Chapitre 14 (Thétis)

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J'étais sous ma tente, solidement attachée aux barriques par une chaîne à mon pied. Pourtant je ne me serais en aucun cas enfuie. Pour aller où ? Retomber dans les mains de gens bien pires ?

Et puis, Gwydion faisait partie de ce convoi et quelque part, j'étais persuadée qu'il me protégerait. Il avait forcément dû être pour quelque chose dans mon rachat par son maître. Vu comme ce Celsus avait proposé qu'il en soit ainsi et qu'effectivement, ce fut le cas alors que rien avant cela ne le supposait. Je lui étais d'une reconnaissance infinie. Mais je me posais tout de même la question que de savoir à qui j'appartenais vraiment. À Caius qui m'avait monnayée ou à Gwydion pour qui j'avais été achetée.

Je me traitai de sotte. J'appartenais uniquement à celui qui avait payé. D'être le « cadeau » de Gwydion ne durerait sans doute qu'un temps. Et je soupirais tout en brossant mes cheveux, petit rituel qui me liait encore avec ma vie d'avant, en Grèce.

Dans le calme de la nuit, j'entendis des bruits étranges provenant de la tente voisine et j'eus l'impression qu'il s'agissait d'une lutte. Je ne pus que penser qu'il s'agissait de cet homme, Amasis qui, au final, aura eu ce qu'il souhaitait, se mesurer à lui et écoutais avec assiduité, craignant qu'il ne soit blessé.

Mais à peine les bruits eurent cessé que deux hommes entrèrent dans ma tente et, arrachant mes liens comme s'il ne s'agissait que de ficelle, me traînèrent au-dehors. Dans un réflexe insensé, je l'appelai à l'aide.

Je m'attendais à tout moment, voir Caius sortir et ordonner de me laisser. Ou bien son homme de main, mais aucun d'eux ne se montra sur le moment. Au contraire, ce fut Amasis et Gwydion qui virent à mon secours. Le second dans un état alarmant, sa bouche saignant, il semblait avoir été battu comme je le craignais.

– Vous n'avez aucun droit sur elle ! Lâchez la bande de chacals !

– Hé bien vient nous la reprendre, esclave.

– Un instant !

Une voix coupa sèchement les hostilités. Enfin Caius s'interposait à ce qui allait se finir en un combat digne de l'arène. Mais alors que je pensais que tout s'en tiendrait là, il acheva.

– Amasis, tu n'as pas à t'en mêler. C'est entre Gwydion et les deux autres.

Celui-ci grimaça et cracha au sol son mécontentement tout en se forçant à obéir. Je ne comprenais pas l'intérêt de les laisser se battre entre eux, n'étaient-ils pas censés se préserver en vue d'un prochain combat officiel ? Et non s'entre-tuer ainsi.

– Allez esclave, viens la chercher si tu peux encore tenir debout. Ou alors es-tu déjà à bout de force, petit poussin celte.

L'un d'eux me tenait par le bras, y mettant tant de force qu'il m'en resterait sans doute des marques après cela. Mais ce ne fut pas le pire. Dans le but de provoquer Gwydion puisqu'il était évident qu'ils se servaient de moi pour cela, il me rapprocha et me colla à lui. Il empestait la sueur ainsi qu'autre chose d'indéfinissable. Ses vêtements sans doute. Du sang séché peut-être. Et passa sa langue trop humide à mon goût sur ma joue. L'effet escompté fut immédiat et le jeune homme se rua vers lui. Son acolyte l'interrompit et tenta de le frapper au ventre, mais il esquiva. Il était étonnement rapide, toutes ces rumeurs à ce propos disaient vrai. Rapide, mais également agile, il se pencha en arrière, évitant d'autres attaques, se plia en deux vers l'avant pour en parer d'autres. Mais il n'était pas pourvu de la même puissance de frappe. Par contre, il semblait connaître les points les plus sensibles et lorsque vint l'occasion, frappa à la poitrine puis à la nuque son agresseur. Le mettant à terre.

De son côté Amasis trépignait, serrant les poings et se portant d'un pied sur l'autre. L'envie d'intervenir le titillant tant qu'il finit par s'avancer. Mais une fois de plus, Caius le lui interdit.

Il brava malgré tout son ordre, du moins à demi, ne touchant pas mon ravisseur, mais venant pour m'arracher de ses bras.

– Lâche-la. C'est Gwydion que tu veux.

– Retourne à la tente Amasis, ce qui va suivre n'est pas ton problème, ordonna de nouveau Caius, d'une voix si calme que l'on eut dit qu'il souhaitait bel et bien ce qui arrivait.

Il lui obéit, m'entraîna avec lui et me força à m'asseoir sur la couche du Callidromos une fois à l'intérieur.

– Ce qui se passe au-dehors n'est pas un spectacle pour une femme.

– Mais... c'est insensé ! On ne peut pas les laisser faire, ce sont ces hommes qui ont commencé les hostilités. Caius doit les arrêter !

– C'est le souhait du maître de les faire se battre, tu n'es qu'un prétexte pour l'y obliger. Mais ne crains rien, ils ne le tueront pas. Ce serait idiot de leur part. Callidromos est très doué dans son genre. Ils veulent juste se rendre compte à quel point.

Ce n'était qu'une évaluation de ses capacités ? Mais dans quel but s'ils finissaient par le blesser ? Et j'entendis les coups pleuvoir, ne sachant qui les recevaient ou les donnaient et sursautant à chacun d'eux. Même si je n'étais qu'un prétexte, celui-ci avait très bien réussi et je me sentais coupable de ce mal qu'on pouvait lui faire au-dehors.

Enfin le silence. Pesant. Aussitôt déchiré par un coup de fouet et la plainte de Gwydion. Je voulus sortir, mais Amasis me retint. J'étais en larmes. C'était incompréhensible, cruel, hypocrite de leur part. Car maintenant qu'ils avaient eu ce qu'ils voulaient, ils en venaient à le punir pour s'être défendu. Pour m'avoir défendu.

Enfin, ils le traînèrent jusqu'à l'intérieur, le tenait par ses bras, tel un sac de grain et le laissèrent tomber devant moi sur sa paillasse au sol. Son dos luisant de sang frais et des traces de fouet.

La muse de CallidromosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant