51. De vieux compagnons

6 2 0
                                    


Ketsu ouvrit la première porte, entra dans le petit couloir. Puis il s'approcha de la seconde qui donnait sur la salle du bar. Il enroula ses doigts autour de la poignée. Le jeune sorcier n'avait aucune once d'empathie ou de gentillesse pour autrui. Il ne s'en cachait pas, l'assumait même. Mais dès qu'il s'agissait de sa famille, tant de choses le troublaient. Tant de sentiments qu'il n'arrivait pas à contrôler. De la joie, de la tristesse, de la peur et de la colère. Plus tôt dans la matinée, après avoir surmonté la douleur que lui faisait subir la brûlure à son bras gauche, il s'était redressé et avait rejoint l'intérieur du vieux moulin pour commencer à ramener ses trois compagnons. Mais il s'était arrêté à l'entrée et n'avait pas pu continuer. Un flot de rage avait envahi son corps à ce moment-là. Contre les Rozen, contre la brêle, contre Blaze et... contre lui-même.


Et, maintenant qu'il se retrouvait à devoir secourir de nouveau Liam Spencer, il doutait de ses intentions. Quel était son objectif au final ? Empêcher Blaze de se faire du mal, lui ramener son fils pour le rassurer, se venger des Rozen ou jouer au héros en se lançant dans cette opération suicide ridicule ? Un sourire s'esquissa lentement sur ses lèvres. Un peu de tout ça, sûrement. Ainsi, il franchit le dernier seuil qui le retenait dans ce havre de paix.


- J'savais pas qu'ça prenait autant de temps à servir ici.


Un grand type d'un peu plus d'une vingtaine d'années en blouson de cuir était assis sur l'une des chaises du comptoir. De très courts cheveux châtains étaient dressés sur son crâne. Il était tourné vers Ketsu, laissant apparaître un débardeur verdâtre et un ample jogging gris. Ses mains gantées reposaient sur le meuble.


Le jeune sorcier restait immobile, dissimulant sa surprise sous sa mine renfrognée. Il détourna le regard.


- On est fermé...


Ketsu s'interrompit en constatant que la vitre de la porte était brisée, et que des morceaux tapissaient le plancher du bar. Il soupira simplement. Le grand gaillard qui fixait d'un regard inquiet les bandages au bras gauche du jeune homme remonta vers son visage.


- C'est comme ça que tu traites un vieil ami, Ketsu ?


Mais Ketsu s'était déjà avancé, ignorant la fausse question de son «vieil ami ». Agacé par cette attitude, ce dernier se leva de sa chaise.


- Hé ! J'te cause, espèce de...


- J'ai pas envie de discuter avec un autre attardé aujourd'hui. Déjà qu'j'ai dû m'en coltiner un pendant deux mois ; sois sympa et tire-toi, Juru.


Juru, qui avait suivi des yeux son chemin jusqu'à la porte, se décala du comptoir.


- Tu m'en veux encore pour ça ? Désolé d'pas avoir donné d'nouvelles mais j'étais un peu énervé. Ça t'va comme excuse ?


Ketsu lui lança un regard noir, en écrasant les débris de verre sur le plancher.


- J'ai pas le temps.


Sorciers, T1 : Le fils du corbeauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant