Chapitre XVIII

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Un indescriptible chaos régnait dans l'auberge.

Les templiers s'étaient séparés pour tambouriner aux portes. Les clients ensommeillés marmonnaient, grognaient, invectivaient. Cependant, la puissante voix d'Artemus couvrait le vacarme. « Alerte ! L'auberge est attaquée ! Tout le monde debout ! »

Corso, lui, ne songeait qu'à une chose : prévenir Mira et Rosie. Mais il ne savait pas au juste où elles se trouvaient et le couloir était rempli de gens en chemise de nuit ou en train de s'habiller à la hâte sans savoir pourquoi. La grosse patronne ne tarda pas à surgir, mamelles ballotantes sous une robe de soie blanche. « Quel est ce tintamarre templiers ? Que se passe-t-il donc ? »

Tout à coup, des coups ébranlèrent la porte du rez-de-chaussée, puis des vitres volèrent en éclats. Bon sang, ils vont rentrer ! Pas le temps de chercher après ses amies. Corso se rua vers l'escalier, bouscula le monde sur son passage, gardes occupés à enfiler leurs culottes, à boucler leur ceinture, clients ahuris ou mécontents, et déboula dans la grande salle. Il perçut le son de la course des templiers sur ses talons et ne prit pas le temps de jeter un œil en arrière. En effet, les lueurs de torches en mouvement à l'extérieur lui révélaient que, déjà, plusieurs silhouettes avaient pris pied dans l'auberge, glissaient entre les tables et d'autres se faufilaient dans l'embrasure de fenêtres brisées. Et la porte gémissait sous les coups répétés.

Avec un rugissement, le nosferatu fondit sur le premier venu, qui ne s'attendait certainement pas à se faire attaquer par une bête enragée. Le garde du Chapitre, couvert de mailles noires, leva sa lame, mais Corso le saisit au poignet, encaissa un coup de bouclier sans broncher et l'envoya heurter le mur de toutes ses forces. Son adversaire émit un râle et retomba, désarticulé. D'un coup de botte en plein visage, il s'assura qu'il reste au sol. Puis il attrapa son épée et se tourna vers les autres silhouettes, qui le cernaient à présent. Quatre hommes luisants d'acier.

Mais les templiers surgirent dans leurs dos. « Le cœur, l'esprit, le feu ! »

Corso profita de cette diversion pour frapper sous les gardes trop hautes. Deux d'entre eux s'effondrèrent, les genoux tailladés. Ils furent promptement achevés. Le sang coula sur le plancher, éveilla ses instincts. Il fut parcouru d'un frisson d'excitation.

« Tenez les fenêtres et la porte ! rugit le nosferatu. Je m'occupe de ceux qui restent ! »

Frère Lyren et frère Gabriel s'élancèrent vers les assaillants surpris, à peine entrés ou encore occupés à se tortiller dans les étroites ouvertures. Artemus gagna la porte avec Estrella et s'appuya de tout son poids pour soulager les gonds. Heureusement, c'était un bois épais et de construction solide.

Pour sa part, Corso fit face aux deux adversaires qui demeuraient devant lui, méfiants, inquiets. Ils sont coupés des autres. Ils ne s'attendaient pas à ça. Mais ils étaient protégés par de bons hauberts, de solides écus. Alors que lui... Je suis tout nu avec une épée. Il bondit en avant, égratigna leurs boucliers. Plus rapide qu'eux, il para leurs assauts maladroits. Il attrapa une chaise et la jeta sur celui de droite, repéra une ouverture, plongea. Son coup, d'estoc, se moqua de la maille, traversa l'abdomen, fit jaillir le sang à gros bouillons. Toutefois l'autre en profita pour amorcer un redoutable coup de taille. Corso tenta de bondir hors de portée, mais il avait un temps de retard. Les dents serrées, il s'attendit à ressentir un sillon cuisant au flanc. Mais l'homme s'effondra. Derrière lui, Estrella l'observait d'un œil que la méfiance n'avait pas encore tout à fait déserté, la lame noire et luisante.

Des hommes, encore passablement débraillés, arrivèrent dans la salle et se joignirent aux templiers pour tenir les fenêtres. Corso et la Rose de Fer s'approchèrent de la porte malmenée. Le nosferatu s'accroupit sous une étroite croisée, tout à côté, et jeta un œil au-dehors. Aussitôt, elle fut brisée et une volée d'échardes de verre plut sur sa tête. Ni une ni deux, il darda l'épée à travers l'ouverture. Il sentit une résistance, entendit un grognement étranglé. Le nosferatu avait touché quelqu'un. Il pouvait sentir son sang, chaud et odorant. Aussitôt, le vieux templier vint se placer près de lui, arbalète à la main, et lâcha un carreau en direction des assaillants. L'un d'eux le prit en pleine poitrine. Le bout du vireton saillait encore de la maille, tandis que le garde s'affalait.

L'empire de la nuitOn viuen les histories. Descobreix ara