Chapitre 5: ... quand les furies nous entourent.

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J'accordais ma guitare quand elle entra dans le salon, accompagnée par mon gros poilu qui se coucha à mes pieds, je ne bougeais pas, l'oreille concentrée sur les notes que j'arrachais à ma guitare, il y avait une dissonance quelque part que je devais régler. Elle posait, Cendrillon sur un trône miteux, des atours loin d'une princesse, mais tout, de son port de tête à son dos droit, donnais l'illusion de la grandeur. On pourrait croire qu'attifée comme ça, elle n'avait rien de sexy, et pourtant...

Je gratouillais les oreilles du gros, en profitant pour la dévorer des yeux, surpris d'éprouver un tel intérêt pour une inconnue, aussi belle soit-elle. Le short, trop court dévoilait des jambes longues et galbées, à la peau nacrée, le t-shirt, trop grand, pendait de côté, laissant apercevoir une partie du cou gracile ainsi que la naissance d'une épaule, ses cheveux, en partit dissimulés par son corps, cascadaient autour de son visage et sur ses épaules. Ils contrastaient de façon surprenante avec cette peau si pale.

Je ne pouvais pas me détacher les yeux d'elle, un sourire étira mes lèvres, l'autodérision, c'est le mal incarné.

-Je ne connais même pas ton nom.

Ou alors je ne m'en rappelais plus ?

-Lynnlana, mais tu peux m'appeler Lynn, comme tout le monde.

Elle avait une voie douce, grave, sensuelle, en accord parfait avec l'image qu'elle renvoyait. Sombre, sauvage, arrogante.

-Lynn.

J'aimais ce surnom, simple, il roulait sur la langue, ferait un bon titre de chanson. C'est cette pensée en tête que j'entamais une mélodie, rien de connu, juste quelques notes qui s'accordaient à mon humeur du moment, une sérénité teintée de mélancolie. Ces larmes qu'elle avait versées avaient aussi apaisées mon âme tourmentée. Symphonie du calme après la tempête, je me laissais emporter.

-Tu pourrais jouer quelque chose de plus joyeux ?

Elle a interrompu le cours de mes pensées, j'avais pour un temps tout oublié, elle compris, plongé dans ma mélodie. Puisque tel est son désir, j'entamais une portée plus joyeuse, et comme la musique s'accorde si bien avec moi, je me sentais aussi d'humeur plus sereine. Elle m'interroge sur ma musique, j'ai titillé sa curiosité. Mon orgueil, ma vanité, ce sont ces notes qui s'élèvent de mes instruments pour porter dans le cœur des gens les sentiments que je souhaite partager.

Le temps est traitre, comme le sable, il nous file entre les doigts. J'ai conscience que je devrais être en cours. Mes parents passeront un coup de fil rageur, quelle importance ? Lysandre aussi me demandera de faire des efforts, à quelle fin ?

Je la voie qui se lève du fauteuil, dirigeant ses pas vers la porte du salon. A-t-elle besoin de quelque chose ?

-Où tu vas ?

-Me changer, je peux être à l'heure pour le cours suivant et mes affaires doivent être assez sèches je pense.

Elle aussi doit se plier au système, comme tout le monde en fait, nous ne sommes que des moutons.

-Comme tu veux.

Mes doigts ne quittaient pas l'instrument, la concentration ne me faisait jamais défaut quand il s'agissait de jouer.

-J'y vais.

Elle était là, dans l'encadrement de la porte, habillée dans ses affaires encore humides, mais plus trempée, je me résignais. Si elle pouvait suivre des cours dans cet état, je ne pouvais pas faire moins. Je posais la guitare sur le sol et attrapais ma veste sous son regard surpris.

-J'arrive.

Elle hausse un sourcil délicat, surprise sans doute que je daigne suivre les cours de l'après midi alors que j'avais séché le premier. L'idée était pourtant alléchante, mais quand je commence quelque chose, je ne m'arrête pas en chemin.

-Le temps est vraiment étrange aujourd'hui.

Elle avait le nez levé vers le ciel, je suivais son exemple tout en allumant une clope, le ciel gris avait cédé la place au bleu. Mon regard glissa vers la demoiselle, dont l'humeur semblait s'accorder au temps puisqu'un sourire effleurait ses lèvres, la faisant rayonner plus encore que le soleil discret d'aujourd'hui. Lynn, capable de passer d'un extrême à l'autre dans ses sentiments, sans pudeur aucune, fière, arrogante, belle... Qu'était-elle en réalité, une sorte de songe étrange ?

