CHAPITRE 2 : Geneviève (Partie 1)

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 — Tu veux bien m'expliquer ! tonna Dylan. J'ignorais que ma meilleure amie avait des tendances suicidaires !

Je me recroquevillai sur moi-même, le dos contre la porte de la boutique, sous un soleil en plein déclin. Mon regard embrassa rapidement la rue déserte, et je détournai rapidement les yeux en remarquant des taches de sang au sol. La Cueillette semblait enfin achevée, nous étions de nouveau tranquilles. Du moins pour un moment.

— Je ne pouvais pas les laisser prendre Kat ! protestai-je mollement en me triturant les ongles.

— Eh bien, c'est drôle, rétorqua mon interlocuteur, les dents serrées. Parce que figure-toi qu'un peu plus et ils t'enlevaient aussi !

Je me mordis la lèvre inférieure, blessée. La journée avait été assez dure comme ça. Et le fait que Dylan me rappelle qu'en réalité je n'aurais rien pu faire pour Kat, à part me mettre en danger, ne faisait que renforcer ma peine.

— Désolé, s'excusa-t-il soudain avec une grimace en voyant mon regard s'assombrir. C'est juste que j'ai eu très peur pour toi, Ky'.

Je hochai la tête. Tout d'un coup, je me sentais terriblement lasse. Tout ce dont j'avais envie, c'était de me coucher à même le sol et me laisser aller dans les bras réconfortants de Morphée.

Daniel sortit alors de la boutique, l'air sombre, le dos voûté par la peine. Il me lança un regard grave.

— Le soleil se couche, annonça-t-il. Est-ce que tu te sens en état de rentrer chez toi ? Tu sais que tu es toujours la bienvenue chez nous.

Je hochai le menton de nouveau. Le père de Dylan me tendit alors ma veste noire, que j'enfilai en frissonnant.

— Est-ce que tu es sûre que tu ne préfères pas rester ce soir ? s'inquiéta le blond en avisant mon teint pâle et mon corps tremblant.

Je secouai la tête, en inspirant profondément pour ne pas perdre mon sang-froid.

— Inutile de me raccompagner, le rassurai-je précipitamment comme Dylan ouvrait la bouche pour ajouter quelque chose.

Il n'eut pas l'air convaincu. Néanmoins, il se contenta de me serrer dans ses bras, me prodiguant un léger réconfort. Je m'accrochai à lui un long moment avant d'esquisser un sourire peu convaincant et de tourner les talons, les gestes fébriles.

Une fois hors de la vue de Daniel et son fils, je me mis à courir sans me retourner pendant plusieurs minutes. Néanmoins, je ralentis en apercevant au loin une petite fille en larmes. Je m'approchai d'elle prudemment, avant de lui adresser un petit signe rassurant de la main et de m'accroupir face à elle.

— Coucou toi, fis-je doucement. Comment tu t'appelles ?

Elle me toisa un moment d'un air interdit de ses douloureuses prunelles sombres, ses cheveux gras éparpillés sur ses épaules maigrichonnes, puis lâcha entre deux sanglots :

— Ariane.

— Pourquoi pleures-tu ? demandai-je en lui effleurant gentiment le bras, espérant lui prodiguer un réconfort dont j'avais moi-même besoin.

— Il y a ce méchant monsieur, tout à l'heure, qui a emmené mon grand frère, dans sa grosse voiture pleine de gens qui pleuraient...

Je m'humectai nerveusement les lèvres, combattant mon mal-être grandissant, avant de demander :

— Et tes parents, où sont-ils ma belle ?

Ariane se raidit face à ma question, puis pencha la tête en séchant ses joues humides.

— Au ciel, répondit-elle simplement.

Je clignai des yeux pour chasser les larmes qui s'accumulaient sous mes cils. Je ne savais pas quoi faire. Perturbée, je me mordis l'intérieur de la joue avant d'interroger :

— C'est ton frère qui s'occupait de toi ?

