-Je sais bien, murmura la gamine. Et elle aussi, elle sait. Mais elle mériterait quand même une fessée, non ? »

Il ne put s'empêcher de rire. « Oh oui ! Je suis tout à fait d'accord. Et je m'en occuperais moi-même, si je pensais que ça pouvait aider.

-Elle aurait besoin d'une Méchante Maggie.

-Sans aucun doute, oui. »

La tête d'un cheval apparut sur la gauche, suivie d'Arrod. « La copine à Corso est à nouveau de belle humeur.

-C'est pas sa copine ! rétorqua Rosie.

-Oh, ils ont quelques points communs, tu sais. » Un sourire plissa la fine cicatrice sur sa joue. Il rutilait dans sa nouvelle maille. « Et, juste une idée, on pourrait pas lui couper un bout à cette charmante demoiselle ? Un bout ne vous suffit pas ? Ce serait moins bruyant. Moins usant aussi.

-Visiblement non, dit Artemus. Ça ne suffirait pas.

-Ha ! Je vois que vous y avez déjà songé. » Il se claqua la cuisse. « Dommage... Mais on ne pourrait pas quand même lui couper la langue ? Juste pour être tranquille. Je sais que vous en avez envie vous aussi. Tout le monde ne pense qu'à ça.

-J'ai trouvé la volonté nécessaire pour renoncer à vous couper la vôtre, je suis sûr de pouvoir en trouver encore un peu pour elle aussi. »

Le mercenaire soupira. « Vous êtes plus dur avec moi qu'avec ces monstres...

-Mais je vous paie mieux aussi. L'exigence est un luxe que je peux dès lors me permettre. »

Ils franchirent le sommet d'une ondulation du terrain, passèrent non loin d'un moulin qui tournait avec paresse et découvrirent un village, blotti au creux de la vallée suivante. Il devait compter vingt ou trente habitations, plus quelques fermes sur les pentes. Au centre, au bord d'une petite esplanade pavée, saillait une église et son beffroi. Comme souvent dans cette région, le clocher faisait office de tour de garde, et l'on pouvait y distinguer la pointe d'une hallebarde.

Estrella prit la place laissée vacante par le Cassim, à la gauche d'Artemus. « On essaie d'éviter ? demanda-t-elle.

-Non. Ce n'est qu'un village. Nous ne ferons que traverser, ce sera vite fait. Et puis la route mène par là. Pas certain qu'une autre voie carrossable permette de contourner. »

En effet, lorsqu'ils étaient passés aux abords de Blédorval, ils avaient préféré tenir leur captive à distance. Tandis que Corso la gardait sous surveillance, sous une tente au cœur d'un bois, les autres en avaient profité pour s'approvisionner. C'était là qu'Artemus s'était fourni la chaîne et le verrou, et qu'il avait fait de sa charrette un transport de prisonniers.

Le vieux templier tourna des yeux inquiets vers son amie. « Et comment va Lyren ? Je ne sais pas trop comment lui parler. Je n'ai jamais vraiment su à vrai dire... Et il se confie plus volontiers à toi maintenant.

-Il marche un peu en retrait. L'exécution des prisonniers a jeté un nouveau froid entre lui et Corso.

-Et entre lui et moi. M'est avis qu'il doit me trouver trop complaisant. »

La Rose de Fer fit la moue. « Il a conscience que ces hommes n'étaient pas innocents et il connaît l'importance de notre mission. Simplement, il n'était pas préparé à ce que cette importance nous contraindrait à faire, ou à tolérer. Je lui ai expliqué à quelles extrémités nous a parfois poussées l'instinct de survie, lorsque moi et mes sœurs nous sentions en danger. Il comprend.

-La faute m'en revient. Je ne l'ai préparé à rien... Et à vrai dire, je ne m'attendais pas moi-même aux épreuves et aux choix auxquels nous sommes confrontés.

L'empire de la nuitWhere stories live. Discover now