La Fille Gelée et la Face Cachée

Conrad

        Les rodeurs entrèrent enfin dans son champ de vision. À cheval, une torche à la main et une épée dans l'autre, deux d'entre eux avaient fière allure, contrairement au dernier qui se frottait la joue, la tête basse et le dos vouté.

— Drake est mort imbécile ! Et si on ne les retrouve pas rapidement, on y passera tous les trois !

Celui-ci était brun, les yeux sombres et le teint pâle, une aura maléfique s'émanait de lui tandis qu'une certaine autorité naturelle lui faisait redresser les épaules.

        L'autre homme, celui qui n'avait pas encore parlé, était plus petit, mais son charisme malfaisant était tout aussi impressionnant que le premier. Chauve et barbus, il semblait être le plus âgé, mais également de rang supérieur aux deux autres. Sa voix grave se fit enfin entendre :

— Drake est mort parce qu'il s'est fait repérer, ils sont sûrement en fuite.

Le plus jeune, celui qui ne semblait pas à sa place parmi ces rodeurs, leva la main pour intervenir, mais se ravisa sous le regard noir que lui adressa le premier homme :

— Ferme-la petit, estime toi heureux d'avoir la protection du Maître et reste à ta place.

Plissant les yeux, Leeroy observa de plus près cet individu, et fut surpris de constater qu'en effet, il ne devait pas dépasser les dix ans. Mais ses traits tirés et ses cernes témoignaient d'une vie difficile et le faisaient vieillir de trois ans au moins. Il est beaucoup trop jeune pour être ici. Il fut également impressionné qu'à un si jeune âge, il puisse monter un cheval et le faire galoper.

— Le maître ne va pas être content, déclara le chauve les sourcils froncés.

— Drake n'était qu'un imbécile, il n'a jamais été doué pour la traque.

Tout en disant cela, les trois rodeurs descendirent de cheval et les deux adultes rengainèrent leurs épées.

        Finalement, le jeune dragonnier inspira un bon coup et mit le masque qu'il avait tant détesté porté. Celui d'un homme dur, sévère et impitoyable. Il était temps d'intervenir.

        D'un léger mouvement de poignet, il rompit le sort et quitta son invisibilité. Silencieux, il sauta de sa cachette pour atterrir souplement au pied de l'arbre, derrière les trois rodeurs.

        Le bruissement des feuilles et l'atterrissage ne furent néanmoins pas discret, et les hommes se retournèrent immédiatement, sourcils froncés, tandis que les deux adultes avaient dégainé de nouveau leurs armes, faisant crisser le métal contre leurs fourreaux.

— Qui va là ?! demanda l'homme brun, menaçant.

Leeroy s'avança vers eux, toujours dans l'ombre, ne dévoilant pas tout de suite son visage. Sa silhouette sombre tout de même perceptible et sa démarche assurée firent frissonner le garçon qui ne savait plus où se mettre.

— Répondez pauvre misérable ! s'écria le même rodeur.

Le dragonnier, toujours dans sa démarche lente et digne d'un fauve, fit un mouvement sec du poignet, envoyant valser l'épée de l'homme brun contre un arbre.

— Je... Qui êtes-vous ?!

Alors qu'il palissait à vue d'œil et dégainait une autre arme, un couteau, son compagnon fronçait les sourcils. Il leva la main et lui fit signe de se taire, les yeux rivés sur la silhouette noire du dragonnier.

        Celui-ci s'avança enfin à la lumière des torches, dévoilant un visage sévère et imposant. Ses mâchoires étaient serrées, ses sourcils froncés et ses yeux plus noirs que jamais. Leeroy se tenait devant les trois rodeurs, droit, le menton haut et les épaules carrées, assurant une stature puissante.