Chapitre 16: ... dans un au-revoir.

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La tête sur les genoux, j'entends les gens s'en aller avec le beau temps, comme si la profondeur de mon désespoir pouvait étendre ses tentacules obscurs hors de mon corps afin de chasser tout ce qui pourrait ressembler à du bonheur autour de moi.

J'entends les gémissements plaintifs de Démon comme une litanie en sourdine campée sur les battements vigoureux de ce cœur assassin.

J'entends au loin un coup de frein puissant qui fait crisser la gomme sur le bitume suivis d'un coup de klaxon hargneux.

J'entends le vent de plus en plus fort s'engouffrer dans les branches et siffler furieusement en glissant entre les feuilles aiguisées.

J'entends le crissement des graviers piétinés avec résolution.

Je sens les ongles de mes doigts s'enfoncer sans douceur dans la peau de mes bras.

Je sens mon cœur qui perd son rythme fou et qui s'emballe.

Qui ? Qui ose s'approcher de moi ? Qui en aurait seulement l'envie ? Lysandre ?

Je sens des bras aux mains glacées se poser sur mes épaules pour lisser ensuite la chair de poule de mes bras.

Je sens un corps chaud et indubitablement féminin se presser dans mon dos.

Je sens un souffle chaud caresser ma joue, des cheveux de soie glisser en douceur contre mon oreille avant d'entendre quelques mots à peine murmurés...

-Je suis là Castiel, je suis là.

Je sens alors toute la chaleur de sa force, toute la profondeur que peux avoir son amour et le barrage de mon âme cède, le barrage de mes larmes est balayée comme un fétu de paille. Elles glissent le long de mes joues et je n'aurais jamais cru que pleurer pouvait être si libérateur.

Elles lissent les plaies encore à vif de mon cœur, et lorsqu'une fois taries, leurs sources même me semblent un lointain cauchemar, je prends peu à peu de nouveaux conscience du monde qui m'entoure.

Mon corps frissonne, se secoue pour se débarrasser des derniers vestiges de ce passé, ils ne doivent pas influencer ma vie. J'entoure mon âme de résolution, redeviens moi-même.

Je desserre les doigts et les fait jouer un instant, pour que la circulation se fasse de nouveau normalement. J'effleure du bout des doigts la peau satinée, une image de la nuit passée s'insinue fugitivement dans mon esprit et un sourire léger parvient à étirer un instant mes lèvres.

Dans mon dos, Lynn a changée de position, mais la chaleur de son corps reste la même. Etrangement, et pour la première fois de puis longtemps, depuis toujours, je me sentais bien.

J'étends la main pour caresser le flanc du chien jusqu'à ce qu'éperdu de bonheur, il roule sur le côté pour présenter son ventre.

-Je suis désolé.

Il fallait bien qu'un de nous deux relance la conversation.

-De quoi ? D'être humain ? Tu n'a pas à être désolée, je n'aurais pas dût réagir comme ça, c'est ma faute.

Une saillie acerbe sur la curiosité féminine traversa en un éclair mon esprit mais je n'était pas d'humeur à faire du sarcasme. Pas maintenant.

-Comment tu as su ? Je veux dire, je n'ai pas de marques sur le corps... Quelqu'un t'en a parlé ?

Lynn se calla un peu plus contre moi, comme si elle profitait de ce mouvement pour chercher ses mots.

-Non, je n'en savais rien. Lysandre m'a expliqué tout à l'heure.

Mon cœur a un sursaut, l'angoisse et la honte se bousculent au premier rang dans le champ de mes émotions toutes plus confuses les unes que les autres.

-Ah...

Mes mots se perdent, mon esprit se défile, que reste-t-il de ma raison et de mon intelligence à présent ?

-Je ne sais pas trop comment en fait... Ta façon de te faire distant à certains moments... Ton regard qui partait parfois dans le vide avec sur les traits une tension un peu étrange... Je crois que c'est parce que toi et moi, on est un peu pareil, c'est plus facile de reconnaitre la douleur chez les autres quand on l'a vécue soi-même.

Mon orgueil en prenait un coup maintenant, j'étais donc si transparent à ses yeux ?

-Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

Je m'installais comme elle à mon tour et profitait de son parfum, de la douceur de sa joue contre la mienne, des caresses incessantes de ses mèches insolentes...

-Et si on commençait par un café ?

The faeries tales.Where stories live. Discover now