Chapitre 38 (Thétis)

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Les semaines passèrent. L'on s'occupait bien de moi ici. Laetita m'aimait bien, je crois, j'arrivais à l'écouter des heures durant sans avoir l'envie de fuir. Cela occupait mes pensées durant ce temps. Quant à Octavius, je pense qu'il préférait ne rien montrer afin de contrarier son épouse. Ils n'avaient pas d'enfant ou alors en ont perdu un, ils n'en parlaient jamais.

J'aidais également au logis, reprenant des tâches qui m'étaient familières, comme si une partie de mon passé récent n'aurait jamais du exister. Pourtant, il se rappela à moi. Le bébé que j'avais entendu dans mon rêve et qui m'avait poussé à me réveiller, à survivre s'étant manifesté. Très discrètement, juste que sa présence commençait à se voir. Mon ventre s'étant légèrement arrondi.

Combatif comme l'était son père.

Je songeais alors au mien, à toute cette inquiétude qui devait l'accabler depuis ma disparition. Il devait sans doute me croire morte. Ou pire à ses yeux. Et dire que je n'étais pas passée bien loin. Et ce couple si adorable fut-il ne pouvait pas me garder indéfiniment. J'avais été libérée de mon maître, mais ils craignaient à tout moment qu'un débiteur fasse son apparition. D'après eux, l'un d'eux me recherchait.

Que fait un esclave lorsqu'il a enfin retrouvé sa liberté ? Il rentre chez lui.

Je voulais qu'il voie son petit-fils, ce cher enfant sur lequel il avait mis tous ses espoirs avant que je m'enfuie. Tu donneras naissance à un héros toi aussi ! M'avait-il prédit à cause de mon prénom. Au fils d'un héros, d'un guerrier, d'un gladiateur. Le fils du Callidromos.

Semaines et puis mois. Fatigue et malaise. Nostalgie. Souvenir. Chagrin. Puis bonheur enfin de le sentir bouger en moi alors que nous faisions route pour la Crête. Averti. Mon père fit envoyer de ses hommes pour venir me chercher ainsi qu'une servante. Oh bien sûr, ressemblant à des voyageurs et non des soldats.

Faisant pratiquement le chemin inverse de mon périple avec le convoi de Caius, nous arrivions au domaine de mon ancienne maîtresse.

– Ne peut-on pas loger ailleurs ?

– Il va faire nuit et il était prévu que nous fassions halte ici.

Un retour en arrière douloureux, tant pour le souvenir des coups et des humiliations que pour cette nuit où il m'était apparu. Dissimulant mon visage à cette femme ainsi que ses employées qui m'auraient reconnue, je demandai pourtant à loger dans la chambre qui fut la nôtre l'espace d'une nuit et m'assis devant l'âtre ou un feu nourri réchauffait la pièce.

– Toi, tu n'auras jamais froid, je te le promets, petit de Gwydion, fis-je tout en caressant mon ventre et l'enfant qui y sommeillait.

Ou alors pas tout à fait puisqu'il me fit remarquer sa présence par quelques mouvements. Je lui racontai alors l'histoire de notre rencontre afin de l'apaiser et qu'il s'endorme, oubliant les plus tristes moments, lui contant à quel point son père pouvait être fort et combien lui aussi, le sera un jour. L'on frappa à la porte et je me tournai, empêchant que l'on me reconnaisse.

– Voici ce que vous avez demandé madame, nous avons eu un peu de mal à en trouver par cette saison.

– Merci.

Il était vrai ma grossesse m'incitait parfois à ressentir d'étranges envies, mais bien moins que celle qui m'occupait l'esprit à présent, devant la cheminée massive. Je saisis une lame me semblant suffisamment robuste et en entaillai la pierre, y laissant ma trace. J'imaginais et c'était la une bien petite vengeance, que la maîtresse des lieux en serait folle de rage en voyant cela, mais vu ce que cela coûterait à être remplacé, ce message y resterait gravé pour longtemps.

De toute manière, elle n'y comprendrait rien, je ne savais écrire que dans ma langue, ce qui était bien loin de ce qu'elle connaissait. 

La muse de CallidromosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant