3.3 : deuxième blessure

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Neve venait de donner un mélange d'herbe à Ciarán afin qu'il puisse se reposer. Même s'il ne se plaignait pas, la jeune femme voyait bien qu'il souffrait le martyr. Ses traits étaient tirés, ses yeux cernés et son apparence générale déclinait de jour en jour. Ne pouvant que très peu bouger, il perdait de la force et des muscles. Ce qu'il n'acceptait pas, bien sûr. Il se forçait, tous les jours, à se lever et à marcher pour se prouver qu'il valait encore quelque chose. Malheureusement, il ne faisait que s'épuiser davantage.
Neve avait alors décidé de le droguer pour le forcer à se reposer, et permettre ainsi à son corps de récupérer plus vite.
Elle appliqua ensuite un baume avec délicatesse sur son dos.
Elle essuyait ses mains lorsque Cavan pénétra à l'intérieur. Au son de la porte qui s'ouvrait, elle se tourna vers lui.
À la vue de son visage en sang, elle comprit de suite pourquoi il venait la voir. Elle lui désigna une chaise pour le faire asseoir.
Avant de l'examiner, elle se lava soigneusement les mains avec du savon, puis s'approcha et souleva son visage à la lumière pour l'examiner.
— Que s'est-il passé ? demanda-t-elle avec douceur.
Cavan la fixait avec intensité.
— Je m'entraînais avec Magnus... Il a été plus rapide.
Les mains de Neve tremblèrent sous l'émotion.
— Je ne lui ai rien dit, précisa Cavan, impassible.
Neve se détendit légèrement.
Pendant un instant, elle avait pensé qu'ils s'étaient bagarrés à cause d'elle. Même si ce n'était pas le genre de Magnus, qui gardait toujours son calme, elle savait à quel point les hommes pouvaient devenir irascibles quand il s'agissait des femmes.
Elle nettoya consciencieusement sa blessure, en silence.
Cavan la regardait faire, sans pouvoir s'empêcher de repenser à ce qui était arrivé lorsqu'ils étaient allés au village.
La jeune femme se tenait tout contre lui, et il n'avait qu'une seule envie : la toucher. À chaque fois que ses jupes frôlaient ses jambes, il avait envie de passer ses bras autour de sa taille pour l'attirer contre lui et l'embrasser.
Il avait posé les mains sur ses cuisses, et les serrait convulsivement à chaque frôlement.
— Je vais devoir recoudre.
La voix de Neve le sortit de sa rêverie et le ramena à la réalité.
Il hocha la tête, sans rien dire.
— Tenez ça.
La jeune femme prit sa main, et la posa sur le linge humide qu'elle tenait contre son œil.
Cavan attendit dans cette position qu'elle aille chercher une aiguille et du fil. Patient, il essaya de réfléchir à la situation pendant qu'elle préparait ses instruments. Il avait beaucoup de mal à comprendre ce qui lui arrivait. Il n'avait jamais à ce point été attiré par une femme.
Il n'avait jamais, non plus, rencontré une femme qui corresponde en tout point à ses fantasmes, à vrai dire.
Il perdit le fil de ses pensées quand elle revint vers lui et poussa son visage jusqu'à ce qu'il soit collé contre sa poitrine.
Son cœur manqua un coup, son sang circula plus vite, ses muscles se nouèrent sous l'effet de l'excitation.
Il déglutit difficilement et se demanda s'il allait devenir fou.
La douleur lui permit de reprendre quelque peu ses esprits. Ses traits se tendirent quand la jeune femme enfonça l'aiguille dans sa peau, mais il n'émit aucune plainte.
Neve essayait de faire de son mieux pour lui éviter de souffrir, mais la blessure était mal placé. L'entaille, en forme de demi-lune, entourait légèrement son œil, du sourcil à la pommette.
Elle ne pouvait pas recoudre aussi vite qu'elle l'aurait souhaité, et prenait garde à ne pas l'éborgner.
Tout doucement, elle tira sur le fil d'une extrême finesse, puis repassa l'aiguille dans la plaie pour faire un autre point.
Il a de la chance, pensa-t-elle, l'entaille est nette et les bords ne sont pas déchiquetés. Il ne garderait qu'une fine cicatrice, si elle arrivait à le recoudre correctement.
Elle entendait son souffle court, et tenta, du mieux qu'elle put, de ne pas le faire souffrir.
Cavan, quant à lui, se demandait comment sortir de cette situation. Sa respiration haletante n'était pas dû à la douleur — il avait connu des blessures bien plus graves, et il aurait fallu plus qu'une simple entaille et une aiguille pour le faire pleurnicher — mais au contact de la jeune femme.
Sa joue reposait contre son sein, une des mains de la guérisseuse retenait ses cheveux puis descendait sur sa tempe pour maintenir la peau lorsqu'elle tirait délicatement sur le fil, l'intérieur de son bras effleurait continuellement son visage.
Il était soumis à une tentation diabolique.
Quand, enfin, elle finit le dernier point, Cavan manqua de pousser un soupir de soulagement. Il se retint à grand peine. Il se sentait plus à l'étroit dans son pantalon qu'il ne l'avait jamais été en sa présence, et préférait éviter qu'elle le remarque. Il se leva un peu trop vite et Neve le regarda les sourcils froncés.
— J'ai des choses à faire, marmonna-t-il en guise d'explication.
Alors qu'il s'apprêtait à partir, la jeune femme le retint par le bras.
— Attendez, je n'ai pas fini !
Cavan soupira de dépit, sans remarquer les sourcils haussés de la guérisseuse.
Elle prit un pot rempli d'une matière gélatineuse de teinte brique, et lui en appliqua délicatement sur la blessure.
L'odeur lui fit froncer le nez.
— Il y a quoi là-dedans ? demanda-t-il, mécontent.
Neve sourit.
— Il ne vaut mieux pas que vous le sachiez...
Cavan lui lança un regard méfiant.
— Revenez me voir plus tard pour que je vérifie qu'il n'y a pas d'infection, commanda-t-elle en ignorant son attitude soupçonneuse.
Le guerrier hocha la tête sans rien dire, et sortit de la maisonnette.
Neve se demanda pourquoi il partait aussi précipitamment.

Le Roi en Exil, tome 1 [TERMINÉ]Kde žijí příběhy. Začni objevovat