Le Roi en Exil, tome 1 [TERMINÉ]

2.1 : Lochlainn & Doyle

Le soleil se levait à peine quand Brogan rentra au camp. Arrivé à l'orée de la forêt, il contempla les lieux avec attention. L'endroit était très bien situé : à mi-chemin des terres royales, de la frontière et assez éloigné de toutes grosses villes pour ne pas attirer l'attention.
Magnus avait bien choisi l'emplacement. Ils étaient cachés par la forêt, et protégés par la falaise. Il entendait les vagues déchainées de la mer qui s'écrasaient contre la paroi vertigineuse d'ardoise.
Il n'y avait personne en vue.
Il savait que Doyle et Lochlainn étaient de garde et surveillaient les alentours, même s'il ne les voyait pas. Il les avait entraînés à rester invisibles et c'était bien ce qu'ils faisaient.
Car même s'ils avaient reconnu Brogan depuis plusieurs lieues, ils étaient restés tapis dans l'ombre, à vérifier que personne d'autre ne venait par ici.
— Qu'est-ce qu'il fait ? demanda Lochlainn.
Doyle eut un rictus.
— Il nous cherche.
Lochlainn, allongé sur le dos, releva un peu la tête pour regarder la vallée en contrebas. Au loin, il voyait leur chef, à l'abri sous le couvert des arbres, qui attendait, droit sur sa monture.
Lochlainn avait une vue perçante. Aussi loin fût-il, il pouvait voir le maître d'armes plisser les yeux et essayer de les débusquer. Il eut un sourire amusé.
— S'il compte nous trouver... commença-t-il.
Doyle eut presque un sourire.
— ... il peut toujours espérer, finit-il.
Ils faisaient équipe depuis de nombreux mois et ils étaient les meilleurs en ce qui concernait la surveillance. Ils pouvaient rester cachés des jours entiers sans se faire remarquer.
— Où est le roi ? demanda tout à coup Lochlainn, les sourcils froncés.
Doyle haussa les épaules.
— Il est passé par l'autre côté.
— Seul ?
Lochlainn était surpris. C'était dangereux de laisser le souverain sans surveillance.
Doyle hocha la tête sans rien dire. Dans l'ensemble, il s'en fichait. Un roi ou un autre, pour lui, ça revenait un peu au même. Il était simplement là pour le prestige. Car même s'ils devaient rester dans l'ombre, être le meilleur des meilleurs avait quelque chose d'exaltant pour lui.
— Brogan commence à se faire vieux, marmonna Lochlainn
Doyle lui jeta un coup d'œil en coin.
— Ne t'avise pas de lui dire cela en face, il te prouverait sûrement le contraire.
Lochlainn grimaça.
Ce n'était un secret pour personne : il n'aimait pas Brogan. Il avait été enrôlé pour ses capacités, pas pour ses affinités avec le chef. Et le fait qu'ils se soient tous les deux déjà retrouvés face à face sur le champ de bataille n'aidait pas leur relation.
Lochlainn s'était pourtant plié à l'entraînement inhumain qu'il leur avait fait subir, sans broncher. Comme Doyle, il voulait être le meilleur. Et pour ça, s'il devait en baver devant son ancien ennemi, il était prêt à le faire.
Mais même s'il faisait partie de l'élite des guerriers, il n'était pas sûr de pouvoir battre Brogan en combat singulier. Et cela avait tendance à l'énerver prodigieusement.
— La relève est pour quand ? se contenta-t-il de demander.
Doyle jeta un coup d'œil au soleil qui commençait sa lente ascension.
— Dans une heure, environ.
Lochlainn resta silencieux, et se contenta de hocher la tête.