Garder Un Secret (Partie II)

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― Bon vas-y Kylie, m'encouragea Geneviève avec un sourire réconfortant. Tu peux le faire.

Je lui lançai un regard épuisé en soupirant, une angoisse intenable m'enserrant toujours la poitrine. Me sentant soudain envahie par trop d'émotions à la fois, je me mis à faire les cent pas, me mordant la lèvre inférieure. Un grognement agacé s'échappa soudain des lèvres de Devonne. Cette dernière se dirigea vers moi avant de m'attraper fermement par les épaules.

― Écoute Kylie, je sais parfaitement ce qui te préoccupe, me dit-elle d'une voix sérieuse. Mais le problème est que te torturer l'esprit à cause du sort de ce Garde ne sert strictement à rien. Les choses seront bientôt réglées, et personne ne découvrira jamais la vérité concernant Fealds, d'accord ?

Les larmes aux yeux, je secouai vivement la tête. Je sentis ma gorge me picoter lorsque je répondis d'une voix étouffée :

― Je... je n'arrive pas à croire qu'un innocent va mourir à cause de mon impulsivité.

Je vis Devonne lancer un regard de détresse à Geneviève, qui s'avança vers moi avec une lueur de compassion dans les yeux.

― Il est vrai que tu aurais pu rester à ta place, concéda-t-elle d'une voix douce. Mais ce qui est fait est fait. Je sais que parler de la sorte peut paraitre inhumain, sauf que nous sommes à la Cour. Ici, chacun fait des sacrifices pour sauver sa peau et tirer son épingle du jeu. Et il arrive que certaines personnes se piquent au passage...

― Autrement dit, personne n'a le choix, l'interrompit brusquement Devonne en tapant du pied. Johnson n'est qu'un dommage collatéral dans cette histoire. C'est triste, mais l'essentiel est de sauver ta peau. Mieux vaut les autres que toi. Alors, maintenant sèche-moi ces larmes, tu pleureras plus tard !

Geneviève lança un regard d'avertissement à sa cousine, mais cette dernière l'ignora royalement. Je ressentis soudain une brulure dérangeante au niveau de mon estomac et je serrai fermement les poings en balayant des yeux la salle d'entrainement.

Lorsque j'étais retournée à ma chambre une heure plus tôt, Geneviève m'y attendait. Devonne n'avait alors pas tardé à arriver à son tour, le regard déterminé. Entre-temps, j'avais mis la rousse au courant de tout ce qui s'était passé. C'est alors que la princesse avait décrété qu'il était grand temps pour moi de commencer mon entrainement.

Résultat : cela faisait plus d'une vingtaine de minutes que je tentais de convoquer mes pouvoirs, sans aucun succès. J'étais bien trop bouleversée.

― Kylie ? demanda Geneviève d'un air inquiet. Tu te sens bien ?

Je me forçai à inspirer profondément afin de reprendre mes esprits. Pourtant, rien n'y faisait. Cet endroit ne faisait que me rappeler le moment où la pauvre Julie avait été torturée, à l'instar des autres Inaptes avant elle qui avaient toutefois eu moins de chance. Et à cet instant, la pensée de Kat s'imposa douloureusement à mon esprit. Qu'avait-elle bien pu subir exactement ? Combien de temps son esprit avait-il tenu avant que ses dernières forces ne désertent le corps de mon amie ? Qui s'était chargé d'elle ?

Puis, je pensai à Sam DeCalonne et à son père Visionnaire. Les mots de ce dernier se mirent alors à tourner en boucle dans mon cerveau déjà surchargé. Je me demandais bien qui jouerait le principal rôle dans cette angoissante prémonition. Et une petite voix en moi me disait que je ne tarderais pas à en savoir plus, mais que je ne pouvais porter seule le poids de tous ces secrets. Sauf que je commençais à douter de Kian...

Fealds avait brièvement évoqué le prince Edgar DeCalonne, sans toutefois s'étendre sur le rôle que ce dernier avait joué dans l'entrée discrète du Confident à la Cour. Une chose était pourtant sûre, j'avais beau ignorer combien de Confidents demeuraient en vie et où ils se cachaient, quelque chose me disait que tous vouaient une haine sans nom envers les DeCalonne.

Et si Edgar avait été au courant des origines de l'Aptitude, son frère devait l'être aussi. Aussi, comment être sûre qu'en sa fonction de futur roi, Kian ne connaissait pas déjà l'existence de l'Égarement avant même de me rencontrer ? Ou encore qu'il ne cherchait pas à me manipuler pour faciliter le plan de son père ?

― Geneviève, tu sens ça ? chuchota Devonne en me fixant les yeux exorbités.

Je relevai brusquement la tête et avisai rapidement son front soudain couvert de sueur. Je baissai ensuite les yeux sur mon corps tremblant de rage. La sensation de brulure à l'intérieur de moi atteint son paroxysme au moment où tout mon être se mettait à irradier d'une lueur rouge. La douleur avait beau être atroce, je ne cillai même pas, gardant mon regard déterminé fixé sur les deux jeunes filles.

― Devonne, recule ! s'écria Geneviève en tirant sa cousine en arrière.

Un instant plus tard, une multitude de flammes vinrent lécher ma peau et un immense brasier ne tarda pas à m'encercler, empêchant désormais quiconque de s'approcher de moi. Bientôt, une rafale de vent brulant se leva aussi, envoyant violemment valser les deux DeCalonne contre un mur.

Soudainement grisée par tant de puissance, je poussai un grand cri. Pour la première fois de ma vie, je me sentais terriblement libre, forte et déterminée. J'étais désormais prête à affronter tout obstacle qui se dresserait en travers de mon chemin. Non, je n'avais plus peur de rien. Et je déclarerai la guerre à quiconque souhaitant me nuire.

Quelques instants plus tard, je laissai enfin mes muscles se relâcher. Le corps endolori, je fis peu à peu disparaitre mon brasier, me sentant étrangement vide lorsque toute flamme eut disparu.

Je vis alors Devonne grimacer de douleur en aidant Geneviève à se relever. Envahie par la culpabilité, je me précipitai dans leur direction.

― Je suis désolée ! m'exclamai-je les yeux écarquillés. J'espère que vous allez bien ?

― Tu plaisantes ? rétorqua Devonne avec un grand sourire excité. Je ne me suis jamais autant amusée de ma vie ! Je n'avais jamais assisté à rien de tel !

― Tes pouvoirs sont... renversants, Kylie, renchérit Geneviève en laissant échapper un petit rire nerveux. Sans mauvais jeu de mots.

J'esquissai un petit sourire tremblant. J'avais encore du mal à croire en ma propre puissance. Néanmoins, je me rembrunis légèrement en me souvenant de ce qui était arrivé à Erika Taylor, qui avait été submergée par ses pouvoirs au point d'être enfermée là où elle ne pourrait faire de mal à personne.

Comme si elle avait senti mon trouble, Devonne m'attrapa les mains et me dit d'une voix joyeuse :

― Ne t'en fais, tu apprendras à maîtriser tout ça avec le temps !

Je hochai la tête avec un sourire forcé. Geneviève éclata soudain de rire avant de lâcher :

― Olivia vient de rater le spectacle de l'année !

Sur ces mots, la rousse afficha un sourire de conspiratrice. Et je ne pus m'empêcher de l'imiter...


(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant