9. Réminiscence

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Un mot définissait cette atmosphère : vide. Un calme oppressant. L'écho d'un soupir rassurait, cependant. Les souffles encore paniqués du garçon se répétaient. Sa poitrine se soulevait rapidement, au rythme saccadé de sa respiration. Liam avait les paupières closes. Il ouvrit lentement les yeux, de peur de faire face à un nouveau danger. De la lumière.


Disposées de chaque côté de lui, deux poteaux de bois plantés dans le sol portaient des coupelles de métal dans lesquelles des flammes vacillaient. Les feux frémissants se reflétaient dans ses iris. Il cligna des yeux. Comme dans son rêve, il se retrouvait piégé dans l'obscurité. Peut-être s'était-il évanoui ? Ou alors, la folie s'était définitivement emparée de lui ? Liam n'avait plus la force de réfléchir.


Les torches s'allumèrent les unes après les autres, formant un chemin. Sans davantage se poser de question, Liam les suivit. Il allait de nouveau tomber sur le vieux livre qui l'attirerait et il se réveillerait. Encore une fois. La bonne interrogation était plutôt: où est-ce qu'il se trouverait quand il ouvrirait les yeux ?


Liam gravit les marches gelées, une par une. Sans pression, sans hâte. À mesure qu'il montait l'escalier, ses jambes faiblissaient. Elle savaient déjà bien souffert. Après ce qu'il avait traversé, il touchait ses limites physiques. Encore fallait-il que ce soit la réalité. Après tout, cela pouvait être un rêve... ou pas. Le lycéen souffla du nez, un sourire aux lèvres. Plus rien ne l'étonnait.


Il atteignit la plateforme de glace, délimitée par un cercle de flammes frémissantes qui entouraient un vieux livre. Liam ne prit pas le temps d'inspecter de nouveau l'endroit et foula le sol gelé. Il devait se réveiller, à présent. Ce cauchemar, cette réalité n'avait que trop duré. Il tendit le bras. Son souffle passa lentement ses lèvres. Le contact du cuir vieilli de la couverture du livre réchauffa le bout de ses doigts ; ses paupières frémirent.


Ses yeux étaient grands ouverts. Il avait vue sur un plafond modeste et familier. Pas de livre, ni d'obscurité. Il s'était réveillé ? Son dos était contre un matelas, davantage moelleux que le sien. Il essaya de bouger ses jambes. Aucune réaction. Ses mains ensuite. Non plus. Que se passait-il maintenant ? Il avait perdu le contrôle de son corps ?


Sans qu'il le veuille, Liam sentit sa tête tourner. Du moins, le changement de vision en témoignait. Le lycéen se sentit paniquer de nouveau. Des barreaux. Des barres entouraient le lit. Comme dans le berceau d'un nourrisson. L'avait-on fait changer de corps, ou une connerie dans le genre ? Les types louches qu'il avait rencontrés en étaient sûrement capables. Entre se téléporter, escalader un immeuble de cinquante mètres et voler, métamorphoser quelqu'un ne devait pas être bien compliqué.


Une femme apparut. Ses traits familiers, il était impossible de ne pas les reconnaître. Cette chevelure chocolat, ces yeux couleur miel, c'était sa mère. Liam voulut forcer l'ouverture de sa bouche, crier, s'accrocher à son cou, la serrer dans ses bras. Mais il ne put rien faire de tout ça. Les muscles de son visage lui étaient inaccessibles et ses cordes vocales refusaient de vibrer. Il était comme spectateur de sa propre vie.


Il réalisa que sa mère était plus jeune. Caroline Spencer n'avait qu'une vingtaine d'années. Elle semblait heureuse, un sourire radieux aux lèvres. Pas de cernes, ni d'yeux gonflés par le chagrin et la fatigue. Elle avait changé. Ou alors, Liam se remémorait ses premières années ? C'était impossible. Mais il était difficile de trouver un seul argument pour contrer cette réalité. Sa mère était jeune et heureuse. Son père n'était pas encore parti alors ?

Sorciers, T1 : Le fils du corbeauWhere stories live. Discover now