Chapitre 7 (Gwydion)

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Il me semblait que mes muscles meurtris se détendaient un par un. Geignant une dernière fois d'être ainsi maltraités alors que je me plongeais dans ce bain chaud. La saleté dont j'étais couvert venant à fondre, se répandre en surface puis se déposer au fond du bassin. Et tout ce que je souhaitais à cet instant fut de simplement demeurer dans cette position sans rien de plus, profitant de cette chaleur m'entourant.

Le froid des sous-sols où nous étions parqués la plupart du temps même en cette saison nous transperçait jusqu'aux entrailles et j'y ai connu peu de nuits réellement agréables, que ce soit pour le confort ou le sentiment de plénitude. J'espérais sincèrement que celle-ci soit différente, confortable, chaleureuse. Et si je faisais régner ici une chaleur étouffante, je ne voulais en fait que remplacer et profiter de celle que je n'avais plus connue depuis si longtemps.

Je fermai les yeux, soupirant longuement, mais cette fois, de plaisir. C'était ça le luxe, le pur luxe d'une vie d'homme libre. Ce que je souhaitais à l'avenir, chaque jour et non pas seulement les soirs de victoire.

J'en oubliais presque la présence de cette femme dans la pièce. Mais tant elle pouvait se faire discrète, tant elle avait le don de me sortir de mes pensées d'un sursaut lorsqu'elle se rappelait à mon souvenir. Elle s'était rapprochée du bord du bassin, y pressant une large éponge afin de l'imbiber d'eau et vint la poser sur mon épaule, celle qui fut démise. Je préparais déjà un grognement de douleur, mais au contraire, elle le fit avec tant de douceur que c'en devint au final plus agréable que je n'aurais cru. Je fermai de nouveau les yeux, la laissant me tremper peu à peu, réchauffant le haut de mon corps resté en dehors.

– Merci.

Je ne savais pas vraiment qu'ajouter de plus, n'ayant pas vraiment l'habitude d'entretenir des conversations. Moins encore avec une femme. Il fallait dire que je n'en côtoyais pas souvent, ou alors elles furent d'un tout autre genre. De celles que l'on croisait dans les bordels ou les ruelles sordides, qui se dénudaient la poitrine et écartaient les cuisses pour quelques pièces. Certaines d'entre elles venant parfois nous visiter à la demande du maître, lorsqu'il considérait que nous l'avions mérité. Mais ce genre d'expérience ne m'avait jamais vraiment tenté, pas dans ces conditions malsaines de passer là où la semence d'un autre s'en écoulait, encore chaude.

Celle-ci respirait la pureté, il n'y avait qu'à la regarder et la voir baisser timidement les yeux lorsque je me mis à la fixer. Penchée face à moi, ayant commencé à me rincer le visage, sa tunique ne cachant déjà pas grand-chose ne dissimulait absolument plus rien dans cette position. Baissant les yeux de ces deux perles d'un bleu gris profond, je pouvais caresser du regard sa poitrine, descendre le long de son ventre et jusqu'à ses cuisses. Aussi belle qu'une représentation de Damona. Un corps digne d'une déesse de la fertilité où il ferait si bon de s'y fondre, d'en chercher la chaleur et la paix.

Mais elle se recula, ayant remarqué l'intérêt qui commençait à poindre en moi, s'excusant comme craignant de nouveau être punie pour se rétracter ainsi. S'il était bien quelque chose que je ne souhaitais pas en ce moment, c'était bien de la terrifier.

– Ce n'est rien. Je te l'ai dit, je ne te ferai rien et n'irai certainement pas me plaindre de ton comportement. Je ne connais que trop bien ce que peut être le genre de punition que l'on te réserve.

Le fouet très certainement. Sur une peau aussi parfaite, quel affront aux dieux ayant permis que la beauté existe.

– Dis-moi, quel est ton nom ? fis-je, espérant qu'elle se détente un peu si je lui donnais l'impression de sympathiser.

– Thétis.

– Gwydion. Mais l'on me surnomme également le Callidromos ? N'est-ce pas le nom d'une...

– D'une océanide, une nymphe des océans.

– Je pensais à une déesse. Tu viens des îles grecques ?

Elle me répondit d'un hochement de tête.

– Et... cela fait longtemps que tu...

– Cela fait presque une année que j'en ai été arrachée et trois mois que je suis ici. Mais vous êtes le premier auprès duquel l'on m'envoie servir de cette façon.

Elle baissa de nouveau les yeux et j'imaginais que cette « façon » qu'elle évoquait signifiait qu'on l'ait envoyée à moi pour bien d'autres choses que simplement me baigner. Ce genre de cirque me dégoûtait et avait le don de me mettre hors de moi. J'étais tout autant un esclave qu'elle ! Et elle n'avait pas à me servir comme si elle devait se sentir obligée. Je n'étais, je ne serai jamais le maître de quiconque ! Je lui pris l'éponge des mains et m'en aspergeai le visage, marquant pour le coup mon refus d'être ainsi dorloté contre son gré. Les choses n'allant pas assez prestement à mon goût et voulant en finir avec ce maudit bain, je me penchais en avant, me rappelant sans m'en soucier qu'il valait mieux que je traite mon corps avec plus de douceur ces prochains temps et m'immergeait la tête, secouai ma tignasse boueuse avant de me relever, quitte à asperger tout à la ronde, elle y compris.

Elle m'observait à la fois surprise et effrayée, et je me sentais alors le plus grand des idiots à lui avoir fait peur ainsi alors que ce n'était pas contre elle. Un sursaut en parfaite osmose avec quelques coups frappés à la porte dut sans doute l'achever puisque dans un élan que je ne compris pas sur l'instant, elle se redressa sur les genoux, ôta sa tunique et se glissa avec moi dans le bassin.

La muse de CallidromosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant