Prologue

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Inspire...

- Jungkook, vous montez sur scène dans deux minutes, préparez-vous.

Expire...

J'hochai la tête puis mis un pied devant l'autre pour me faufiler parmi les autres musiciens qui attendaient dans les coulisses. Je traversai le long couloir bordé de rideaux bordeaux qui menait jusqu'à l'entrée dérobée de la scène.

Inspire...

Personne ne nous remarqua, moi et mon trac, tenter de nous frayer un chemin parmi la foule qui s'agglutinait au plus proche des rideaux pour écouter les autres musiciens.
Néanmoins, lorsque Minjun, l'acteur principal de la prochaine scène, le fit à son tour, chacun se poussa un peu à droite ou à gauche pour le laisser passer comme un seigneur.

Il ne salua pas en retour les corps qui se courbaient avec admiration sur son passage. Il avança avec un air aussi orgueilleux que déterminé. Là, il s'arrêta devant moi, la tête toujours haute. Ses yeux s'abaissèrent mais pas son visage. Ils balayèrent les pans de veste, mes cuisses et mes mains qui étaient posées sur celles-ci. Il releva enfin le regard, digne et confiant, pour s'adresser directement à moi.

- Tes mains tremblent, tu as deux minutes pour me corriger ça.

Et effectivement, il avait raison. On n'avait jamais vu un pianiste bien jouer avec des mains tremblantes.

Après mes quatre ans de carrière en tant que pianiste, j'avais toujours autant le trac avant chaque représentation. Cette angoisse de mal faire, de rater et de porter sur mes épaules une partie du poids de la performance ne m'avait jamais quittée. Même si je n'étais que l'objet qui permettait au talentueux violoniste de briller, si je jouais mal, cela se ferait ressentir et il en subirait les conséquences. Ainsi, il me restait deux minutes pour calmer les palpitations de mon cœur et les voix dans ma tête qui jouaient en boucle l'idée d'un potentiel échec.

J'opinai du chef avant de baisser la tête et j'observai ses chaussures impeccablement cirées me passer devant.

Minjun était un violoniste aussi talentueux que populaire, et j'étais son bras droit. J'étais son pianiste attitré et je le suivais partout où il devait aller. Il me tenait en vie en me versant un salaire décent, et je n'en demandais pas plus. Lorsqu'il brillait sur scène, sous le feu des projecteurs, je me tenais dans l'ombre de sa mélodie. Mes mains dévalaient les touches mais on ne m'entendait pas. On félicitait toujours ce talentueux violoniste pour son incroyable performance, jamais son pianiste.

J'expirai, réalisant que je ne l'avais pas fait depuis presque une minute. Mes mains tremblaient toujours et mon cœur se débattait dans ma cage thoracique. Je monterais sur scène dans une minute.

Derrière le rideau j'entendais les dernières notes sortir du violon du candidat précédent et j'arrivais à sentir le public frémir. Les deux derniers violonistes étaient les plus attendus. On venait des quatre coins du monde pour entendre leur archer glisser sur les cordes le temps de trois minutes avec la folle excitation de savoir qui de l'un ou de l'autre serait le plus convaincant cette fois-ci.

Mais pour moi, et pour la majorité des spectateurs, la réponse était toute trouvée.

- Vous pouvez monter sur scène.

Mon cœur cogna encore un peu plus fort et mes mains refusèrent de s'arrêter. Je n'avais même pas entendu la mélodie s'arrêter ni les musiciens descendre tant le mélange d'angoisse, d'incertitude et de concentration m'occupait.

Je relevai enfin la tête et croisai le regard de Minjun.
Il secoua la sienne avec des yeux durs, me signifiant que quelque chose dans mon attitude, mon physique ou que sais-je lui déplaisait et qu'il fallait que je le corrige au plus vite.
Son regard m'écrasa; pourtant bien vite il tourna la tête, et s'engouffra à travers les rideaux que des techniciens tenaient relevés juste pour sa personne.

𝐋𝐄 𝐕𝐈𝐎𝐋𝐎𝐍𝐈𝐒𝐓𝐄 ⁽ᵛᵏᵒᵒᵏ⁾Where stories live. Discover now