Chapitre 13

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Les cris, les pleurs, les injures... Tout cela est effrayant. Ça fait peur, ça nous fait mal et nous brise. Mais malgré cela, ces signes indiquent des émotions bien précises et identifiables, et permettent même parfois de mieux nous comprendre. Les pleurs amènent la discussion, qui amène le réconfort et souvent, on n'en ressort que plus soudé.

Ce n'est pas le cas du silence. Et pour moi, il n'existait sur terre de réaction plus angoissante et significative que le silence. Et depuis quelques jours, Kim Taehyung avait choisi de me l'imposer. Il n'était habituellement pas bavard, mais ce calme là était autre chose. Pour une raison que j'ignorais, il m'en voulait. J'eus d'abord peur qu'il s'agisse de ma révélation au journal qui le rendait ainsi, puis une discussion m'éclaira.

- Vous m'en voulez monsieur ?

Il était debout, son violon posé sur l'épaule dos à moi. Je ne pouvais pas voir son expression, mais j'avais remarqué qu'il avait cessé de se mouvoir. J'avais posé cette question entre deux morceaux, alors que le calme nous enveloppait. Il tourna la tête, par dessus son épaule et me jeta un regard qui se voulait désinvolte mais que je trouvai noir.

- Non.

Il recommença à bouger comme s'il se préparait à continuer de jouer et je le coupai dans son élan.

- Je ne comprends pas ce que j'ai fait.

Il bloqua de nouveau, puis souffla en faisant descendre l'instrument de son épaule. Il se tourna vers moi avec un regard fatigué.

- Ce n'est pas à toi que j'en veux.

- Alors pourquoi vous me le faites payer à moi ?

Une expression de surprise marqua ses traits. Je vis une large gamme d'émotion traverser ses yeux avant qu'il ne reprenne constance.

- Je suis désolé. Simplement, ça m'est insupportable de te voir dans cet état.

Ses yeux fixèrent ma mâchoire bleuie et une sensation étrange me traversa de toute part. Il était inquiet, quelqu'un s'inquiétait véritablement pour moi. Mon cœur se serra brutalement, mon bas ventre aussi et j'eus un vague sentiment de déjà vu. J'avais déjà ressenti ça, il y a quelques années de cela. Il leva finalement le regard pour l'ancrer dans le mien et cette sensation électrisante revint. Nos yeux ne se quittèrent pendant un temps qui me sembla infini, j'étais happé par ce regard noir, plein de mystères, de non-dits; puis finalement, il se tourna et remit son violon sur son épaule à la hâte.

- Reprenons.

Nous jouâmes pour le reste de l'après-midi et il cessa finalement de m'ignorer.

Le lendemain, la maison se retrouva vide et un sentiment d'oppression me parcourut. C'était exactement le même que ces deux autres fois, où j'avais senti courir dans mes veines l'envie irrépressible d'ouvrir la porte des secrets de Taehyung, qui, comme une métaphore grossière renfermait derrière elle un tas de chose que je n'osais même pas imaginer. Que je ne voulais pas imaginer. Lorsque je me sentais ainsi, il m'était impossible de faire quoique ce soit. Je ne cessai de penser en boucle à tout ce que je loupais derrière cette porte, à tout le temps que j'avais perdu parce que le courage me manquait à chaque fois qu'il s'agissait de prendre les choses en main.

Mais aujourd'hui, un sentiment étrange me traversait. C'était comme une vague impression mais qui à chaque instant prenait un peu plus de place dans ma tête. Et celle-ci me disait qu'aujourd'hui, si je franchissais la porte interdite, ce ne serait pas pour Minjun ou pour sa carrière. Ce ne serait pas pour le venger ou lui faire plaisir. Non, cette fois, je le ferais pour moi.

Je savais qu'il fallait que je me tienne discret. A tout instant, la nouvelle qui disait que j'étais celui qui avait confié le morceau de Taehyung à la presse pouvait tomber. Je ne pouvais pas me permettre de me faire attraper par le violoniste ou Sohee entrain d'essayer une des nombreuses clefs dans le verrou de la porte. Les risques étaient grands. C'est pour cela que lorsque Sohee arriva - il devait être dix heures tout au plus -, je me mis à la questionner en tâchant de paraître le plus naturel possible.

𝐋𝐄 𝐕𝐈𝐎𝐋𝐎𝐍𝐈𝐒𝐓𝐄 ⁽ᵛᵏᵒᵒᵏ⁾Where stories live. Discover now