L'héritier Du Trône (Partie II)

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Le lendemain, je me réveillai avec un mal de crâne lancinant. Un moment, je crus me trouver dans mon petit lit au sommier grinçant, à Kalénine. Mais les récents évènements me revinrent brutalement en mémoire, et un frisson m'envahit lorsque je me remémorai l'avertissement que m'avait donné Kian avant de tourner les talons et de rejoindre l'intérieur, l'air totalement déboussolé.

Je fis passer mes jambes par-dessus l'épaisse couverture et me pris la tête entre les mains, appréhendant la journée qui s'annonçait. Ma peau était déjà mise aux enchères à cause de mon esprit immunisé contre l'Aptitude, je n'osais même pas imaginer ce qui arriverait si quiconque découvrait l'existence de mes pouvoirs.

La porte s'ouvrit soudain, me faisant sursauter. À mon grand soulagement, seule Anna fit son entrée dans ma chambre, et je fus étonnée de la trouver les yeux rougis et les cheveux en bataille, comme si elle avait couru jusqu'ici.

— Bonjour Mademoiselle, bafouilla-t-elle en s'efforçant de ne pas perdre son professionnalisme.

— Bonjour Anna, répondis-je calmement. Que se passe-t-il ? Vous semblez bouleversée...

Elle me lança un regard effarouché et s'empressa de se tenir droite tout en s'essuyant discrètement les yeux sur sa manche.

— Rien, tout va parfaitement bien, inutile de vous inquiéter pour moi, je ne suis qu'une simple domestique. Mais allons, vous n'êtes pas encore levée ? Son Altesse et ses amies vous attendent pour le petit-déjeuner.

— Oh, fis-je lentement d'un ton ennuyé. Bien sûr, le petit-déjeuner...

Formidable. Voilà que j'allais enfin faire la connaissance d'Aptes de mon âge, issues de la Noblesse qui plus est, et qui ne manqueraient pas de me mépriser et de me juger. Sans oublier de m'observer comme si je n'étais qu'un rat de laboratoire.

— Je vous préviens tout de suite, Anna, soupirai-je en me levant. Il est hors de question que je m'encombre encore d'une robe affriolante.

Le repas était censé se dérouler dans les jardins. Ayant secrètement visité l'endroit la nuit dernière, je n'eus pas trop de mal à m'y retrouver. Et c'était vêtue d'un élégant pantalon noir que j'arrivai près de la fontaine de la veille, avant de bifurquer en direction de la table en fer forgé, dissimulée par un rosier.

Bientôt me parvint la rumeur étouffée d'une conversation :

— Je te jure, disait une voix féminine. J'ai failli avoir un malaise ! Comment est-ce que ta cousine a bien pu défendre cette parfaite inconnue ?

— Nous savons tous qu'elle doit cacher quelque chose, renchérit une autre. Le hic, c'est que tout le monde doit se fier au témoignage de Ginny, faute de preuves !

— Et puis d'abord, Devie, pourquoi est-ce que ton père a besoin d'elle ? Pourquoi la garde-t-il en vie puisqu'elle menace le système ?

Excellente question. Je m'accroupis légèrement derrière le rosier pour en entendre plus.

— Personne ne sait ce qu'un roi a dans la tête, rétorqua la voix de Devonne avec hauteur, prenant enfin part à la conversation.

— Et ton frère alors, il en pense quoi ? demanda la première voix d'un ton curieux.

— Tu connais Kian, soupira faussement la princesse. Il adore faire de la charité !

De petits rires amusés retentirent. Je fus tentée un instant de laisser cours à ma colère et d'incendier le jardin, mais je me calmai en inspirant profondément et avançai en direction de la petite table, contournant le rosier. Lorsque les trois amies me virent, le silence se fit. Je jetai un œil à Devonne, détaillant sa chevelure châtain relevée en chignon et sa longue robe rouge. C'est alors qu'un éclat vert autre que celui de ses yeux attira mon attention. Brillant de mille feux, le fameux collier de Daniel pendait à son cou gracile. Je serrai les poings, envahie par une vague de tristesse au souvenir du père de mon ami. Ainsi, Devonne était la mystérieuse acheteuse. Celle à cause de qui je me trouvais dans le pétrin. La princesse portait avec insolence la preuve même de mon innocence. Pourtant, elle se contentait de feindre l'ignorance aux yeux de la Cour entière... Était-ce par peur du roi ou par simple méchanceté à mon égard ?

(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant