(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.

CHAPITRE 3 : La Salle Du Trône (Partie 1)

Je ne saurais dire combien de temps je restai inconsciente. Lorsque j'émergeai enfin, je battis des paupières pour tenter de m'habituer à mon nouvel environnement. Des murs gris et humides, un sol en pierre froid. Plissant les yeux, je remarquai bien vite l'absence de fenêtres, ainsi que les barreaux qui faisaient office de porte. Choquée, je mis un moment à comprendre que je me trouvais dans une cellule. En prison.

Quel genre de crime une adolescente de seize ans pourrait-elle bien commettre ?

Je grimaçai en sentant un mal de tête lancinant me vriller le crâne. Je posai une main à plat sur un mur sale pour tenter de me relever.

Je me sentais très faible et une odeur âcre flottait autour de moi. Les souvenirs me revenaient progressivement : l'incendie, Geneviève, le collier. Je grimaçai en effleurant une éraflure au niveau de ma jambe, due à ma chute.

Soudain, j'aperçus quelque chose remuer dans le noir. Je m'arcboutai d'instinct en adoptant une posture défensive.

— Qui est là ? demandai-je d'une voix plus forte que ce à quoi je m'attendais.

— Je... je suis comme toi...

En percevant la voix faible et rauque de mon interlocuteur, je relâchai la pression de mes poings. Un Inapte...

— Je m'appelle Jake, ajouta-t-il avant d'être interrompu par une quinte de toux.

Je fronçai les sourcils, ce prénom me paraissant familier. Me revint subitement en mémoire un visage enfantin baigné de larmes.

— Oh mon dieu ! hoquetai-je. Tu es le frère de cette petite fille... Ariane !

— Tu connais ma sœur ? s'exclama-t-il en se redressant brusquement.

Lorsque Jake approcha son visage des barreaux séparant nos deux cellules, je pus enfin le détailler. Son visage était pâle et émacié, ses grands yeux marron cernés. Et ses cheveux trop longs sur le devant lui retombaient sur le front en mèches graisseuses. Lorsqu'il serra les barreaux, ses jointures blanchirent.

— Comment va-t-elle ? demanda-t-il d'une voix pressante.

— Je ne sais pas, avouai-je. Je l'ai rencontrée le soir de la dernière Cueillette... elle m'a parlé de toi.

L'Inapte poussa un profond soupir et enfouit sa tête dans ses mains, se triturant les cheveux entre ses doigts noircis de crasse.

— J'étais tout ce qu'elle avait, marmonna-t-il d'une voix étouffée, comme s'il se parlait à lui-même. Sa seule famille...

— Que t'est-il arrivé ? demandai-je doucement après un moment d'hésitation.

Jake répondit lentement, sans relever les yeux :

— J'étais au boulot, quand les Aptes sont arrivés et m'ont embarqué. Je n'ai même pas eu le temps de me défendre, ou même de formuler une pensée cohérente que je me retrouvais torturé mentalement. Ils m'ont fait voir des choses horribles, et j'avais beau savoir que rien n'était réel, je souffrais tellement que je me suis laissé prendre...

— Et on t'a amené ici, dis-je calmement en m'agenouillant face à lui.

— Oui, nous étions une vingtaine, tous enfermés dans des cellules différentes. J'ai entendu des choses affreuses sur ce qui arrive à ceux qui subissent la Cueillette. Mais en fait, je pense que rien ne rend justice à la réalité. Je suis le dernier qui reste. Ils ont commencé à emmener les autres un par un. On ne les revoyait jamais. On les entendait crier un moment. Et puis plus rien. Les Aptes s'entrainaient sûrement sur eux...