3.12 : les Kingars

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Cavan se faufila dans l'espace sombre entre deux sapins, et s'arrêta silencieusement sous les frondaisons pour écouter.
Aucun bruit suspect ne se faisait entendre. Il attendit néanmoins que les battements de son cœur se calment et que sa respiration ralentisse.
Au loin, il entendit un animal crier, et une branche grincer sous la brise fraîche. Puis le silence revint, seulement perturbé par l'écoulement chantant d'un ruisseau.
Cavan reprit son expédition, ses pas étouffés par la mousse qui recouvrait le sol de la forêt.
Il lui avait fallu presque une semaine pour avoir les bons renseignements. Ce genre de choses ne se murmuraient que de bouche à oreille, et il avait évité de poser trop de questions sur les Kingars, cela aurait été le meilleur moyen de se faire remarquer.
Par contre, il avait incité ceux qui le souhaitaient, à délier leur langue. Ces renseignements l'avaient conduit au sud de la ville, ce qui n'était pas de bonne augure puisque c'était le chemin de leur fuite.
De là, il avait suivi un messager jusqu'à un camp de soldats, à l'écart de la route, à plusieurs lieues de Borth.
À pas de loup, il se faufila à travers les arbres, et s'aplatit devant une butée. Lentement, il rampa sur la crête. La terre et les feuilles mortes glissèrent sous ses bras.
Allongé au sommet, il observa le camp.
Les informations qu'il avait obtenues étaient bonnes. Mais elles n'étaient pas à jour. Il n'y avait pas une vingtaine d'hommes, mais au moins dix fois plus.
Soucieux, il étudia chaque emplacement de tentes, chaque feu, chaque garde, chaque arme.
Avec deux cents soldats à leur trousse, les choses devenaient très dangereuses. Il lui tardait de rentrer prévenir Brogan. Il déciderait sûrement qu'il était temps pour eux de s'éloigner, et de se faire oublier. À la réflexion, Cavan jugea même qu'il serait préférable qu'ils se séparent. Ils devraient partir chacun de leur côté pour plus de sûreté.
Il jeta un dernier regard, les mâchoires crispées, sur le camp de grande taille, avant de se laisser glisser en bas de la pente avec précaution. Il sentit alors une pointe acérée appuyer dans son dos. Il soupira, et tourna légèrement la tête.
— En visite ? demanda le soldat avec un sourire goguenard.
Mais Cavan ne s'y méprit pas. Cet homme n'était pas un simple garde de deuxième section. C'était un combattant aguerri. Pas aussi bon que lui, certainement, mais quelqu'un dont il devait se méfier.
Cavan se redressa avec prudence, et fit face à l'homme. Il avait le crâne rasé, et une boucle d'oreille. Il ressemblait plus à un pirate, qu'à un soldat. Pourtant, il portait la fameuse cape rouge de l'armée.
— Je me suis perdu.
Cavan restait impassible, et n'attendait qu'un seul geste pour passer à l'action.
L'autre le jaugea, le regard froid.
Puis un sourire carnassier anima son visage.
— Alors je vais t'aider à retrouver ton chemin, rétorqua-t-il en lui faisant signe d'avancer.
Alors qu'il passait devant lui, Cavan regretta de ne pas avoir gardé son sabre. Il lui aurait réglé son compte au plus vite avant de disparaître.
Il n'avait que ses dagues. Mais elles ne feraient pas le poids contre l'énorme épée de l'homme.
Cavan se laissa mener à travers le camp, ce qui lui permit de récolter plus d'informations qu'il n'en avait besoin.
Son constat lui arracha un soupir. Il allait devoir rajouter quelques chiffres au nombre de soldats qui s'était établis ici.
La pointe de l'épée s'enfonça dans son dos pour le faire avancer plus vite.
Sur leur chemin, les gardes se retournaient pour les observer, étonnés. Cavan marchait la tête haute, avec cette démarche caractéristique d'un homme qui sait qu'il va au devant des problèmes — même de la mort — mais qui avance sans état d'âme.
Ils traversèrent tout le camp, et le guerrier s'étonna d'arriver à la périphérie. Puis il constata qu'un autre camp, bien plus petit celui-là, jouxtait celui des soldats.
Ils traversèrent ensuite une petite clairière avant de stopper. Sur cette partie-là, il n'y avait aucune tente. Juste des affaires regroupées par paquets et disposées ça et là. Des sacoches, deux feux, un groupe de chevaux, et beaucoup d'armes.
Un des hommes assis autour du feu tourna la tête vers eux, les jaugea puis se leva. C'était un géant au crâne rasé, comme l'homme qui l'avait fait prisonnier. Celui-ci avait les deux oreilles trouées et ornées de perles et d'anneaux. Son regard était de la couleur des glaciers du nord.
L'endroit d'où il venait, comprit Cavan.
Il avait en face de lui les Kingars, et certainement leur chef à en juger par l'autorité qui se dégageait de sa personne.
Il se campa devant lui, et le guerrier dut lever légèrement la tête pour le fixer.
Quelque chose dans les yeux du géant le dissuada de tenter quoi que ce soit. Il serait mort avant d'avoir fait le moindre geste.
Il se retrouvait enfin en face de ces fameux guerriers ! Et à les voir de plus près, il était prêt à croire tout ce que l'on racontait sur eux.
Cavan détailla la cicatrice qui barrait son œil gauche et qui descendait sur son menton. Elle lui donnait un air dur et glacial.
Il se fixèrent un long moment, sans mot dire, puis le géant sortie un long couteau très particulier. Il n'avait jamais vu ce genre d'arme. La lame, d'environ onze pouces, formait plusieurs courbes, comme une vague. L'un des bords était coupant comme une lame de rasoir, l'autre, acéré également, possédait une crénelure en forme de bec qui pointait vers l'arrière. Une telle lame arrachait viscères et boyaux lorsqu'on la ressortait.
Cavan comprit qu'il ne rentrerait pas cette fois-ci.

Le Roi en Exil, tome 1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now