Ariane acquiesça en silence, son regard de nouveau mouillé me vrillant le visage. Je déglutis afin de faire disparaitre la boule qui m'obstruait la gorge. Puis je repris :

— Comment s'appelait-il ?

— Jake.

La petite me lança alors un drôle de regard, fronçant les sourcils.

— Pourquoi est-ce que tu parles de lui au passé ? interrogea-t-elle d'un air farouche qui contrastait avec sa voix fluette.

Je ne sus quoi répondre. Cette enfant n'était pas dupe. Avant que je ne comprenne ce qui m'arrivait, je sentis ma respiration se faire de plus en plus sifflante, et mon rythme cardiaque accélérer de manière inquiétante. Sans un regard de plus pour la gamine, qui m'observait désormais comme si elle sentait que quelque chose n'allait pas, je me redressai précipitamment. Manquant de trébucher, je m'empressai de contourner l'enfant, les mains moites, le cœur hurlant ma détresse.

***

J'arrivai enfin à la maison, le pas lourd et trainant, serrant et desserrant les poings. Prenant une profonde inspiration, je me concentrai sur la sensation de la légère brise qui caressait mon visage, histoire de calmer l'angoisse qui menaçait de m'engloutir une seconde fois.

Mais en passant le pas de la porte, je compris que mon calvaire n'était pas terminé. Sur notre minuscule canapé était assise Gracie, la mère de Kat, en compagnie de Hazel, ma propre mère. Toutes deux semblaient mortes d'inquiétude, et levèrent la tête lorsque j'entrai.
Ma mère ne put retenir un profond soupir de soulagement en me voyant saine et sauve. Son regard jusqu'alors trouble se fit plus clair à mesure que l'inquiétude disparaissait de sa physionomie. Gracie, elle, se leva d'un bond, envoyant valser la tasse de thé qu'elle tenait jusqu'alors entre ses doigts, ce qui produisit un son qui me parut évoquer le bruit d'un cœur se brisant.

— Kylie, me dit-elle d'une voix pressante en se tordant les mains, rongée d'inquiétude. Katherine n'est pas rentrée. Tu ne l'aurais pas vue ? Je pensais qu'elle pouvait se trouver avec toi...

Avant que je puisse l'en empêcher, une larme solitaire roula sur ma joue. Je l'essuyai d'un geste rageur. Mais ce ne fut pas suffisant, car Gracie écarquilla les yeux avant de porter une main à sa poitrine, le teint livide. J'eus le temps de voir ma mère la rattraper au moment où elle perdait l'équilibre. Les bras ballants, je regardai la mère de Kat, effondrée par le chagrin, pousser un véritable cri de désespoir. Hazel me lança un regard lourd de tristesse en me désignant discrètement l'escalier en colimaçon. Sans me faire prier, je m'élançai vers ce dernier, et le gravis aussi vite que me le permettaient mes jambes.

Une fois à l'étage, je plaquai vivement une main sur ma bouche afin de retenir un sanglot.
En franchissant la porte de ma chambre, je trouvai Amy affalée sur mon lit aux draps désordonnés. Elle darda aussitôt son regard bleu sur moi en se redressant.

— Il s'est passé quelque chose, devina-t-elle simplement en haussant un sourcil. J'ai entendu Gracie.

Je fis oui de la tête, laissant enfin à mes larmes le droit d'inonder mes joues. Bientôt, je me retrouvai secouée de sanglots.

— Tu es blessée ? demanda ma sœur en plissant le front, une lueur inhabituelle dans les yeux. Est-ce que tu aurais besoin de soins ?

Je secouai la tête, ignorant mon estomac noué et ma nausée désagréable. Poussant un soupir, Amy se leva lentement avant de s'approcher vers moi et de m'attraper doucement par les épaules. À travers le rideau de larmes, je me sentis entrainée en direction de mon lit.

Un instant plus tard, je me retrouvai sous une épaisse couverture, et je sentis mes muscles crispés se détendre au moment où je me laissais tomber dans les bras de Morphée.

(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant