Chapitre 7

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La porte claqua en même temps que Taehyung quitta la pièce. Je restai allongé sur mon lit, me demandant ce qui avait bien pu provoquer de tels cris. Je me levai alors en réalisant que la réponse se trouverait peut-être dans le salon. J'enfilai mes vêtements de la veille en vitesse avant de sortir de la pièce en me cognant contre l'encadrement de la porte au passage. La légère lumière qui émanait du salon me permit de trouver mon chemin dans l'imposante maison. Après une semaine, je ne connaissais que le chemin qui menait de ma chambre à la salle de bain, puis de la salle de bain au salon -ayant eu trop peur d'explorer les autres pièces.

Je poussai la porte avec incertitude et je le trouvai là, droit, splendide malgré sa nuit écourtée, seulement éclairé par la lumière du lustre qu'il finit par éteindre car il la trouvait trop intense. Il avait beau être en pyjama, décoiffé et dans un état psychique que je n'imaginais pas, il conservait sa froideur et sa classe habituelle. je n'aimais pas tellement nommer cela "beauté", parce que c'était bien plus que ça. Il avait du charisme, de la prestance, et toutes ces choses qui surpassent la simple beauté physique qui peut se montrer ennuyeuse si elle n'est pas appuyée par quelque chose de plus profond. Lui, il avait les deux.

Le violon était déjà dans sa main et reposait contre son mollet, l'archer faisait de même. Je m'installai près du piano en silence. La grande baie vitrée faisait entrer la lumière du clair de lune qui, à elle seule, savait faire scintiller les touches d'ivoire blanches plus que toute lumière artificielle ne l'aurait jamais pu. Le brun de son violon brillait également d'un éclat un peu plus bleuté que d'habitude, mais pas moins époustouflant. Et puis il y avait sa peau. Sa peau devenue bleue pale sous la lumière et qui quelques instants me remémora celle de l'enfant sur le tableau, bleuie par la mort.

Son regard se posa enfin sur moi, et il lança sans perdre de temps :

- Jouons.

Alors nous jouâmes, et ce, jusqu'à épuisement.

Au cours de cette séance, j'avais pu constater une chose : Le but de ce concert improvisé n'était aucunement de nous entraîner. Depuis l'instant où il m'avait réveillé pour que l'on joue ensemble, il n'y avait pas eu un seul instant où il avait voulu répéter pour s'améliorer ou pour perfectionner les morceaux. Il avait simplement voulu évacuer quelque chose, peut-être même s'épuiser au point de trouver le sommeil.

Ses mains avaient tremblé de longues minutes durant, engendrant une flopée de notes grinçantes et son visage se crispait un peu plus à chacune d'entre elle. Dans ses yeux, j'arrivais à lire la frustration de ne pas être maître de son propre corps. Je le comprenais parce qu'avant chaque concert, je la vivais également.

Il était désormais cinq heures du matin. Je ne tenais plus, j'allais m'effondrer sur le piano si on continuait ainsi.

- Monsieur... est-ce qu'on pourrait arrêter ?

- Non. Je dois jouer encore.

Et il reprit une mélodie qui n'échappa pas à mon oreille de musicien. Expérience de Ludovico Einaudi frappa l'air du salon et je me sentis incapable de l'accompagner tant la fatigue me bouffait tout entier. J'étais incapable de raisonner, de réfléchir ou même de simplement penser. Alors je posai ma tête contre le pupitre et me laissai bercer par sa mélodie tout en le regardant se mouvoir sur place, dans des mouvements lents mais maîtrisés. C'était presque une danse; comme Jimin, il était lui aussi animé par la mélodie qui s'infiltrait dans son corps.

Mes yeux se fermèrent une fois; je luttai pour les rouvrir, puis ils se refermèrent de nouveau. je fis durer le combat mais il fallait croire que moi aussi ce soir, je devrais m'abandonner à la merci de mon corps qui me contrôlait plus que je ne contrôlais.

𝐋𝐄 𝐕𝐈𝐎𝐋𝐎𝐍𝐈𝐒𝐓𝐄 ⁽ᵛᵏᵒᵒᵏ⁾Where stories live. Discover now