31. Médecine runique

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Toujours assis sur sa chaise de cuisine rouge foncé, Gewern attendait patiemment. Son rôle était de surveiller le portail dans l'arrière-salle du Tonneau du Corbeau. Blaze était sorti.


C'était avec un sourire que le vieil homme avait constaté que la reprise des anciennes responsabilités de son fils le rendait nerveux. Il devait reprendre son statut de mari et – bien qu'il ne l'ait que très peu expérimenté avec Liam – de père. Depuis leur installation dans le monde des humains, Blaze redoutait de revoir Caroline et son fils. Il était parti sans rien dire et craignait que son retour vers eux, tout aussi imprévisible que son départ, soit mal perçu. Mais, malgré son angoisse, Blaze s'était proposé pour aller mettre engarde Liam contre les Rozen et avait ordonné que ce soit lui qui expliquerait tout à son épouse et à son enfant. Heureusement, Blaze n'avait pas l'air de détester cette reprise de responsabilités. Au contraire, il était plus épanoui. Et s'il était heureux, alors Gewern l'était plus encore. Son fils adoptif pouvait enfin sourire.


D'un autre côté, il comprenait la méfiance qu'éprouvait le jeune Liam, et c'était bien normal. Quand bien même c'était pour le protéger, Blaze avait été très brutal à son retour. Les pauvres Spencer méritaient tellement d'explications. On leur avait énoncés la situation, mais il était évident que cela ne suffisait pas. Surtout si le principal concerné ne pouvait pas les accompagner parce que son visage était connu de tous les sorciers. On est criminel national ou on ne l'est pas.


Gewern soupira légèrement. Heureusement que le petit Ketsu avait accepté de leur tenir compagnie. Son caractère de cochon pouvait heurter –il le comprenait aisément – mais il était tout de même d'une fidélité absolue envers Blaze.Il le suivait aveuglément dans ses plans improvisés. Gewern eut un petit rire. Ce n'était pas forcément un point positif.


Dans le bar, il ne restait que lui et la petite Akilisa. Pour ne pas s'ennuyer, le vieux sorcier avait attrapé un livre qu'il avait récemment acheté en librairie. Les Sorcières de Salem, de Arthur Miller. Traduit de l'anglais, bien sûr. Il s'était débrouillé pour apprendre la langue compliquée qu'était le français alors il fallait bien que son apprentissage serve à quelque chose. Il aurait très bien pu se tracer Mannaz sur la paume de la main et prendre le livre en version originale, mais il ne préférait pas user de glyphes ou de runes pendant son séjour chez les humains. Du moins, pas pour ce genre de futilité. Il était en France, le livre était traduit alors il lirait en français.


Le titre l'avait interpellé : ça parlait de « sorcières ». Et pas de n'importe où ! De Salem ! Cette histoire était aussi un grand classique littéraire chez les sorciers. Alors, il était plutôt intrigant de connaître la perception qu'avait un humain sur les événements qui s'y étaient produits. Gewern était curieux de savoir ce que l'auteur avait recueilli comme informations et quelle en était son interprétation. De surcroît, il avait cru comprendre que c'était une pièce de théâtre. Ce dont il était très friand !


La petite Akilisa sautait derrière la chaise, tentant d'agripper les épaules de son « papy », comme elle l'appelait. Elle arrêta après un instant et passa devant lui. Elle prit une grande inspiration prête à lui demander de la faire monter sur ses épaules. Mais ce qu'il tenait dans les mains lui fit changer de jeu. Elle tapota ses genoux, sautillant sur ses deux petits pieds. Ses couettes se secouaient en même temps.


- Papy ! Papy ! Papy !


Gewern abaissa le livre, dont il lisait la quatrième de couverture, et tapota la tête blonde de la fillette avec.

Sorciers, T1 : Le fils du corbeauWhere stories live. Discover now