-Etrange, oui, vraiment.

Je l'accompagnais jusqu'au lycée, la laissant rejoindre son délégué qui m'était sortit de la tête. Pourquoi ne s'était-elle pas jetée dans ses bras lorsqu'elle avait eu de la peine ? Pourquoi cacher ainsi une telle détresse ?

Je montais les escaliers, m'installais à ma table en mettant mes écouteurs dans mes oreilles, regardant le ciel qui s'était dégagée en m'interrogeant sur cette fille étrange. Que faisait-elle avec le délégué coincé ? Ils n'avaient rien en commun pourtant. Trop différents l'un de l'autre. Faisait-elle partie elle aussi de la masse des moutons qui suivent le système ? Elle en avait l'air, mais je doutais pourtant que ce soit son genre. La liberté qui lui manquait s'était libérée d'elle dans ses sanglots de tout à l'heure.

Elle s'asseyait de nouveaux en face de moi, dans ma tête, des notes chantaient sa beauté, je sortais un papier et un stylo et inscrivais les notes sur une portée, sous le regard intelligent et scrutateur de Lysandre qui bientôt pencha la tête vers moi, un crayon en main, pour m'aider à réaliser ce qui s'inscrivait en notes noire sur le papier blanc. Je levais un instant les yeux vers elle, les notes noires comme ses cheveux, le papier blanc comme sa peau. Un jour, sera-t-elle ma partition ?

Lorsque plus tard la sonnerie retentit pour annoncer la fin du cours, j'étais encore en train de gribouiller des notes avec Lysandre. Jamais encore le temps m'avait semblé filer si vite en cours. Lysandre, rangeant le carnet que je lui tendais après l'avoir laissé au pied de sa table, m'interrogea du regard et de la voie.

-Je ne t'avais encore jamais vu aussi productif Castiel. Serais-tu inspiré par les muses mon ami ?

-Les muses, je ne sais pas Lysandre. Une muse, sans doute.

Mon regard ne quittait pas le dos de Lynn qui franchissait la porte de la classe en discutant avec Violette. Lysandre avait capté ce regard, esquissant un sourire.

-Lynn.

Il avait prononcé son nom et mon cœur vibra. Idiot. Les coups de foudre n'existent pas. Pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher de sourire bêtement. Je suivais Lysandre dans les couloirs bondés où les lycéens, pressés de rentrer chez eux se bousculaient. Ma bonne humeur s'estompa d'un coup quand j'avisais le blondinet se pointer dans ma direction, l'un de ses foutus billet d'absence en main. J'espérais avoir du répit jusqu'à demain, je ne pensais pas que le prof avait déjà signalé mon absence.

Je m'arrêtais au milieu du couloir, le laissant venir à ma rencontre à contre courant de la foule, savourant les efforts qu'il avait à faire pour me rejoindre dans un plaisir mesquin. Un peu essoufflé, il s'arrêta face à moi, me tendant le maudit papier.

-Tu dois remplir un mot d'absence pour ton cours de cet après midi.

J'attrapais le papier sous son regard ébahi, il ne s'attendait pas à ce que je coopère si facilement. Un sourire éclaira mon visage alors que Lysandre à côté de moi semblait tout aussi surpris. Je piquais l'un des stylo de sa poche, m'appuyais sur le premier casier venu et remplissais le bon avant de lui rendre tout en reprenant le chemin de la sortit suivit de Lysandre qui ne pipait mot, sachant d'avance qu'il ne servait à rien de me tirer les vers du nez.

Je ne résistais pas au plaisir de tourner le visage tout en avançant pour jeter un œil au délégué principal. Il déchiffra l'écriture minimaliste sur le bout de papier puis serra le point dessus avant de tourner vers moi un regard haineux. Il le serrait si fort ce bout de papier, que l'encre devait s'imprimer dans sa peau avec mon message « Je sauvais Lynn d'un coup de foudre ».

Je tournais de nouveaux le visage pour faire face à la sortie, gravant dans ma mémoire ce regard haineux avec délectation, le sourire sur mes lèvres s'agrandit encore pour finir en un éclat de rire à la limite de la folie. Les moutons s'égaillèrent devant moi, libérant le passage. Je suis le loup dans la bergerie.

The faeries tales.Where stories live. Discover now