Chapitre 19: Quand autour de moi...

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J'essuyais les larmes qui inondaient mes joues puis tournait sur moi-même pour appréhender le monde qui m'entourait. Il n'y avait pas de vent ici, mais les arbres murmuraient quand même. Tout semblait plus vif, plus coloré. Comme dans mes rêves, les arbres avaient leur propre clarté, ils émettaient une lumière douce et diffuse, apaisante.

Je me sentais pleine d'une énergie violente, comme si une tempête se déchainait en moi. C'était à la fois effrayant et exaltant. J'avais l'impression que des voies murmuraient et m'appelaient, mais j'avais beau tendre l'oreille, je ne percevais rien de distinct. Je posais le regard sur Adam, qui se relevait en se tenant les côtes, comme s'il avait reçu un coup violent à l'estomac.

-Princesse Lynnlana.

Il se penche en une révérence qui a l'air douloureuse. Son regard est maintenant acéré, il m'en veut de ne pas être resté sous son contrôle, je le ressens intimement.

-Si vous voulez bien me suivre, je vais vous conduire à votre père.

Je hoche la tête et lui emboite le pas. J'ai envie de toucher tout ce qui trouve ici, mes doigts effleurent en passant les fougères hautes. Des perles de rosées glissent et éclatent au sol en fragments de cristaux. Des fées comme celle dessinée par Violette se précipitent pour chaparder les éclats translucides tombés au sol. L'une d'elle lève le visage vers moi et son absence de bouche me donne froid dans le dos. Autant que la peur qui a envahie ses yeux tandis que je la regarde s'éloigner.

Nos pas nous guident à travers une forêt profonde, une lune vermeille darde sur nous son œil unique, teintant le ciel d'or pourpre. Le sol commence à être pavé, et donc délicat à appréhender avec ces talons hauts. J'essaie de penser à tout sauf à lui, oublier la vie d'avant à vitesse grand V. Mais la couleur de cette lune évoquent celle de ses cheveux, l'acier de ces pierres celle de ses yeux, l'air ambiant sans la fumée... La fumée ?

Je quitte le pavé des yeux, nous étions sortis de la forêt. En face de moi se dresse un château en partie en ruine, usé par le temps et par les guerres. Une cascade gigantesque s'abat sur son sommet, le torrent dévastateur, canalisé comme par magie s'évacuait sur les côtés du château par les bouches de deux dragons gigantesques avant de finir en rivières vives qui cascadaient à travers le paysage somptueux. A son pied, comme niché en équilibre instable, à l'assaut des murs de la forteresse, ce qui aurait dut être un village. Il ne restait que des cendres encore fumantes, des pointes de bois noircis s'échappant des carcasses de pierre fumantes. Mon cœur se serre face à cette vision d'horreur. Ça n'aurait pas du ressembler à ça.

 « Les ravages de la folie étalés aux yeux de tous, Ombre de rêve, ils y ont tous succombé au point d'en être aveugle... »

Je suivais Adam qui semblait indifférent à ce qu'il avait sous le nez et j'étais de plus en plus mortifiée. Un pont de pierre, deux portes sculptée gigantesques, un couloir sombre et humide, des portes encore et une salle gigantesque dont la lumière naturelle provenait de vitraux en partie brisés. Des bribes de souvenirs fugaces me lancinaient le crâne, comme une mémoire atavique venue du fond des âges qui se creusait un chemin au travers de mon cerveau embrouillé. Il aurait dût y avoir des tentures ici, et là, un sceptre sculptés. Des vases immenses débordants d'orchidées minuscules où les fées du château venaient boire du nectar...

Tant de merveilles perdues, anéanties.

Au fond de la salle où je me trouvais à présent, un trône gigantesque de pierre sculpté, tout en hauteur. Des motifs floraux et au sommet deux fées portant une couronne qui surplombait l'assise, étonnamment, ces fées de pierre avaient des bouches. Et dans ce trône gigantesque, un vieillard insignifiant, comme prisonnier de la pierre qui l'entourait. De longs cheveux gris qui se perdaient dans une barbe tellement longue qu'elle recouvrait ses pieds. Des yeux comme aveugle, voilés, qui ne clignaient pas. Des vêtements élimés et recouvert de poussière comme s'il n'avait pas bougé de là depuis des siècles.

Adam s'approche du vieillard, lui chuchote quelque chose à l'oreille et une larme unique glisse le long du visage parcheminé avant de se perdre dans le gris triste qui prolonge son visage. Adam se relève alors, debout à la droite du roi, il saisit un bâton d'ivoire sculpté posé prêt du trône et en frappe trois fois le sol, avec un air triomphant.

-Princesse Lynlana, première fille des Pures, héritière du trône des Royaumes Oubliés est de retour au pays !

Sa voie retenti dans la salle, des carillons et des clochettes résonnent. Je lève les yeux tandis qu'une nuée de papillons noient le plafond, sur les cotés de la salle des tourbillons apparaissent, fleurs, feuilles d'automne, neige ou encore plumes d'oiseaux multicolores laissent la place à des hommes et des femmes tous plus beaux les uns que les autres. La salle est crépitante, je sens les poils de mes bras se hérisser tandis qu'ils s'approchent tous de moi et je recule vers la seule échappatoire qu'il me reste. Ce trône de pierre gigantesque et ce père qui m'est un parfait inconnu.

Il y a aussi Adam et ce bâton de commandement, celui que la royauté se doit d'arborer en toute circonstance. Je le sais maintenant, il n'a rien à faire entre ses mains. Je tends le bras vers lui, il s'évapore pour se reformer dans ma main sous le regard médusé et hargneux du blond, un sourire de pure forme s'inscrit dans ses traits désormais dures. La foule à cessé tout mouvement et nous observe.

Le vent murmure à mon oreille.

« Commande Lynnlana, Commande ! Tu es là pour ça ! Commande et tous t'obéirons aveuglément car tu es reine et non princesse en ce jour. »

Le bruit de feuilles brisées derrière moi me fait me retourner, sur le trône, le vieux roi, mon père, se transforme en statue de sel avant de se briser en poussière portée par le vent. Je suis alors cet instinct étrange, cette mémoire encore floue.

-Regagne la place qui est la tienne Adam l'Impur.

Les mots sortaient de ma bouche sans que je n'aie le temps de les penser, comme si mon cerveau fonctionnait à retardement. Une lutte oculaire s'engagea alors entre lui et moi, une lutte de volonté que je savais gagnée d'avance, ma magie surpassait la sienne, il n'était qu'un spécialiste parmi tant d'autres...

Soumis enfin, il s'écarta avec une révérence tout aussi forcée que son sourire de tout à l'heure, mon instinct primal me murmurait de le tuer sur l'heure, car tant qu'il serait prêt de moi, sa soif de pouvoir prendrait toujours le pas sur son lien de vassalité. Je nourrissais un ennemi en mon sein en le gardant en vie. Un frisson parcouru mon corps, la chair de poule sur mes bras se répandit sur le reste de mon corps, je sentais les verrous qui m'avaient été imposés sauter les uns après les autres, la magie sauvage s'infiltrait en moi par chaque pores de ma peau. C'était comme si des milliers de fines aiguilles me perçaient soudains de part en part et je poussais un hurlement strident tout en tombant à genoux. Un vent à la fois chaud et moite tourbillonnait autour de moi.

La foule qui se pressait autour de moi s'écartait maintenant avec une mine inquiète, leurs murmures me perçaient les tympans.

« Couronnée, elle est couronnée ! C'est elle, on l'attendait depuis si longtemps ! »

Le tourbillon de magie s'intensifie puis s'engouffre d'un coup dans ma gorge, je tousse deux fois comme pour recracher un morceau de nourriture qui serait mal passé, puis prends une profonde inspiration douloureuse. J'ai l'impression de m'être noyée puis d'être revenue à la vie. Je lève la tête et pose le regard sur l'attroupement de tout à l'heure, mes yeux me semblent brulants, je distingue autour de chacun d'eux des halos colorés qui transforme cette foule d'être surréaliste en un chatoiement de couleurs éblouissantes. Je plisse les yeux pour mieux les distinguer.

Un jeune homme brun, aux cheveux courts et aux yeux bleus comme un ciel d'été avant l'orage, dont l'aura métallique est semblable à l'éclat du soleil sur une lame acérée, s'avance vers moi puis s'agenouille sur le sol avant de faire une profonde référence.

-Ma reine...

The faeries tales.Where stories live. Discover now