Chapitre 36 (Thétis)

4.6K 511 13
                                    

– Est-elle réveillée ?

– Elle est consciente en tout cas.

– Pauvre enfant, qui sait ce qu'ils lui ont fait subir là-bas.

– L'amener ici n'était peut-être pas une bonne idée. C'est une esclave après tout.

– Ne dit donc pas de bêtise Octavius ! Tu m'as dit toi-même que son maître avait été réduit en pièces sous tes yeux, elle est libre à présent.

– Rien n'est certain Laetitia.

Des voix me parvenaient, une conversation absurde, des chamailleries de couple s'en suivirent. Gwydion. À quoi bon vivre si tu n'étais plus là ? Je tâchai d'ouvrir les yeux, mais ils me brûlaient. Tout mon corps me brûlait, mais d'un autre feu que celui qu'il m'avait fait connaître. Deux visages ronds, deux paires d'yeux inquiets et étonnés m'observaient, mais je n'avais pas la force de soutenir leur regard. Je sombrai...

– Sa fièvre est tombée ? Cela fait tout de même trois jours qu'elle est dans cet état.

– Elle est descendue, mais... si elle ne se nourrit pas, on va la perdre.

– Mais enfin Octavius ! Tu es praticien oui ou non !

– Ah ne me crie pas dessus Laetitita ! Je fais tout ce que je peux ! Mais... j'ai l'impression que cette jeune fille ne veut tout simplement pas vivre.

Un couloir. Si long ! Et criblé de portes. Toutes fermées à clé. Ou étais-je ? Chez Serenus ? M'avait-on ramenée chez Apries ?

– Gwydion ?

Par réflexe, je l'appelai, mais le souvenir de son corps inerte me revint. Amasis confirmant de la tête que c'était fini. Je m'écroulai au milieu de ce couloir sans fin. Pourquoi avancer ? Pour retomber dans les mains de Caius ? Je n'avais plus le moindre intérêt pour lui, il me revendrait au plus offrant. Et je finirai comme j'aurais dû commencer.

Des cris, des pleurs me parvinrent. Comme un appel qui me poussait à me relever et à faire quelques pas. Ce n'était ni un homme, ni encore un enfant dont j'entendais les échos, mais celui d'un nourrisson. Il avait faim.

– Octavius ! La fièvre est tombée ! Octavius bougre d'âne ou es-tu passé !

L'on souleva mes paupières l'une après l'autre et je revis dans une fraction de seconde, ces visages au-dessus de moi. Elle affichant un large sourire, lui toujours aussi perplexe et qui soupira.

– Alors ?

– La fièvre est tombée.

– Oui, ça je te l'avais déjà dit ! Mais elle va s'en sortir ?

– Apporte lui quelque chose à manger, mais léger, cela ne dépend que d'elle.

Octavius et Laetita étaient tous deux de souche gallo-romaine. Lui médecin et elle... d'après lui, elle ne servait qu'à lui taper sur les nerfs. Véritable moulin à parole, elle m'apprit comment j'étais arrivée ici. Son époux chargé de soigner quelques guerriers ou, à vrai dire, d'annoncer leur décès étant sur place lors des combats assista à une émeute au cours de laquelle Caius et Serenus furent tués par un public déchaîné contre eux. Il n'avait eu que le temps de me traîner à l'écart.

Elle semblait confiante, pour elle, un maître mort fait un esclave libre, mais je n'osais y croire. Elle poussa donc son époux à aller se renseigner, ce qu'il fit en pestant tant qu'il put, craignant le risque d'être déclaré comme voleur d'esclave. Il revint avec une étrange nouvelle par contre. Les autorités s'étant mêlées de tout cela, main basse avait été faite sur les documents appartenant à Caius. Et en effet, une esclave grecque du nom de Thétis y était mentionnée, mais aucune disposition n'était prise quant à mon sort en cas de mort. Et... chose étrange, j'étais officiellement sa seule esclave. Et Gwydion ? À qui appartenait-il dans ce cas ?

La muse de CallidromosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant