Chapitre 34 (Thétis)

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Amasis était revenu le chercher à l'aube. Aucune parcelle de mon corps ne souhaitait pourtant quitter ses bras, sa chaleur et ce qu'il m'avait appris de lui durant ces heures qui me marqueront à jamais. Non pas juste par des mots, mais ses attentions, une tendresse en lui que je ne soupçonnais pas, un besoin toujours plus puissant de nous emmener toujours plus loin. Me faisant découvrir ce que je n'osais imaginer connaître un jour. Le désir, le plaisir, l'amour.

Et pourtant il le fallait. Jusqu'à la nuit prochaine du moins, j'avais confiance en lui, tout allait bien se passer. J'allais être libérée et je reprendrai ma place au quotidien. À ses côtés.

Ce soir là, Serenus ainsi que deux de ses hommes virent me chercher. Je quittai Zara avec une pointe de tristesse, sachant que je ne la reverrai sans doute jamais, mais reconnaissante pour tout ce qu'elle avait fait. Elle semblait triste elle aussi, mais m'offrit encore son sourire afin de me faire passer à autre chose.

Les caves où était organisé le tournoi me provoquèrent comme un malaise, l'on y respirait à peine et de la pire des façons. Pourtant je du le suivre. Il s'approcha immédiatement de Caius, la salua d'un air jovial qui lui déplut et se posta à ses côtés. Me laissant le loisir d'entendre leur conversation malgré les cris alentours.

– Notre héros est-il prêt pour ce que nous avons convenu ?

– Oui, il l'est, répondit Caius sèchement. Sache que je trouverai le moyen de te faire regretter ce que tu me forces à faire. Cela va me coûter beaucoup d'argent.

– Ah je n'en doute pas, un bien beau gâchis, mais les paris ne seront que plus profitables pour moi. Même si je t'avais demandé une rançon, je suis persuadé que tu n'aurais eu telle somme.

Gwydion se présenta à la foule qui acclama son nom. Levant les bras aux quatre points cardinaux afin de capter toutes les attentions, mais il ne s'attarda pas de notre côté. Et alors qu'il allait saluer Apries à la manière de gladiateurs de Rome, Serenus eut un fou rire mauvais.

– Attends ! C'est une farce ! Ou est le Callidromos ! Ou est ton frère Maxus ! Celui-ci n'est qu'un jeunot.

– Et pourtant c'est bien lui, le digne successeur du grand Maxus, l'invincible Maxus. Le seul et unique Callidromos restant à l'heure actuelle.

Caius semblait avoir retrouvé une partie de son impudence, quant à moi je ne comprenais pas ou ils voulaient en venir.

– Tu te moques de moi ! Il ne gagnera jamais ces combats.

– C'est pourtant ce qu'il a fait depuis le début. Avec un démarrage difficile certes, mais il a de la ressource. Mon frère l'a formé comme il se doit durant des années. Mais ce fou souhaitait en faire un homme libre. Gâcher un tel potentiel. Et d'ailleurs, que t'importe qu'il perde, n'est-ce pas le but ?

– Tu as raison, qu'importe. La foule semble l'apprécier.

Le but ? J'étais perdue et ne pouvais qu'assister aux mises à terre successives des guerriers qu'on lui amenait. Il souffrait, je souffrais avec lui. Mais toujours il se relevait, trouvait la parade, le coup exact, le mouvement suffisant pour s'en sortir. J'étais inquiète cela dit. Il s'épuisait de plus en plus.

L'annonce du dernier tour vint pratiquement à me rendre le sourire. Il allait y arriver, il avait cette rage qui lui permettait de tenir. Son adversaire fut comme tous les autres, ni plus large ni plus grand et les prises commencèrent. Il plia cependant à un moment, prenant quelques plaintes de la part de la foule inquiète, mais aussitôt se releva, attisant les cris et les encouragements. Les faisant huer le son nom jusqu'à s'en briser la voix. Il me jeta un regard, long cette fois et je lui répondis d'un baiser d'encouragement. J'eus un sourire en échange qui me transperça le cœur puis il s'élança vers son adversaire.

Il fut durement touché.

Une fois, un genou à terre. Deux fois, coup dans les côtes et le thorax, il cracha au sol. Trois fois, il titubait. Qu'arrivait-il ? Il n'était pas lui même, il... prenait, mais ne rendait plus ou alors si peu. Que lui arrivait-il ?

Je cherchais Amasis du regard, il s'agitait nerveusement aux abords du périmètre de combat. Il était comme prêt à exploser. Quatre fois, il tomba au sol.

– Arrêtez le combat, par pitié !

– La ferme ! fit Caius.

Je savais que nul ne ferait une chose pareille, mais ce n'était pas normal, ils le voyaient bien non ? Il s'était laissé battre et là, il ne bougeait plus. Si. Il se redressa, frappa et sembla reprendre le cours de ses parades alors que je retenais mon souffle. Bientôt il en aura fini comme avec tous les autres.

Cinq, un nouveau coup dans les côtes le fit crier et je ne pus m'empêcher de faire de même.

– Non ! Gwydion !

J'eus l'impression qu'il tenta de se tourner vers moi avant de prendre un coup supplémentaire et de tomber brutalement, le visage le premier dans la poussière et le sang.

Autour de nous, la liesse s'était évaporée. Et tous se turent quelques longues minutes avant que les rumeurs reprennent le dessus.

– Callidromos est mort ?

– Il ne bouge plus !

– J'avais parié sur lui !

– Il ne peut pas nous faire ça !

Le public huait à présent inutilement son corps inerte. Amasis s'empressa de le rejoindre, le tourna alors que je tentais de m'en approcher, mais fut retenue d'une poigne ferme.

– Attendons le verdict.

L'égyptien secoua la tête, les traits de son visage inexpressif ayant la dureté d'un roc et prit le corps sur son épaule avant de disparaître dans un couloir. Je n'entendais plus que des bruits sourds, ne voyais plus que des ombres alors qu'Apries annonça qu'il était battu, levant le bras du vainqueur qui malgré sa victoire se faisait doublement huer à présent.

Gwydion était mort ? Non c'était impossible, pas après tout cela, pas après avoir tant et tant combattu.

La main qui me tenait fut parcourue de sursaut de plus en plus violent alors que je me sentais oppressée, comme écrasée par la foule en délire. Au final, on me lâcha et je tentai d'échapper à ce raz de marée, allant me presser contre un mur. J'étais sous le choc et glissai jusqu'au sol alors que des cris de haine, de terreur, des appels à l'aide emplissaient la salle.

La muse de CallidromosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant