CHAPITRE 8 : Histoires Secrètes (Partie I)

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Nous suivîmes une Geneviève bouleversée à travers un dédale de couloirs, en silence, jusqu'à ce qu'un brusque sanglot s'échappe de la bouche de la rousse.

— Ginny, qu'est-ce qu'il y a ? la pressa Kian en l'attrapant par le poignet.

La jeune fille se retourna brusquement, les yeux rougis par les larmes. Mon cœur se serra face à tant de douleur. Elle s'humecta les lèvres en prenant une profonde inspiration.

— Victor Némirovsky a été assassiné, laissa-t-elle tomber. Il y a une heure. C'est arrivé dans son domaine de Millestburgh. Tout le monde est bouleversé, Kian.

Ce dernier poussa un hoquet de surprise.

— Quelle horreur, murmura-t-il. Que... comment...

― Je ne sais pas, l'interrompit sa cousine en se mordant la lèvre inférieure. Mais tout le monde t'attend dans la salle du Trône.

L'héritier opina et pressa le pas. Ne sachant pas comment réagir, je suivis les deux membres de la famille royale, en prenant soin de dissimuler le carnet de Nathan dans la poche intérieure de ma veste noire. Durant le court trajet, Kian et Geneviève ne pipèrent mot. L'air autour d'eux semblait être alourdi par une indescriptible tristesse.

Lorsque nous entrâmes dans la salle du Trône, où j'avais été interrogée la veille, une véritable confusion y régnait. Devonne était assise dans un coin à même le sol en marbre, l'air hébétée. Diana et Avril l'entouraient, une trace argentée laissée par une larme ornait la joue de la seconde. Non loin du Trône inoccupé, un groupe d'hommes tenaient une conversation animée. Et Thobias faisait les cent pas, fulminant de rage, évoquant plus un lion en cage qu'un homme endeuillé. En voyant entrer Kian, il se dirigea droit vers son fils.

— Te serais-tu enfin décidé à nous honorer de ta présence, Kian ? Geneviève t'a mis au courant de la nouvelle, je suppose. Victor est mort ! tonna Thobias.

— Je suis au courant, dit son fils d'une voix éteinte. C'est une tragédie...

— Un Noble, un tel homme, abattu comme un chien par ces immondices de Rebelles Inaptes ! poursuivit le père. C'est un comble ! Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour assurer la prospérité du pays, et ces brutes se permettent de demander plus, alors qu'ils ne font que nous ralentir ! Ils devraient se sentir honorés de contribuer à aider les Nobles ainsi que nos vaillants soldats !

Un concert d'acclamations accueillit ce discours. Je me sentais nauséeuse, submergée de dégout, et mes poings étaient serrés tellement fort que je sentais mes ongles s'enfoncer dans mes paumes. Non, la Cueillette n'était pas un mal pour un bien. Pas lorsque les habitants des bourgades d'Inaptes vivaient dans une angoisse permanente.

— Deux attaques déjà père, et à quelques jours d'intervalle, intervint le prince d'une voix forte, mais égale. Nos ennemis essaient de nous faire passer un message. Ils prennent de l'assurance et de la puissance, ils veulent instaurer un climat de terreur et d'insécurité. Mais si je peux me permettre, il me semble que beaucoup d'informations nous échappent...

Un silence de plomb s'abattit sur la pièce. Thobias se tourna vers Kian, sourcils froncés.

— Qu'essaies-tu de nous dire, fils ? répliqua le roi.

— Pourquoi avoir choisi de frapper à Millestburgh ? lâcha Kian, les yeux brillants. Alors qu'ils auraient pu s'en prendre à un Apte résidant au Palais, à l'instar de l'incendie. Il y a tellement de Nobles mieux placés que Victor, et qui auraient pu être atteints plus facilement. Pourquoi lui en particulier ? On pourrait confondre ce meurtre avec une attaque isolée. Après tout, Victor possédait un nombre incalculable d'ennemis qui sont aussi des opposants directs de la Couronne. Réfléchissons un instant, on dirait que les Rebelles suivent un schéma bien précis, d'abord la Maison de Justice brulée, comme s'ils voulaient représenter leurs droits consumés par l'existence des Cueillettes. Et maintenant, la mort de l'un des plus proches amis du roi. On pourrait croire que ce qu'ils visent réellement, c'est votre vie, car pour beaucoup d'Inaptes défavorisés, les problèmes du royaume sont dus à votre refus de changer la manière de gouverner qu'ont adoptée vos prédécesseurs. À mes yeux, les deux attaques ne sont que des avertissements... que vous feriez mieux de prendre en compte.

(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant