais trouvé ailleurs, un second souffle.

Et si j'avais tout faux ? Si en fait, la seule chose que je cherchais c'était de fuir une existence ennuyeuse dans le seul but de me prouver des choses. Et si tout ça n'était en fin de compte qu'une revanche personnelle entre moi et moi-même ? Il était trop tard pour regretter quoique soit, je regardais ma montre pensant y trouver un quelconque échappatoire : 8h34 !  Je fis un rapide calcul dans ma tête, 26 minutes... dans 26 minutes, j'allais devoir faire preuve d'autosuffisance exacerbée afin de montrer à mon recruteur de quel bois je me chauffais.

La vérité c'est que je n'en savais rien. Je me persuadais que je méritais ce poste plus que n'importe qui d'autre, pour autant j'excellais dans la certitude de n'être qu'un imposteur né. Ce n'est que mille jurons plus tard que je sortie du métro, posant mes deux pieds sur le grand boulevard.

Je manquais cruellement de préparation à la vraie vie. Je n'avais fait qu'idéaliser un futur pendant tant d'année, qu'une fois au pied du mur tout ça me paraissait qu'une montagne infranchissable. Je détestais l'idée même de devoir prostituer mon âme à un fichu entretien pour un job qui ne m'excitait ni du près ni de loin.

J'allais devoir faire la rapide liste non exhaustive de toutes les qualités personnelles que j'allais pouvoir apporter à une quelconque entreprise, en n'oubliant pas au passage d'omettre quelques aspects attrait à ma personnalité profonde telle que : je me mens souvent à moi-même et je déteste l'autorité.

J'avançais péniblement dans la rue, manquant de heurter plusieurs col bleus au passage, le vent balayait mes cheveux dans tous les sens et le froid saisissait mes doigts au point où je manquais mille fois l'occasion de déverrouiller mon téléphone pour être bien certaine que mon GPS ne m'avait pas fait faux bond à la sortie du métro.

J'inspectais l'immeuble devant lequel je me trouvais, façade en pierre, porche massif et la signalétique à côté de la sonnette m'enleva tout doute éventuel, j'étais bien arrivée à destination. Je sentais monter en moi le stress que tous les entretiens d'embauches me procurent, faire bonne impression, sourire et ne pas bafouiller : voilà les trois mantra que je me rabâchais en montant les 3 étages de l'immeuble.

Une femme d'une cinquantaine d'années m'attendait devant la porte, elle parlait au téléphone et se tortillaient les cheveux du bout des doigts, la tête penchée vers l'arrière, comme si chaque verbe de son interlocuteur au bout du fil était aussi tordant qu'un sketch d'Élie Kakou. Elle ne me remarqua pas tout de suite, ce qui me laissa le soin de la détailler de plus près. Grande et élancée, elle semblait passer les années avec une certaine évidence déconcertante, sa voix me striait les oreilles pourtant je sus instantanément que je n'aurais pas à subir le genre d'entretien formel auquel je m'étais préparée. Il y avait en elle quelque chose d'assez stupéfiant, une attitude pleine de désinvolture et un sérieux manque de sérieux. Quand elle posa enfin son regard sur moi, elle me sourit à pleine dent et ne tarda pas à raccrocher, je la soupçonnais même d'avoir coupé court à la conversation, laissant sûrement son interlocuteur au beau milieu d'une phrase. Amusée, je lui souris en retour, ne manquant pas au préalable de me présenter :

- Emma Darroz, je viens pour l'entretien concernant le poste d'assistante d'édition.

Elle me détailla de bas en haut et comme si cela lui convenait m'invita à entrer dans son agence.

- Enchanté Emma ! Moi c'est Katherine avec un K ! C'est peu commun, je te l'accorde mais je ne sais pas ce qu'on fait mes parents au moment fatidique du choix du prénom pour se permettre cette originalité que je suis obligée de justifier depuis 52 ans. Tu veux un café ? Tu prends du sucre ? Il y a du thé aussi, mais la bouilloire met des plombes à chauffer l'eau c'est pénible.  Me dit-elle en entrant dans l'open-space.

Je lui répondis que j'étais d'accord pour un café et que le sucre n'était pas nécessaire. Elle entreprit de me faire un rapide tour des bureaux, ce qui ne fut pas très long. L'ensemble des locaux disposait d'une grande pièce où se trouvait 6 tables de bureaux, un espace à part caché derrière une vitre en plexi teinté et la cuisine où Katherine s'empressait de faire couler mon café.

Une demi-heure plus tard, je passais le pas de la porte de mon futur job, surprise de ne pas avoir eu à légitimer de mes compétences pour le poste et confuse aussi d'être arrivée aussi vite à mes fins avec un contrat à parapher dès le lendemain. Je savais très bien que je ne signais pas pour le boulot le plus trépidant de ma vie, mais je m'en fichais pas mal à cette heure-ci. J'étais entrain de mener tellement de batailles en même temps que le mieux c'était encore d'occuper mon esprit à des tâches rébarbatives.

Pour l'heure, j'avais la journée devant de moi, pour réfléchir à la vague de nouveauté que j'avais allègrement cherché.



Note de l'auteur :
Salut à toi petit lecteur,
Si tu viens d'atterrir sur l'histoire de « 20 ans et quelques » je te remercie par avance ! On est jamais trop nombreux à être ici et sache que je te réserve une place de choix dans mon petit univers. Tu y découvriras l'histoire d'Emma, qui malgré toute sa consistance, peine à mettre un pied devant l'autre sans trébucher. Si tu es assez patient, tu auras le fin mot de l'histoire. Mais pour ça, il va falloir te palucher plus d'une soixantaine de chapitres. Parfois, tu vas rigoler, parfois non. Je préfère te prévenir, il y a des moments où ça va être long. Parce que je ne tiens pas personnellement à te donner les clés tout de suite. Mais ça vaut le coup, crois-moi. Si tu ressors de cette histoire avec le baume au cœur, c'est que j'aurais réussi mon pari ! Je te souhaite une belle lecture 😘 et n'hésite pas à voter et commenter. Tout retour est bienvenue.

Sache juste pour ta gouverne, que malgré mes efforts à faire perdurer une orthographe irréprochable, il m'arrive parfois de chuter dans le dernier col. Mais ne t'inquiète pas, je suis en passe d'y remédier incessamment sous peu. Une bonne relecture est recommandée. Je cherche simplement le temps et le courage pour m'y plonger.

La bise,
Em.

20 ans et quelques | Terminée |Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu