Changement de camp

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Les deux amis se regardèrent solennellement avant de tomber d'accord :

— Maintenant.

Comme un seul homme, ils jetèrent leurs couteaux et atteignirent leurs cibles qui s'effondrèrent sans trop de bruit.

Hyamendacil et Othar s'échangèrent un dernier hochement de tête, puis partirent dans des directions différentes, à pas de loup.

        En d'autres circonstances, le jeune elfe aurait pris son temps pour assassiner les gardes, pour que tout se déroule correctement dans le silence et la plus grande discrétion. Mais cette nuit-là, la vie de son ami était en jeu, et il ne pouvait pas se permettre de mettre une heure pour parcourir le gîte. Alors, tandis qu'il parcourait la bâtisse en bois sur la pointe des pieds, il se débarrassa des gardes le plus rapidement possible, et faillit être découvert à deux reprises, évitant de justesse que l'alerte ne soit donnée.

        Finalement, après dix minutes de tension et d'assassinats, la voix d'Aldaron parvint jusqu'à ses oreilles pointues, et le guida dans les différents corridors. Il avait espéré voir arriver Hyamendacil par l'autre bout du couloir, mais lorsqu'il trouva la salle de laquelle s'échappaient les différentes voix, il fut seul, avec pour unique compagnie le soldat à qui il venait d'ôter la vie.

        Le dos collé au mur, à l'affut du moindre son, Othar se contenta dans un premier temps d'épier la conversation.

— Je ne vous doit plus rien Aldaron.

Le jeune rebelle se figea en reconnaissant la voix tremblante de Suron. Il s'était donc réveillé.

        Le rire chaud et presque démoniaque du Roi des Elfes résonna contre les murs en bois.

— Je crois que tu n'as pas bien compris Suron. Je t'ai logé pendant de nombreuses années, je t'ai accueilli en mon royaume et je t'ai protégé de ceux qui haïssaient les personnes dans ton genre. Les bâtards. Tu n'es ni elfe, ni humain, et pourtant, tu as eu la confiance d'un roi. De ton roi. Je t'ai pris sous mon aile, et voilà comment tu me remercie ?!

— J'ai payé ma dette. J'ai presque élevé votre fils, je lui ai enseigné l'art du combat et la maîtrise des armes. Tout ça pour qu'il reste assis les bras croisés pendant que ses hommes se battent sans lui, quel gâchis. Je ne vous dois plus rien, ni à l'un, ni à l'autre.

Othar fut fier d'entendre le vieil homme se défendre ainsi, mais son cœur se serra en constatant la faiblesse de sa voix. Il ne pouvait voir la scène, mais il devinait le piteux état dans lequel il devait être. Le jeune elfe fronça cependant les sourcils en entendant un grognement menaçant, et comprit qu'il y avait un loup à l'intérieur. Il pesta intérieurement. Othar entendit ensuite le plancher craquer, puis des bruits de pas. Il supposa que le roi qui s'avançait vers Suron.

— Laissez-nous, vous pouvez disposer, ordonna Aldaron.

Le jeune elfe écarquilla ses yeux et saisit fermement la garde de son épée. Il n'avait plus le temps de fuir, il allait devoir se battre.

        Othar se recula légèrement, prenant soin de ne pas faire grincer le parquet qui recouvrait le sol. Il eut juste le temps de se dissimuler derrière le recoin du mur avant de voir sortir les deux cavaliers qui avaient escorté Suron. À son grand désespoir, il les vit également tourner dans sa direction. L'affrontement était inévitable.

        Derrière le coin du mur, son torse se soulevant rapidement, épée bien en main et campé sur ses jambes, il prit une grande inspiration et attendit que ses adversaires se montrent. Mais à la place, il entendit deux petits hoquets, et le bruit d'une chute qu'on aurait voulu camoufler. Prudent, Othar risqua un œil dans le long couloir, et retint un soupir de soulagement lorsqu'il aperçut Hyamendacil, accroupit au-dessus des deux soldats dont il avait ralenti la chute après les avoir tués.

La Fille Gelée et la Face CachéeWhere stories live. Discover now