(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.

La Nuit Rouge (Partie II)

Un concert d'acclamations s'éleva alors. Sur le qui-vive, je promenai un regard plein d'appréhension autour de moi. Au milieu de la clameur assourdissante, je ne repérai aucune action suspecte. Tous semblaient se bousculer pour tenter d'apercevoir leur futur roi en premier. Seuls Amalia et Corey demeuraient tapis au fond de la Salle de Bal, observant la scène en silence.

C'est alors que Kian apparut aux côtés de sa sœur, élégamment vêtu. Mon cœur se mit à battre un peu plus vite, et je tressaillis en remarquant la puissante couronne dorée posée en équilibre sur la chevelure sombre du prince. Ce dernier agita alors la main en direction de ses futurs sujets, un sourire avenant aux lèvres. Son regard vert semblait pourtant fouiller la pièce du regard. Devonne lui pressa subtilement le bras, et il se reprit aussitôt.

Du coin de l'œil, je remarquai un mouvement près de l'entrée. En tournant la tête, je notai la présence de Dylan. L'Inapte se tenait droit comme un piquet, guettant patiemment le signal de Kian. Impressionnée, je haussai les sourcils. Visiblement, le rebelle avait su tirer profit de sa couverture pour s'assurer d'être le Garde accompagnant le prince aux appartements de sa future reine.

— Sa Majesté le roi Thobias DeCalonne ! cria de nouveau la même voix. Souverain et protecteur de la Patrie de La Renaissance !

Cette fois, les ovations redoublèrent d'intensité. Mais je ne pus que constater que de telles effusions avaient quelque chose de feint. Contrairement à la réaction des invités à l'entrée de Kian, personne ne semblait se réjouir sincèrement de l'arrivée du monarque. Celui-ci s'avança néanmoins vers ses enfants, talonné par les membres de son Conseil.

Thobias se planta bientôt entre Devonne et Kian, qui se raidirent imperceptiblement au contact de leur père. Le sourire de la princesse trembla un peu, et je compris qu'elle était de nouveau projetée deux jours plus tôt, lors du bannissement de Charles DeCalonne.

Pour ma part, je sentis une haine destructrice s'emparer de moi lorsque le roi balaya la pièce de son regard apathique et froid. Je serrai les dents en voyant Thobias attraper les mains de ses enfants avant de lever les bras d'un air victorieux. Et plus les applaudissements se déchainaient, plus je me sentais au bord de la nausée.

Je repérai bientôt le Capitaine Allen en retrait de ses collègues du Conseil. Son éternelle expression placide sur le visage, il fixait minutieusement son souverain. Mon regard se posa ensuite sur José Grant, qui se tenait quelques pas derrière Thobias. Contrairement à l'Homme de Glace, le père de Hugo semblait peu enclin à se construire une façade impassible. Je repérai rapidement des gouttes de sueur sur son front plissé, et mon sentiment d'alarme monta d'un cran.

Comme s'il avait senti mon attention tournée vers sa personne, Allen pivota lentement en ma direction. Nos regards se croisèrent un bref instant, et ses lèvres s'étirèrent en un sourire laconique. Mes jambes se ramollirent, mes mains se mirent à trembler violemment.

— Non, c'est trop tôt, soufflai-je.

— Tout va bien ? interrogea Baldwin en fronçant les sourcils. Tu es toute pâle...

Grâce au brouhaha régnant autour de nous, il n'avait pas entendu mon commentaire angoissé. Je hochai vigoureusement la tête avant de me redresser, le cerveau tournant à plein régime. Je m'efforçai d'ignorer mon estomac noué afin de réfléchir correctement. Je me trouvais désormais face au fait accompli. Thobias retournerait bientôt à la poussière. Je pouvais assister à la scène avec toute mon impuissance. Ou y contribuer dans l'espoir de retrouver ma sœur saine et sauve. Je pensais avoir fait mon choix, mais plus je me rapprochais du moment fatidique, plus je sentais ma motivation flétrir.