43. La force du plus faible

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Liam sentait son cœur battre. Il inspirait l'odeur désagréable de la poussière et du plancher moisi, et l'expirait doucement. Il était allongé, le dos sur une caisse en miettes. Une douleur au ventre et aux côtes accompagnait les mouvements de sa cage thoracique. Et il restait là. Silencieux, immobile.


Le lycéen savait qu'en ouvrant les yeux il devrait se lever. Lorsqu'il se tiendrait debout, il devrait l'affronter. Leonhardt. Pourtant, il était prêt. Il en était certain. Et voilà que, confronter au danger, il se remettait à douter. Cette sensation, Liam ne l'avait que peu expérimentée dans sa vie. Sauf qu'à cet instant, elle avait tellement d'intensité. Car ouvrir les yeux lui ferait accepter ce qu'il était. Car se lever lui prouverait qu'il avait eu tort pendant toutes ses années. Non, il ne se connaissait pas. Non, il ne s'était jamais connu. Cet imaginaire véritable, cette réalité surréaliste : il en faisait partie. Car, pour son plus grand malheur, Liam Spencer était né d'une humaine, mais aussi d'un sorcier.


Étrangement, il avait l'impression d'être de retour sur les brins d'herbe verte à l'extérieur de la Capitale, à proximité de la porte Mystral. Il se rappelait l'angoisse qu'il avait ressentie en se rendant compte que sa mère n'était pas avec lui. Après cela, les Brotherhood avaient tout fait pour l'aider, pour sauver Caroline Spencer. Mais lui, qu'avait-il fait ? Le visage crasseux de l'adolescent s'illumina doucement. La peau poisseuse de ses joues se repliait à mesure que la commissure de ses lèvres montait. Ses sourcils se redressaient, et une expression d'amusement naquit sur ses traits précédemment empreints de terreur et salis par la violence. Liam souriait, assumant la faiblesse qui avait conduit sa mère à se faire enlever, et lui, à risquer sa vie. Il n'avait rien pu faire, et il l'acceptait.


Le doute et le manque de confiance en soi : il n'avait vraiment pas l'habitude de ressentir ça. Pas à cette intensité, en tout cas. Cependant, les choses avaient changé. À présent, il pouvait lutter contre son opposant. Peu importait sa taille, sa force, son charisme, son espèce ;sorcier ou humain, il aurait ressenti la même détermination. Liam souleva ses paupières lourdes. Maintenant, il avait la force nécessaire pour se battre aux côtés des Brotherhood.


Leonhardt, assis contre le mur de planches, gardait la tête baissée. Son souffle était lourd, ses paupières refermées. Mais un petit rire perturba l'accalmie. À quelques mètres, le garçon riait. Il n'était resté assommé que quelques secondes ; son réveil avait été rapide. Un peu trop même. Le Rozen se releva avec difficulté.


- Qu'est-ce qui t'amuse à ce point, garçon ?


Liam cligna des yeux. Une sensation désagréable frôla ses cordes vocales ; il toussa, abandonnant quelques gouttes de sang sur son menton.


- J'ai haï mon père pendant des années, lui mettant sur le dos tous les malheurs qui nous arrivaient, à ma mère...


Tentant de se redresser, il se soutint de ses bras.


- ... et à moi.


Pris d'une quinte de toux, son corps tressauta. Il se raclait à nouveau la gorge, crachant au passage.


- Ce qui est...


Il retomba contre les vestiges de caisse, avalant sa salive au goût métallique.

Sorciers, T1 : Le fils du corbeauМесто, где живут истории. Откройте их для себя