Je soupirai encore en détaillant les moulures qui sillonnaient le plafond parsemé de doré.

- D'accord, je t'attendrai.

Un silence s'étira durant de longues secondes, tellement longtemps que je crus qu'il avait raccroché; mais sa voix résonna de nouveau dans l'immense salle.

- Tu te sens prêt à revenir ici ? demanda Jimin, une hésitation visible dans la voix.

Je sentis mon cœur se serrer à la simple mention de cette idée. Revenir. S'il n'y avait pas eu cette tournée d'Asie et mes obligations familiales, je ne serai sûrement jamais revenu.

- Je ne sais pas Jimin.

Il ne répondit pas, mais je l'imaginai hocher la tête avec un air contrarié comme il le faisait souvent, même à des milliers de kilomètres.

- Il est tard, je vais te laisser. dis-je simplement pour ne pas m'éterniser.

- D'accord bonne nuit, à demain.

- À demain.

Une tonalité se fit entendre et je devinai qu'il avait raccroché. Je laissai retomber mon bras sur le parquet brun de la scène. Demain je rentrerai en Corée et je devrais me confronter à tout ce que je m'étais donné tant de mal à éviter des années durant.

Après le concours des arts, j'avais coupé avec tout ce qui pouvait me ramener à lui. Sohee, Min Yoongi. Lorsque j'entendais un air de violon à la radio, je l'éteignais. Si celui-ci provenait de la pièce d'à côté au conservatoire, je m'enfuyais. J'avais tiré un trait sur lui, je l'avais oublié. Du moins, c'était ce que je souhaitais de tout mon cœur. J'étais tellement en colère contre lui et son geste, que pendant plusieurs jours, je ne parvins même pas à me sentir triste.

Je le détestais de n'avoir pensé qu'à lui, de ne m'avoir rien laissé, pas un mot, rien du tout.

Puis il y eut la suite, et alors en plus de la colère, la tristesse m'emporta comme une vague m'aurait submergée. Je ne m'étais pas préparé au choc de l'enterrement. Ma main enfermée dans celle de Jimin, j'avais vu le cercueil qui renfermait l'homme de ma vie être avalé sous terre sans réellement comprendre. Durant des semaines je ne parvins pas à trouver le sommeil.

Peu importe où je me trouvais, chez Jimin, chez Namjoon ou chez mes parents, il m'était impossible de fermer l'oeil plus de deux heures par nuit.

Le plus difficile fut le silence, celui des êtres que j'aimais et qui manquaient de mots pour me réconforter. J'avais l'impression d'être devenu une chose fragile qu'il ne fallait surtout pas blesser.

Puis il eut l'incompréhension aussi.

Son geste avait été brutal, presque sans prémices. Et toutes ces nuits où je restais éveillé à observer le soleil se coucher, puis se lever, je repassais chacun de nos moments ensemble et en les relisant, je parvenais à trouver des signes partout.

Quand la culpabilité commença à trop se mêler à la tristesse, que mes jours devinrent semblables à des nuits polaires, que me lever le matin ressembla à un effort incommensurable, je compris qu'il était temps que je fasse quelque chose.

Que je parte.

Alors, six mois après sa mort, j'avais atterri en Norvège avec l'espoir d'y reconstruire ma vie. J'avais pris contact avec Hoseok qui s'était montré enthousiaste à l'idée de m'accueillir, le temps que je trouve mon propre logement. Il avait appris, lui aussi, pour Taehyung. Et lorsqu'il m'avait présenté ses plus sincères condoléances, je n'avais plus pu retenir les larmes que je contenais depuis des mois. Il m'avait serré dans ses bras, puis nous étions rentrés sans un mot, les joues humides, et je m'étais installé chez lui.

𝐋𝐄 𝐕𝐈𝐎𝐋𝐎𝐍𝐈𝐒𝐓𝐄 ⁽ᵛᵏᵒᵒᵏ⁾Where stories live. Discover now