Chapitre 4

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On a souvent tendance à dire à tort et à travers que la vie est injuste. Qu'on ne mérite pas tel traitement ou telle sanction. Mais bien souvent, on oublie que les sanctions découlent de choix et qu'on se retrouve rarement dans une situation totalement par hasard.

C'est pourquoi, coincé entre les deux murs d'une rues un peu trop étroite, yeux dans les yeux avec l'homme que j'espionnais depuis maintenant un peu trop longtemps, je ne blâmais pas la vie et estimais mériter ce qui allait découler de mes mauvais choix.
On a toujours le choix, pas vrai ?

Le visage plus fermé encore que je ne l'avais jamais vu, il croisa ses bras sur son torse sans jamais me lâcher des yeux. Moi, je me sentais comme dans ces instants où votre âme semble se décrocher de votre corps, le laissant se débrouiller à sa guise. Mais mon corps aussi faisait les mauvais choix, alors il resta immobile, sans jamais chercher à fuir ce qui le terrifiait. L'expression "ne plus savoir où se mettre" était la plus juste pour décrire ce que je ressentais. Et je ne savais tellement pas où me mettre, que je ne me mis nul part du tout, fixe, attendant la sentence.

Le violoniste maintint une distance entre nous sans rien dire. Peut-être attendait-il que je me confonde en excuses ou en larmes. Je ne le savais pas. Mais ce silence m'irradiait bien plus que le froid environnant. Puis alors que ce calme bruyant s'étirait un peu trop, il avança d'un pas en penchant la tête, m'examinant comme une bête de foire mais sans jamais perdre son air sérieux et affirmé.

- Je me disais bien que je sentais qu'on me suivait.

Il amorça un pas, puis se mit à tourner autour de moi, lentement, les pans de son long manteau noir effleurant le mien. Je ne parvins pas à déglutir, la salive restant comme coincée dans ma gorge, intimidé par son aura et son ton acerbe. Il fit ainsi un tour autour de moi, qui sembla durer une éternité, puis il repassa juste devant mon visage, en m'envoyant un regard sombre, le plus noir que je n'avais jamais reçu et enfin il arrêta de bouger, à un mètre tout au plus de moi.

- Je dois te signer un autographe ou appeler la police ?

Ma bouche s'entrouvrit. Il me donnait l'occasion de sauver ma peau, mais je n'eus ni le cran, ni la force de m'en saisir. Au lieu de ça je restai ainsi, la mâchoire pendante et les yeux un peu plus écarquillés qu'ils ne devaient l'être.

- À ta réaction j'en conclus que je dois appeler la police. trancha t-il en sortant son téléphone de la poche arrière de son pantalon.

Et là, enfin, je réagis. Je me jetai presque à ses pieds pour le supplier de ne pas le faire et il baissa alors son portable, me toisant de toute sa hauteur comme le vulgaire stalker que j'étais devenu.

- Je te laisse une minute pour me convaincre de ne pas les appeler.

- Je suis vraiment désolé monsieur.

- Je ne t'ai pas demandé d'excuses mais une raison qui pourrait justifier que tu me suives depuis des jours.

Au moins, il ne savait pas que je le faisais depuis des semaines. Je restai silencieux, fait comme une rat. Il ne me coinçait pas, en réalité, j'aurais même eu tout le loisir de m'échapper si je l'avais voulu; mais j'avais appris il y a bien longtemps de ça qu'il fallait savoir assumer les conséquences de ses actes et de ses mauvaises décisions et que bien souvent, on en ressortait que plus léger. Néanmoins les minutes s'écoulaient et rien ne sortait, alors, sentant que sa patiente commençait à elle aussi s'écouler, je décidai d'improviser. Sauf que je ne savais pas improviser.

- Je veux devenir votre pianiste.

Ma phrase fut suivie d'un silence, presque plus perçant que celui qui avait suivi mon interception. Pourtant, je sentis sa curiosité piquée par ma proposition qui n'avait ni queue ni tête. Ses sourcils se froncèrent presque imperceptiblement et je compris qu'il attendait que je poursuive. Le piège était lentement entrain de se refermer sur moi. Encore une suite de mauvais choix qui pousserait à dire que la vie était injuste. Au contraire, elle rendait parfaitement justice, et mon procès ne faisait que commencer.

𝐋𝐄 𝐕𝐈𝐎𝐋𝐎𝐍𝐈𝐒𝐓𝐄 ⁽ᵛᵏᵒᵒᵏ⁾Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt