Chapitre 3 (Gwydion)

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Je sentis qu'on me soulevait de terre. Les cris, la liesse des spectateurs, le son des tubas annonçant la fin des jeux. Tout cela me parvenait comme brouillé. Mon corps tout entier se plaignait, parvenant à me faire oublier tout ce bruit. L'on me maintenait debout face à je ne savais plus quel seigneur qui, du haut de sa tribune d'honneur, d'un geste confirmera la victoire. Je ne tenais sur mes jambes que par la force des bras de Celsus et d'un autre homme que je n'ai jamais vu.

– Maxus ? Ou est Maxus. Il faut qu'il voie ça... il faut qu'il...

– Te fatigue pas petit... Maxus ne viendra pas, me répond l'inconnu. Tu es le dernier, le seul encore plus ou moins debout. Tous les autres sont morts lors des combats et ton maître a préféré les rejoindre plutôt que d'assumer cette humiliation.

– Quoi ?

L'on me traîna dans les sous-sols de l'arène, me posant sur un banc avant de vérifier l'état de ma cuisse et de mon épaule. Un garrot fut rapidement mis en place tandis que je percevais vaguement quelques ordres concernant du fil et une aiguille. Maxus... s'était... donné la mort ! Je n'arrivais pas à y croire, ce n'était pas son genre. Même face à la défaite, il n'aurait jamais...

Une violente douleur me tira de ma léthargie, m'arrachant un cri qui s'étendit à travers les couloirs. Cela ne finira donc jamais ? Mais le médecin s'expliqua, exaspéré. Et j'imaginais alors que ce devait être au moins la seconde fois qu'il se répétait.

– On a remis ton épaule en place. Ah oui, ça fait mal hein... Mais c'est toujours mieux que de l'avoir brisée. Quant à ta cuisse, nous allons devoir recoudre. Ça aussi ça va être douloureux.

Au point où j'en étais, il me semblait que ce me serait égal. Mais, au contraire, je dus serrer les dents pour ne pas geindre de nouveau.

– Moi qui pensais que l'on avait droit à un traitement de faveur en cas de victoire. Vous voulez m'achever ?

– Et finir aux lions ? Certainement pas ! Mais je dois parer au plus pressé. Je m'occuperai de ta jolie petite gueule et du reste plus tard.

Je toisais ce médecin d'un air suspicieux. Le dernier en date ayant fait mention de ma « jolie petite gueule » comme il le disait si bien ayant tenté de me prendre par surprise et par derrière sans vraiment attendre mon consentement, Il avait également terriblement mal fini, et je préférais éviter d'estropier un praticien pour marquer le coup.

Mon laniste me rejoignit quelques minutes plus tard, se frottant les mains et sourire aux lèvres. Je n'avais pas le moindre mal à comprendre son enthousiasme, ce n'était pas lui qui avait pris et donné les coups, mais c'était bel et bien lui qui s'enrichirait le plus. Du moins pour le moment, mon heure viendra et ce jour-là, j'y gagnerai mon plus grand trésor.

– Gwydion ! Nous sommes riches ! Tu n'as pas idée !

– Qu'importe ! fis-je maussade. Qu'est-il arrivé à Maxus, qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Tu sais aussi bien que moi qu'il n'aurait jamais fait une chose pareille. J'ai gagné bon sang ! Il a gagné ! Il n'avait pas à se sentir humilié, il a réussi.

Plutôt que les larmes, c'était la rage qui m'étreignait. L'incompréhension. Maxus était mon maître d'armes. Celui qui m'avait tout appris depuis l'enfance, comment devenir tel qu'il avait été lui-même. Le premier Callidromos de l'histoire, le meilleur. Car ce nom n'était pas véritablement le mien, c'était un sobriquet signifiant que j'étais parmi les plus rapides. Ma constitution n'était pas celle d'un Callimorphos, faite de muscles puissants, mais d'un corps plus lourd. Non, en ce qui me concernait, j'avais dû me fier à ce que l'on considérait comme des défauts, faisant d'eux des armes. La légèreté de mon corps transformée en agilité et en une capacité de mouvement plus accrue. Et cette victoire était sa victoire autant que la mienne.

Recousu, bandé, l'on m'emmena enfin vers l'extérieur des arènes. Le jour tendait déjà à décroître. Combien d'heures interminables avais-je passées là-dedans ?

Riche disait-il. Mais je savais très bien que je n'en verrais pas la couleur, pas avant un moment. Mais, au moins, j'avais franchi une étape et gagné le droit de manger à m'en faire exploser la panse et de dormir dans un vrai lit.

– Tu as de la chance, j'ai pu la voir, elle est magnifique.

– De quoi parles -tu ? demandais-je, tout en le suivant, escorté de deux gardes et boitillant à travers les couloirs.

– De la nymphe aux yeux de biche que l'on t'a choisie. Que dis-je ! Une véritable sirène.

Je soupirais. Qu'on me fiche la paix, je n'avais nul besoin que l'on mette une femme dans mon lit à présent. Bon sang, mais où avaient-ils la tête ? Mon maître et ami était mort, j'étais brisé de partout. Non, décidément, ils voulaient bel et bien m'achever.

– Depuis tout gamin que je te connais, tu n'as encore jamais eu l'occasion d'en posséder une n'est-ce pas ?

– Et ce n'est pas non plus pour ce soir, je veux juste manger et prendre du repos.

– Tu es fou... Tu changeras d'avis en la voyant. Mais si c'est par manque d'expérience que tu hésites, ne crains rien. Laisse la faire, elle a sûrement été formée pour ça.

La muse de CallidromosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant