Chapitre 7: ... mon cœur se glace.

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J'arrivais peu à peu à reprendre le contrôle de mes gestes, d'autant plus que je remarquais qu'elle aussi semblait parfois rechercher inconsciemment à me frôler, de plus en plus souvent d'ailleurs. Il faisait un temps exécrable depuis quelques jours, la neige recouvrait tout comme un linceul, le ciel était en deuil. Devant, Lynn regardait tomber la neige, répondant de temps en temps aux questions que lui posait Violette. Un peu plus en confiance, l'artiste timide n'hésitait plus désormais à être à l'origine des conversations. Lynn avait un drôle d'effet sur les gens qui l'entouraient.

Je comprenais vite fait qu'elle resterait au pensionnat pendant les vacances, capturant cette bribe d'information sur elle comme j'en récupérais tant d'autres à son insu. Je décidais donc de saisir ma chance, déchirant une feuille d'un de mes cahiers je lui demandais de venir à notre prochain concert dans une boulette de papier que je faisais voler par-dessus son épaule. Elle se retourna sur sa chaise, jetant un coup d'œil à Lysandre puis ses yeux sombres se posèrent sur moi, capturant mon regard aussi surement qu'elle avait capturée mon cœur. Elle se détourna un instant, le temps de fouiller dans sa trousse puis de répondre à mon message.

Elle posa le papier froissé à plat sur la table devant moi, ne me quittant pas des yeux. J'attrapais la feuille et déchiffrais péniblement son message, son écriture un peu trop penchée et fine rendue quasiment illisible par les plis formés sur le papier.

« Ce n'est pas poli d'écouter une conversation qui ne te concerne pas, mais c'est d'accord, je viendrais vous voir. »

Je fronçais les sourcils, surpris qu'elle commence déjà par me critiquer. Tout ce qui comptait, c'était l'invitation, ne le comprenait-elle pas ? Elle avait acceptée de venir, j'en étais à la fois heureux et surpris, je pensais qu'elle déclinerait, me disant que ce n'était pas son truc ou quelque chose dans ce genre. Je relevais la tête afin de chercher dans son regard la raison pour laquelle elle acceptait de venir. Simple intérêt pour notre musique ou y avait-il plus que ça de dissimuler derrière ses yeux sombre ? Je tentais de sonder son âme d'un regard, mais elle finit par rompre le contact oculaire, me laissant plus désappointé encore que ce que je pensais. Cette fille était une énigme...

Les cours succédaient au cours dans une monotonie affligeante, heureusement, les vacances scolaires arrivèrent plus vite que prévu. Lysandre m'avait invité à passer les fêtes de fin d'année entre potes, j'avais accepté, quelque peu sceptique. Ça me permettrait d'être un peu moins seul pour ces fêtes, mais je n'arrivais pas à savoir si c'était un bien ou un mal. D'un côté, la perspective de passer ces fêtes en compagnie d'autres personnes m'attirait, il y avait des lustres que je n'avais pas fêté noël seul.

D'un autre côté, la solitude exacerbée qui avait été la mienne, je me l'étais appropriée, et j'avais maintenant besoin de retrouver des moments de tranquillité et de solitude pour plonger dans les limbes obscurs de ma conscience. Je me disais qu'après tout, ce n'était que quelques jours dans les vacances, j'aurais quand même un peu de temps pour moi, ma musique et mes introspections solitaires.

J'enfilais une veste avant d'attacher Demon qui n'arrêtait pas de sauter dans tout les sens, impatient de pouvoir se rouler dans la neige, collant son museau dedans afin de lécher les flocons. Ça devait l'amuser plus que moi ce genre de temps. J'enfilais mes rangers pour avoir le pied plus sur, les plaques de glace peuvent être traitres et je n'avais pas la moindre envie de me casser quelque chose bêtement en me vautrant sur le sol. Surtout avec la date d'un concert aussi proche, les opportunités étaient trop rares pour qu'on les loupes bêtement.

J'emboitais le pas au chien qui connaissait le chemin du parc aussi bien que moi. Arrivé sur place, je détachais la laisse que je glissais dans ma poche en même temps que mes mains glacées. Quel temps pourri. J'observais le chien sauter, se rouler, courir comme un fou furieux, avançant sur le sentier en entendant le bruit que faisait mes chaussures en écrasant la couche de neige sous mes pieds.

Plus loin, j'avisais une silhouette assise sur un banc et c'est le manquement de battement de mon cœur qui me la faisait reconnaitre. J'approchais un peu plus encore, inexorablement attiré vers elle. Demon se coucha docilement à ses pieds alors qu'il était près de lui sauter dessus la seconde d'avant. Je secouais la tête, navré de voir mon chien aussi soumis à cette fille. Je m'arrêtais prêt d'eux alors que Lynn le papouillait. Sale veinard...

-Tu dois être une sorte de magicienne pour le faire agir comme ça, même à moi il ne m'obéit pas aussi bien.

S'en suivait un échange de politesses dont je ne retenais qu'une chose, Lynn ferait le tour du parc avec nous. Des flocons s'étaient égarés dans ses boucles brunes, lui faisant une parure scintillante. Pour m'occuper les mains et m'empêcher de la toucher, je jouais à lancer le bâton au chien qui ravi d'être l'objet de tant d'attention faisait dans la neige des dérapages impressionnants, faisant parfois voler une gerbe de flocons encore tout frais.

Le tour du lac fut à la fois trop court et trop long. Près d'elle, j'avais le corps tendu comme un arc par tous les efforts que je faisais pour ne pas la toucher. Paradoxalement, je me sentais apaisé, heureux qu'elle ne soit pas du genre à parler de tout et de rien simplement pour faire la conversation.

On arrivait près de la sortie, pour m'occuper les mains et apaiser un peu mon corps, je sortais une cigarette que j'allumais après qu'elle en ai refusé une. Un sourire aux lèvres, je tentais un poil d'esbroufe, soufflant des ronds de fumé parfaits dans l'air glacé. Le sourire que je décrochais d'elle était la plus belle des récompenses.

J'étais un peu dépité qu'elle refuse de venir chez moi boire un café ou autre chose, ce n'était pas souvent que j'invitais des gens à rentrer ici, et encore moins que ceux-ci refusaient. Mais cette déception fut de courte durée quand après avoir échangé quelques mots avec moi, elle se pencha subitement pour déposer un baiser glacé de ses lèvres si douces sur ma joue. Pendant un instant, j'avais cru qu'elle avait visé mes lèvres des siennes, mon cœur avait fait un bond prodigieux avant de se serrer douloureusement.

Je ne voulais pas de ces sensations, je ne voulais pas oublier ce vide et ce qu'il signifiait. L'amour est un leurre Castiel, il se fait beau pour te briser plus facilement. J'enlevais le gant qui couvrait ma main, effleurant des doigts la joue où elle avait déposée son baiser, serrant ensuite les doigts à en faire pénétrer les ongles dans la chair, traçant dans ma paume des demi-lunes ensanglantées.

Je devais briser ce lien avant qu'il ne me brise.

The faeries tales.Donde viven las historias. Descúbrelo ahora