Chapitre 24 (Thétis)

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Si j'avais pu tenir jusqu'au soir le premier jour, dissimulant l'état de mes pieds de la vue de tous, jusqu'à discrètement employer ma seule ration d'eau afin de les rafraîchir un peu, reprendre la marche le lendemain fut une véritable torture. Dès les premiers pas, je sus que je n'y arriverai pas, mais je ne me doutais que trop bien de ce qui allait se passer si je me rapprochais de ces hommes. Des provocations, un combat, des coups de fouet.

Mais j'étais loin de me douter qu'une fois de plus Gwydion allait en subir les conséquences malgré mes efforts. Il me porta un moment dans ses bras avant de me faire passer sur son dos, pouvant ainsi mieux gérer sa marche. Si je me sentais en sécurité avec lui, cela devenait malgré tout extrêmement gênant. Je devenais, jour après jour, un poids de plus en plus conséquent pour lui ainsi qu'un prétexte tout trouvé à lui faire subir mille tourments.

Par chance, nous arrivions aux abords d'un tout petit village et les tentes furent dressées tout à côté. Ce qui permit à Amasis d'aller chercher de l'eau à leur puits.

– Il nous faudrait de la camomille ou bien même de la guimauve, fit-il en revenant. Cela permettrait de la soulager.

– En attendant, je continuerai de la porter.

– Tu ne pourras pas tenir toute la semaine, imagines s'ils continuent leur petit jeu ? Et ce sera certainement le cas.

Gwydion ne répondit pas. Et pour les fois où je m'étais occupée de lui, de ses blessures notamment, ce fut à son tour. Trempant l'un après l'autre mes pieds dans le baquet d'eau fraîche et s'évertuant à les masser tout doucement. Je me mordais les lèvres, tâchant d'être digne, mais au final, je le suppliai d'arrêter. Je n'arriverais certainement pas à marcher le lendemain non plus.

Il se releva donc, un peu brusquement, et se dirigea sans rien ajouter vers la tente de Caius. Je craignais alors qu'il n'aille lui demander des comptes et finisse par être battu une fois de plus. Mais il revint, avec pour seule explication qu'il me porterait aussi longtemps que nécessaire.

Jour après jour, il s'épuisa donc. Sous le soleil de plomb et sans arrêt hormis le midi et le soir avant de poser le camp. Le seul avantage jouant en sa faveur étant que nous n'avions pas à marcher bien vite. Par moment, lorsque la route me semblait suffisamment plate et dégagée, je tâchais de le convaincre de me poser. Amasis ayant reçu l'interdiction formelle de me porter, nous n'avions que ces deux solutions. Ou celle de monter avec les deux autres.

Mais décidément, je ne parvenais pas à comprendre pourquoi Caius se bornait à lui faire subir tout cela. Si encore, il avait voulu le mettre à l'épreuve, mais la chose était faite et pourtant il continuait. Comme si, au final, tout ce qu'il souhaitait c'était simplement de le tuer à petit feu.

Nous étions à la veille de notre arrivée à bon port et, comme chaque soir, il venait se blottir contre moi pour la nuit. Par mesure de sécurité disait-il. Mais ce soir-là, plutôt que de lui tourner le dos, je lui fis face, tâtonnant dans le noir afin de toucher son visage.

– Je suis désolée, si je n'avais pas été là vous...

– Tais-toi Thétis. Dors.

Je soupirai. Par moment, il me semblait vraiment qu'il me reprochait ce qui lui arrivait. Et il n'avait pas tort. Pourtant, il ne lâchait pas. Il aurait pu juste se détourner de mon sort et sa vie aurait été plus simple. Si je n'avais pas été la, si l'on ne se servait pas de moi afin de l'épuiser peu à peu, qu'en serait-il de lui ?

La muse de CallidromosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant