30. Egaré

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Dure. Son dos reposait sur une surface sans aucun confort. Sa colonne vertébrale lui faisait mal. Mais la fatigue était si intense qu'il ne parvenait pas à bouger. Une couche filandreuse atténuait la désagréable sensation. Il sentit des brins caresser ses bras nus. Puis il eut conscience d'une chaleur apaisante qui inondait son épiderme. Où était-il ? Peu lui importait. Morphée avait décidé de le laisser se reposer. Cette pensée dérida son visage.


Au creux de son cou, quelque chose vint le chatouiller. Un geignement ensommeillé résonna depuis le fond de sa gorge. Ses cils frétillèrent, puis il s'apaisa de nouveau. Les odeurs étaient douces ; la nature emplissait ses poumons. Une pointe d'épice lui arracha une légère grimace. De la viande et du jasmin :un mélange particulier.


Un point lumineux apparut sous ses paupières. Ne pouvait-on pas le laisser tranquille ? Il fronça le nez, grognant. Une brise délicate effleura sa peau ; il frissonna. Il voulut se recroqueviller, serra les poings ; une douleur vive perça la paume de sa main droite. Un liquide chaud se mit à en couler et Liam ouvrit grand les yeux. Il fut aveuglé par une forte lumière. Son cœur accéléra ses battements ; il voyait flou. Un râle souffrant bourdonnait dans ses oreilles. Il prit un instant pour se rendre compte que c'était sa voix, ses cordes vocales qui vibraient.


Son dos se décolla hâtivement de la surface dure. Son corps n'apprécia pas : des courbatures lui saisirent les muscles. Il serra les dents, le plus fort qu'il le pouvait. La lumière piquait ses yeux alors qu'il essayait de voir l'état de sa main endolorie. Et quand enfin sa vue fut nette, il poussa un cri horrifié.


Le membre tremblait. Des bouts de verres y étaient plantés tandis qu'une couche brunâtre recouvrait sa peau. Du sang coulait de ses plaies rouvertes et glissait sur son poignet. Des gouttes tachaient les brins d'herbe verte.


De l'herbe ? Liam regarda autour de lui, l'esprit encore embrumé. A quelques centimètres de lui, un grand cercle de dalles mouchetées de rubis était dessiné sur le sol. En le suivant des yeux, il reconnut le pied de la muraille de pierre polie. Il leva le menton ; le soleil l'attaqua de sa lumière. C'était sûrement l'origine de son réveil. Poussé par le vent, un gros nuage blanc adoucit les rayons.


La respiration saccadée du garçon se calma. Liam observa ce qui l'entourait, tentant de remettre ses idées en place. Les dalles menaient à deux grandes portes mauves, ouvertes vers l'intérieur. Elles donnaient sur une avenue où cris et musiques se superposaient. Liam se rappelait : c'était la porte Mystral. Alors il était à l'extérieur de la Capitale ? La vaste plaine verte à sa gauche, parsemée d'habitations à colombage et d'enclos d'énormes chevaux, confirma son hypothèse. Mais comment avait-il pu...


Tous les événements se succédèrent. L'auberge, les Rozen, la brume, le symbole sur le mur. Du plus calme au plus intense. Ceci expliquait les bouts de verre dans la paume de sa main. Sacré pot de farine, tout de même. Heureusement qu'il avait été là. Sinon, ils n'auraient sûrement pas réussi à s'échapper, sa mère et lui.


Soudain, son visage se tordit d'angoisse. Il était seul sur l'herbe... non, bien sûr que non. Liam regarda par-dessus son épaule. Personne n'était allongé près de lui. Les yeux grands ouverts, il réexamina le paysage qui l'entourait. En détail, plusieurs fois. Non. Ce n'était pas possible. Les énormes chevaux, les maisons à colombage, la grande muraille, la double-porte améthyste. Elle s'était sans doute levée et était partie admirer le paysage ailleurs ! Les chevaux, les maisons, la muraille, les portes. Elle ne pouvait pas être restée là-bas. Si ?

Sorciers, T1 : Le fils du corbeauWhere stories live. Discover now