Chapitre 15 (Gwydion)

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Le couloir. Ce couloir sans fin qui s'effritait sous mes pas encore une fois. Et ces portes closes que je tentais d'ouvrir une après l'autre sans succès. Maxus ? Non, inutile, il était mort. Alors... qu'est-ce que je cherchais cette fois que je ne trouvais pas ? Celsus ? Il m'avait trahi. Cet abruti d'Amasis ?

– Il faut tenir le coup gamin ! Mais souviens-toi ! Je suis plus fort que toi !

Je devais bien avouer qu'il m'avait surpris, à me porter secours et refuser de jouer le jeu de Caius en participant à cette mise à l'épreuve. Car c'en était une, quoi d'autre ? Me tuer ? Pourquoi m'avoir acheté sinon. Mais n'avais-je pas déjà fait mes preuves ? N'avais-je pas remporté cette victoire aux arènes ? Prouvé que j'avais mes chances même si elles demeuraient encore maigres d'atteindre Rome et ma liberté ?

Une odeur me parvint. Celui d'un parfum de femme. Ainsi que la caresse d'un souffle léger. Un rire venu de ma mémoire, doux, agréable, communicatif. Puis la brûlure du fouet, m'arrachant la peau du dos. Je me réveillai en sursaut. Nous étions au milieu de la nuit.

À travers la douleur, je sentais par moment quelques tâtonnements m'apportant un peu de fraîcheur et même si cela ne me soulageait pas vraiment, cela avait le mérite de nettoyer mes plaies. Je me trouvai allongé de tout mon long sur le ventre et entrouvris les yeux, voyant Amasis posé sur son coude et souriant de son air provocateur comme à son habitude. Mais cette fois, je n'avais pas la force de le haïr.

– Alors gamin, on revient de loin ? J'ai deux nouvelles pour toi, une bonne et une mauvaise. Laquelle veux-tu entendre en premier ?

Je ne lui répondis pas, mon humeur n'étant pas vraiment à prendre ses plaisanteries pour ce qu'elles étaient.

– La bonne dans ce cas. Tu t'en es sorti comme un grand. À vrai dire, tu leur as mis une belle raclée. Au final, tu n'es pas si mal...

– Et la mauvaise ?

– Ce n'est que le début gamin.

Je soupirai pour réponse et m'engageai sur le coup, sans réfléchir, à demander si Thétis allait bien. Mais je compris très vite que ce ne devait être nulle autre qu'elle qui se trouvait dans mon dos, à tenter de soigner mes blessures. Qui d'autre aurait pu le faire avec tant de douceur ?

– Où veulent-ils en venir ? M'achever avant le tournoi ?

– Non, tout d'abord s'assurer que tu ne vas pas t'écrouler dès le premier combat. Pour cela, ils ont un argument de poids.

Il regardait en direction de la jeune femme qui se trouvait toujours hors de ma vue et je compris. Tout cela n'était qu'une comédie. Celsus puis Caius. Ils devaient s'être mis d'accord. M'octroyer un moment agréable avec elle, me la faire apprécier grâce à ses charmes pour me forcer ensuite à la prendre en pitié. Et maintenant, s'en servir pour m'asservir plus encore. Mais dans quel but, je ne saisissais pas encore très bien.

Au matin lorsque nous repartions, je tentai de garder un peu de dignité et refusai de prendre place dans la charrette, préférant marcher. S'ils voulaient me voir plier, il leur faudrait encore attendre. Mais je souffris le martyre.

Régulièrement, Thétis venait à en descendre afin de m'apporter de l'eau puis faisant de même pour Amasis, mais évitant soigneusement les deux autres guerriers. Nul besoin de se demander pourquoi. D'après lui, elle avait passé la nuit sous notre tente à me veiller et s'occuper de mes blessures. Je lui étais reconnaissant, mais en même temps, j'aurais réellement souhaité ne jamais croiser sa route, n'avoir jamais eu à demander de l'emmener avec nous. Je la mettais en danger, je nous mettais en danger. Mes espoirs ainsi que moi-même.

Peu avant midi, mes dernières forces me lâchèrent ainsi que mes jambes et c'est porté par le Callimorphos que je rejoignis contre mon gré la carriole. Il me posa sur la toile des tentes auprès d'elle. Assise à côté de moi, s'évertuant à me prodiguer un peu d'ombre avec sa présence, je levais les yeux vers elle.

– Je suis désolé pour tout cela Thétis.

Elle me répondit d'un léger mouvement d'épaule et d'une petite moue, que je décryptais par un « nous n'y pouvons rien ». Tant mieux, j'aurais détesté qu'elle en vienne à vouloir me plaindre ou s'excuser bêtement à son tour, ce n'était pas le but.

Au moins cette seconde nuit fut plus réparatrice ainsi que les suivantes. Je fis d'ailleurs valoir mes droits vis-à-vis de ce fameux « cadeau » que représentait la jeune fille, réclamant qu'elle dorme dans notre tente et celles-ci furent attribuées autrement. Je pouvais ainsi garder un œil sur elle et m'assurer qu'on n'en viendrait plus à lui faire de tort pour m'atteindre de nouveau. Ou tout de moins, je serai déjà sur place. Amasis dormait avec nous ainsi que le mercenaire qui avait pris ses aises à côté de l'issue. Tandis que nos deux agresseurs de l'autre nuit se partageaient la tente des bagages désormais.

Nous traversions quelques villages en route ou Caius achetait de quoi poursuivre la route. Et malgré la tension de nos deux petits clans au sein du groupe, il n'y eut plus d'autre mise à l'épreuve. Mais je me méfiais.

La muse de CallidromosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant