(Gratuit le 3 Janvier) APTITUDE : Le Chaos Et La Couronne.

Les Yeux Dans Ceux Du Diable (Partie II)

— Kylie ! Réveille-toi, Kylie !

Je soulevai subitement les paupières, le cœur au bord des lèvres. Des cris affolés me parvinrent aux oreilles, et ce n'est qu'en me redressant que je compris qu'ils provenaient de ma gorge. Je regardai autour de moi, totalement paniquée. Je me trouvais encore dans la Forêt Interminable, et j'étais couverte de terre et de poussière. À quelques mètres de moi, une voiture noire aux vitres teintées éclairait les alentours grâce au faisceau des phares allumés.

— Kylie, répéta une voix douce et soulagée. Tout va bien, je suis là...

Je tournai la tête et vis Kian accroupi près de moi, ses prunelles vertes voilées par l'inquiétude. Encore hantée par les images qu'Evan avait implantées dans mon cerveau, je me jetai au cou du prince, inspirant profondément son parfum rassurant.

Surpris au début, Kian ne tarda pas à me rendre mon étreinte. Ses mains réconfortantes se posèrent sur ma nuque, et il murmura :

— Tout va bien, mon ange.

Une fois calmée, je me dégageai lentement de ses bras. Sans me lâcher pour autant, le prince m'observa attentivement.

— Est-ce que tu pourrais m'expliquer la raison pour laquelle je viens de te trouver au milieu d'une forêt dite maudite par les Inaptes d'Ambre, allongée dans la terre et complètement effrayée ? demanda-t-il d'une voix tendue.

Je pris une profonde inspiration et posai mes mains frémissantes sur son visage. La chaleur se dégageant de la peau de Kian m'apaisa légèrement. Pourtant, je demeurais hantée par le regard vert et éteint du prince inanimé.

— Sommes-nous loin de la Résidence ? interrogeai-je nerveusement.

Par-dessus mon crâne, mon interlocuteur jeta un œil à la nuée d'arbres derrière moi. C'est alors que je remarquai que Kian était vêtu d'une manière décontractée qui, ajoutée à la présence de la voiture, ne pouvait signifier qu'une seule chose. Le prince s'était aventuré en dehors de la Résidence pendant la nuit.

— J'aperçois vaguement les contours du Bâtiment Principal, répondit finalement le jeune homme en plissant les yeux. Nous serons chez nous dans environ vingt minutes...

Je hochai la tête. Kian reporta son regard sur moi en haussant un sourcil.

— Quelque chose de grave est arrivé, devina-t-il en m'attrapant par les épaules. Je ne vois pas comment tu serais arrivée ici seule...

— Je ne suis pas arrivée seule, l'interrompis-je d'une voix frisant l'hystérie. C'est... c'est ton frère qui m'a conduite ici. Il... il a tué les parents de Baldwin.

La réaction de Kian ne se fit pas attendre. Son visage blêmit d'un seul coup. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, avant de se raviser et de m'attraper par la main.

— Rentrons, déclara-t-il d'un ton ferme dans lequel perçait une pointe d'anxiété. Je sais que tu es bouleversée, mon ange. Mais tu vas devoir me dire tout ce qui est arrivé sans omettre aucun détail.

J'acquiesçai à contrecœur en ouvrant la portière du véhicule noir, côté passager. Se glissant derrière le volant, je vis Kian scruter les bois d'un air alarmé en pianotant nerveusement des doigts sur le tableau de bord.

— Où étais-tu ce soir ? demandai-je en m'efforçant d'ignorer la pénombre menaçante que les phares allumés peinaient à supprimer. Tout le monde te croyait avec le roi, comme tous les soirs.

— J'ai décidé d'aller rendre visite à Œil Noir, soupira le fils de Thobias.

Désarçonnée, je me redressai sur mon siège. Kian me lança un regard nerveux et esquissa une grimace. Je ne pus retenir un grognement révulsé en me souvenant du repaire des mercenaires, cet endroit mal famé dans lequel je m'étais sentie réduite à un vulgaire objet. Je portai machinalement une main à la base de mon cou, sentant encore les doigts d'Œil Noir exercer une pression insoutenable contre ma peau. Mes yeux se posèrent ensuite sur la cicatrice en forme de triangle qui subsistait sur mon poignet.