44. Liam Brotherhood

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Derrière se trouvait une grande pièce. De ce que le garçon put apercevoir, elle était presque vide. La seule chose qu'il arriva à discerner distinctement était le lit à quelques pas de l'entrée. Sur un vieux matelas déchiré, une femme était allongée. Une tunique blanche recouvrait le haut de son corps tandis qu'un pantalon couvrait le bas. De longues chaussettes enveloppaient ses pieds.


Ses paupières étaient closes. Mais Liam connaissait la couleur de ses yeux. Des iris miel. Comme les siens. Il s'approcha lentement, un pied devant l'autre. La femme avait aussi de longs cheveux aux couleurs chocolat. Aussi étonnant que cela pouvait paraître, elle n'aimait pas beaucoup le chocolat. Elle n'avait jamais apprécié Pâques. Pourtant, c'était la période des lapins. Et qu'est-ce qu'elle aimait les lapins. C'était justement pour cette raison qu'elle n'aimait pas Pâques, elle se désolait à chaque fois de voir un enfant dévorer l'oreille brune du petit animal de sucre bien sculpté. Malgré cela, elle ne s'était jamais privé de gâter son fils. Elle répétait sans cesse que ses goûts personnels ne devaient pas s'imposer à son enfant. Qu'il était libre et qu'il avait le droit à ses propres rêves. Que, dans sa vie future, il aurait des problèmes et des choix à faire. Mais que jamais elle ne discuterait sa décision, qu'elle respecterait son avenir quoi qu'il advienne de lui.


Liam tomba à genoux, à côté du lit. Il caressa la joue de sa mère. Elle avait l'air paisible comme ça. Alors qu'une pensée glaciale lui traversa l'esprit, il partit chercher son pouls, au creux de son cou. Il ne sentit rien ; la panique embrouilla ses pensées. Il colla son oreille contre sa poitrine. Silence, silence...


Puis, une douce mélodie de battements de cœur résonna. Mais Liam ne bougea pas. Son dos se secoua et il se mit à pleurer de soulagement. Les larmes se versaient ; les sanglots s'enchaînaient. Et il répétait : «Maman, Maman, Maman... ». Il était redevenu le petit oiseau qui piaillait seul dans le nid. Le pauvre bébé qui pleurait toutes les larmes de son corps. Sa maman était partie, mais elle était revenue. Dans l'incapacité de le consoler, certes, mais il sentait contre son épiderme la chaleur maternelle qu'elle dégageait. Liam avait retrouvé sa mère, le pilier de sa famille et la clé de son bonheur.


Une voix forte venant de l'extérieur résonna subitement. Il réussit à distinguer quelques mots. « pouvoir », « divin », pas plus. Mais ce fut assez pour le faire se redresser. Il essuya l'humidité sur ses joues et avala ses derniers sanglots. Il allait la sortir de là. Le garçon tenta de prendre sa mère dans ses bras : elle était trop lourde. Liam réfléchit un instant et finit par remonter les manches de son pull, devenu grisâtre de poussière.


Il tira les jambes de sa mère et les laissa pendre au bord du lit. Il plaça son dos entre les deux genoux et attrapa les bras par-dessus ses épaules, jetant un œil prudent derrière lui pour bien vérifier ce qu'il faisait. Lorsque ce fut fait, il amena les deux mains enlacer son cou. Ensuite, il laissa le haut du corps de la femme s'appuyer sur son dos penché en avant. Enfin, il passa ses mains sous ses jambes pour la soulever, et se redressa. C'était lourd, mais il n'avait pas le temps de s'en préoccuper. Il se dépêcha, courbé vers l'avant, le poids de sa mère se secouant sur son dos. Le mur qu'il avait traversé n'était plus là. La façade n'était illusion que de l'autre côté. Alors il avança pour revenir dans la pièce où reposaient les deux caisses. Ilse retourna vers la prison de sa mère et remarqua, sans surprise, que le mur était de nouveau là. Mais il ne s'y intéressa pas longtemps. Les bruits de lutte étaient audibles, mais assez distants. Détail qu'il n'avait pas remarqué la première fois. Sans attendre, il reprit le petit couloir, longea le mur éventré par la dague de Leonhardt et passa l'ouverture. Mais il ne put aller plus loin. Un spectacle effroyable s'offrait désormais à lui. Le sol du premier étage s'était effondré. Des débris couvraient le sol du rez-de-chaussée et de la poussière envahissait l'air. L'obscurité de la nuit l'empêchait devoir clairement ce qu'il s'y passait, mais les bruits de bottes contre le sol, le son de la lame qui fendait l'air et les grognements d'efforts lui confirmaient qu'il y avait bien deux personnes qui se battaient. Soudain, la voix râpeuse de Gewern résonna et un gros fracas s'en suivit ; Liam risqua un pas en avant.

Sorciers, T1 : Le fils du corbeauWhere stories live. Discover now