Interlude II

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La première fois qu'il avait senti sa présence, Taehyung avait pensé qu'il s'agissait d'un fan un peu trop insistant.

Il en avait vu d'autres, la situation ne lui paraissait pas inquiétante. Bien souvent, il se faisait suivre par des jeunes gens curieux qui au bout de longues minutes d'hésitation, soit s'en allaient, soit se dirigeaient vers lui et lui demandaient un autographe.

Lorsque celui qu'il ne connaissait pas encore tourna au coin d'une rue après l'avoir suivi à l'extérieur du café, il se dit que ç'en serait fini. Mais lorsque le lendemain, il sentit de nouveau la présence insistante d'yeux sur sa personne, et que le surlendemain également, il commença à se sentir fébrile et inquiet.

La première hypothèse qui lui vint en tête fut celle du journaliste, qui viendrait essayer de tirer des images de lui à son insu. Le concours des arts se déroulant l'année prochaine, il savait que des supercheries se mettaient en place.
L'ambiance amicale entre les musiciens que laissait refléter la télévision n'existait plus. Tous les coups étaient bons pour tenter de déstabiliser son adversaire et de lui mettre des bâtons dans les roues. Taehyung haïssait ça, mais il n'était pas étonné. Il connaissait la vraie nature de l'être humain. Cruelle, envieuse. Il n'en attendait plus rien.

Il surveilla chacun de ses gestes, veillant à ne pas faire le moindre écart. Et un jour, au bout de plusieurs semaines, lorsqu'il n'en puis plus, il le coinça. Il se retrouva devant un jeune garçon aux yeux de biches, assez loin de ce qu'il avait cru voir en l'observant du coin de l'œil. Il avait l'impression de faire face à un chiot pris sur le fait d'un vol de biscuit. Il eut assez de peine pour lui pour le laisser s'expliquer sans prévenir les autorités, et lorsqu'il entendit ses raisons et leur irrationnalité, il crut avoir mal compris.

Pourtant, en observant ses mains aux doigts fins et aux ongles courts, il remit en question ses doutes. Pour en finir avec cette histoire bien que le jeune homme l'intriguait beaucoup, il s'enfuit. Mais alors qu'il pensait que ce dernier s'essoufflerait et abandonnerait le combat, il lui  cria son prénom.

Le soir même, dans son atelier, alors qu'il peignait un autre de ses tableaux morbides, il repensa comme un flash à ce visage si juvénile devant lui qui avait essayé de l'impressionner.

"Jungkook".

Il avait retenu ce prénom à la consonnance rare pour un homme. Il repensa à ses traits en peignant de gris la surface de sa toile. Il vit son nez droit, ses lèvres fines et ses grand yeux noirs et brillants. Il arrêta son pinceau sur la toile, se leva puis recula. Il fut pris de stupeur lorsqu'il réalisa que sans s'en rendre compte, il avait peint ses traits.

Rapidement il recouvrit d'une nouvelle couche de peinture le visage et bientôt, la toile fut de nouveau unie et bleue.

Il était hors de question qu'il le prenne lui. Le pianiste l'avait stalké durant des semaines, il n'était probablement pas digne de confiance. Mais ce que le violoniste refusa de s'avouer, c'était qu'il ne voulait pas de lui pour une toute autre raison. Il avait peur de s'attacher encore.

Mais les jours passèrent et sa proposition ne le quitta pas. Il y repensa sans cesse, le jour comme la nuit lorsqu'il se réveillait encore d'un de ses interminables cauchemars. Plus il repoussait cette pensée et plus elle venait à lui. Une petite voix discrète lui susurrait "et si tu essayais ?". Et il comprenant que par là, elle signifiait essayer de faire confiance de nouveau. Alors il se mit à reconsidérer la question, et lorsque qu'une semaine plus tard, à la gare, il tomba sur un merveilleux pianiste, qui même s'il faisait quelque fois des fausses notes, avait le don d'attirer tous les regards vers lui, il prit sa décision en pensant tout de même qu'il la regretterait un jour où l'autre.

𝐋𝐄 𝐕𝐈𝐎𝐋𝐎𝐍𝐈𝐒𝐓𝐄 ⁽ᵛᵏᵒᵒᵏ⁾Où les histoires vivent. Découvrez maintenant