4. Deuil

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Le bus s'arrêta devant l'arrêt du lycée dans un ronflement de moteur. Les écouteurs dans les oreilles, Liam se leva du banc et monta dans le véhicule, sans éveiller le mécontentement de la conductrice cette fois-ci. Il rejoignit sa place habituelle, au fond, et, inconsciemment, suivit le paysage des yeux.


Le temps qu'il se repose l'esprit, le véhicule était déjà arrivé. Le garçon s'empressa de descendre et alla se poster devant le passage piéton. Il marcha sur les lignes blanches et rejoignit le second trottoir. Machinalement, il reprit en sens inverse la même route suivie dans la matinée. C'était sa routine : reproduire le même chemin, soir et matin.


Il passa devant l'entrée de son immeuble et jeta un bref regard vers l'une des fenêtres. Sa mère était peut-être réveillée. Mais rien ne le prouvait. Liam continua son chemin. Il la verrait ce soir, ou demain grand maximum.


Le lycéen prit à droite au carrefour qui ponctuait au bout de la rue. Après quelques pas, il se retrouva devant des portes coulissantes qui s'écartèrent en détectant sa présence. Il entra calmement dans l'épicerie, jetant un petit regard vers la caisse tenue par son patron. Monsieur Yoichi leva les yeux de son journal. Il lui adressa un sourire enchanté et curieux à la fois en se penchant un peu plus en avant.


- Tiens ! Liam ?


Avant même que le jeune homme ne puisse réagir, le caissier s'était rabattu contre le dos de sa chaise : il avait compris.


- C'est vrai que tu finis tôt le lundi.


Il reprit en passant une main rapide sur son crâne chauve.


- Merci d'avance pour ton dur labeur d'aujourd'hui.


Liam le remercia d'un hochement de tête avant de traverser les quelques rayons, rejoignant une porte dissimulée dans le coin. Il disparut derrière.


Dans le large cagibi, le lycéen repéra facilement le cintre où pendait son uniforme. Il poussa l'aspirateur qui lui barrait la route et s'avança jusqu'au mur. Il retira son pull et le jeta sur ses deux sacs. Il soupira en remarquant qu'il n'avait pas remis ses affaires de sport dans son casier. En même temps, il n'avait pensé qu'à finir sa journée. Sa veste de travail enfilée, il ressortit.


*


Accroupi devant un rayon, Liam fronçait les sourcils. Il fouilla l'étagère puis regarda l'article qu'il avait en main. Il se redressa après avoir replacé les produits qu'il avait bousculés. Un souffle agacé passa ses lèvres tandis que ses yeux parcouraient brièvement l'arrière de la boîte qu'il tenait.


- Il se met où ce... « poulet... yakitori » ?


Un nouveau soupir. Même le nom était compliqué. Trois mois qu'il travaillait ici et il ne s'y était toujours pas habitué. Cette épicerie tenait toujours le coup grâce au patron, certes. Mais le fait que ce soit la seule du coin à vendre de la nourriture asiatique devait aussi beaucoup aider.


Le commerce était modeste mais les clients pouvaient être nombreux lors des week-ends. Heureusement, Liam ne subissait pas ces périodes d'affluence. Étant à temps partiel, il ne connaissait que l'ambiance sympathique des soirs de semaine où quelques clients venaient compléter leur frigo les lundi, mardi et vendredi. Mais, malgré l'absence de son employé lorsqu'il en avait le plus besoin, le vieil homme en était constamment fier.

Sorciers, T1 : Le fils du corbeauWhere stories live. Discover now