Chapitre 4 (Thétis)

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L'on m'avait forcée à me baigner, me frottant le corps de quelques huiles parfumées, me brossant les cheveux jusqu'à ce qu'ils retrouvent leur douceur et leur légèreté d'antan. Et ce fut au moment où elles allaient m'appliquer les fards et les ombres sur mon visage que ma maîtresse entra et frappa sèchement dans ses mains.

– Non, nous n'avons plus le temps pour cela. Qu'on l'habille, je l'emmène.

Habiller était un terme pour le moins mal choisi pour l'occasion. Ma tenue était bien plus proche de ce que portaient les prostituées attendant lascivement dans les salons des bordels que d'une tunique. Il m'avait été donné d'assister ce genre de spectacle et à plusieurs reprises. De voir de mes yeux, dissimulée derrière un paravent semi-opaque, ce qu'un homme empressé et trop fougueux pouvait faire subir à une femme. Ceci, dans le but de me mettre en face de ce que serait mon destin si je n'obéissais pas et de me rendre plus docile. Cela m'avait donné la nausée.

Et ce soir, l'on allait me forcer à faire cela. Moi qui pensais que ma virginité m'en préserverait. Que j'étais sotte. Au contraire, elle attendait d'être offerte. Et ensuite ? Une fois perdue ? Qu'allait-on faire de moi ? De quelle tâche ingrate allais-je devoir m'acquitter puisque je ne posséderai plus cette précieuse excuse afin de m'éviter ce genre d'humiliation. Servir quelques diplomates en visite officielle, de riches commerçants venus marchander en ville ? Nous savions toutes comment ces soirées se terminaient, en d'immondes nuits d'orgie.

Elle m'enveloppa ensuite dans une cape, et m'entraîna parmi quelques couloirs dans l'aile des invités. Mes jambes tremblaient encore depuis tout à l'heure et je peinais à avancer.

– Tu sais ce que tu as à faire. Tu devras lui obéir, quoi qu'il te demande. Et n'oublie pas, s'il émet la moindre plainte contre toi, la punition sera pire que le fouet.

– Pire que le fouet ?

– Si tu t'imagines qu'être offerte à cette brute sanguinaire est une chose horrible, imagine ce qu'il t'en coûterait si je te laisse aux bons soins de toute la garde...

Je m'arrêtai sur place, tétanisée par l'image qui venait de se former dans mon esprit, mais elle me poussa violemment en avant, manquant de me faire trébucher. J'arrivai de ce fait un peu brutalement devant une porte gardée par deux hommes. Cette fois, ce n'était plus uniquement mes jambes, mais tout mon corps qui tremblait, mâchoire y comprise. Comme si nous étions en plein hiver alors que nous quittions doucement le mois de juillet.

Elle frappa à la porte, l'ouvrit avant que l'on ne réponde puis me poussa à l'intérieur, me laissant seule avec celui qu'elle qualifiât de brute un peu plus tôt. La chambre était vaste et richement décorée de meubles en bois précieux, de tapis et de tentures. Une table et des chaises pour se sustenter, un petit bassin pour s'y détendre et trônant au centre de la pièce, un vaste lit jonché de peaux, fourrures et de multiples coussins. Cet endroit qui me répugnait déjà d'avance, sachant ce que je serai contrainte d'y faire.

Mais ce qui me frappa le plus fut la cheminée, massive certes, mais surtout ou crépitait un feu digne des soirs de gel. Et devant ces flammes, un homme. Assis au sol, les fixant. Il ne semblait même pas m'avoir entendue entrer et je m'étonnai de constater que la brute sanguinaire, le gladiateur imposant que j'imaginais n'était en fait qu'un jeune homme tout à fait normal au final. N'ayant rien d'aussi effrayant.

Je n'osais pas bouger d'un cheveu, préférant qu'il me donne ses premiers ordres plutôt que de le déranger. La moindre contrariété pouvant se changer en punition.

– Je voudrais rester seul, fit-il.

Sa voix était triste, fatiguée, mais d'une tonalité basse, rassurante.

– Je n'en ai pas le droit, je dois vous servir sinon l'on me punira...

Je ne savais pas même comment le nommer. Maître ? Seigneur ? Je ne connaissais pas son nom. Mais je l'entendis soupirer et rien de plus. J'avais reçu des directives le temps que l'on me prépare et me les remémorai dans l'ordre. J'ôtai ma cape, celle-ci dissimulant bien mieux mon corps que ce qui s'y trouvait dessous. Une tunique courte, mon unique vêtement. Ou plutôt, un tissu tenu à une seule épaule, la seconde étant dénudée. Tel vêtement n'avait évidemment pour but que de susciter son intérêt et de pouvoir être ôté, arraché même, d'un simple geste.

J'étais écœurée de me déplacer dans cet accoutrement, mais il me fallait me résigner. Je me jetai sur un plateau de fruits et, afin de lui être agréable comme je me devais de le faire, vint vers lui pour le servir. Il ne tourna pas même la tête vers moi lorsque je vins m'agenouiller à côté de lui. Le feu crépitant me réchauffant immédiatement, brûlant presque.

– Voulez-vous des...

... fruits ? L'avais-je surpris ? Il sursauta légèrement et se frotta les yeux. Cet homme pleurait ! Le héros du jour, celui qui avait vaincu et gagné le tournoi était en larmes plutôt que de savourer sa victoire ? Je ne comprenais pas. Mais j'eus tôt fait de baisser les yeux, ne souhaitant pas le gêner davantage.

– Peut-être plus tard. Mais toi, sers-toi. J'imagine que l'on ne doit pas vous nourrir beaucoup ici non plus.

Il me proposait de manger, je n'osai pas sur le moment, puis me risquai à croquer un raisin levant les yeux vers lui. Il était si jeune, tout autant que moi et n'avait rien à voir avec le monstre auquel je m'attendais. Et pourtant il avait tué de ses mains aujourd'hui, malgré cela il avait l'air si fragile en cet instant.

La muse de CallidromosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant