Chapitre XXIX

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Felipe Lopez, roi consort :

La femme que j'aime est enfin accessible, et, a avoué ses sentiments. Ce bonheur inespéré me rend euphorique. Je m'écarte péniblement d'elle avant qu'il ne soit trop tard et que je ne puisse plus me détacher d'elle. Elle est douce, innocente, et tellement sensible. Elle m'attire tellement que je deviens fou à force de résister.

Je la raccompagne à l'intérieur et jusque sa chambre. J'hésite à entrer, mais il est préférable que je m'abstienne avant le mariage, notamment parce qu'elle a eu une éducation religieuse. Je n'ai aucun intérêt à la bousculer et l'effrayer. Je veux l'amener à moi, lentement pour qu'elle désire la même chose que moi. J'ai attendu jusque là, et, en fin de compte, je lui ai pardonné son mensonge. Je la préfère elle, sa personnalité me convient parfaitement. Alors, comme elle me rend heureux, je veux être avec elle le reste de ma vie.

Je lui ferais rapidement des enfants. Notre vie de famille sera très importante. Cependant, je dois bien garder à l'esprit que nos vies sont menacées. Et parfois, comme maintenant, j'aimerais que nous ne soyons qu'une famille normale. Je dépose un chaste baiser sur ses lèvres, et regagne mes quartiers. J'appréhende de la laisser. J'ai toujours peur qu'elle soit la cible de nos ennemis. Quand nous serons mariés, je pourrais la protéger, et me sentir plus serein. Nos noces se préparent rapidement, demain, plus rien ne nous séparera.  Elle sera enfin à moi.

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Je m'impatiente. J'attends ma future épouse depuis quelques minutes devant l'autel et l'évêque. Le temps passe et elle ne se présente pas. Je m'inquiète. Qu'est-ce qui la retient ? J'espère qu'elle n'a pas de problèmes, alors, j'envoie mon serviteur vérifier dans ses quartiers. Je contemple l'assemblée réunie dans l'église. J'ai un mauvais pressentiment. Mon homme de confiance revient quelques minutes plus tard, et m'informe qu'elle est partie.

Je suis choqué. Je n'aurais jamais imaginé cela de sa part. Je suis désespéré. Je pensais que nous partagions tous les deux les mêmes sentiments. Elle a avoué m'aimer. Pourquoi est-elle partie  sans une explication ? Elle m'a abandonné, et l'honneur de sa famille également. Je renvoie tous les invités, et, je suis indécis sur les décisions que je dois prendre.

Je n'accepte pas son rejet. Elle me déçoit. Je m'enferme dans ma chambre. Pourquoi cette fuite ? Plus j'y réfléchis et plus j'ai l'impression qu'elle s'est moqué de moi. Je suis en colère à présent. Je serre les poings. Elle ne désire pas être ma femme ! Cette constatation laisse un goût amer dans ma bouche. Elle n'a pas le droit de me faire cela ! y avait-il une raison pour elle de partir ? Toutes ces questions dans ma tête ne font qu'accroître ma colère. Pourquoi ce comportement d'une personne irresponsable ? Je suis fatigué de ce mariage arrangé. Je ne le voulais pas. Mon père m'a forcé. Je devrais retourner chez moi, et, oublier toute cette histoire. Je hoche affirmativement la tête. C'est la meilleure solution. Face à une femme qui ne désire pas être mon épouse, je m'avoue vaincu. 

J'ordonne que l'on prépare mes bagages pour mon retour en Espagne. Le destin du royaume français n'est plus de mon ressort. Je me redresse sur les coudes, et, je décide d'en parler au premier ministre. Après tout, il y a déjà un digne successeur désigné : le demi-frère du roi. Le point positif, cela retirera les menaces qui pesaient sur moi par rapport à mon statut de roi consort.

Après une heure de discussion avec les membres du gouvernement, je suis libéré des contraintes qui me liait à la France. Mon départ est prévu dès le lendemain matin. Ma rencontre avec Justin de Gascogne a été un peu humiliante. J'ai fait profil bas. Il a tenté de m'être agréable en promettant de retrouver sa nièce. J'ai préféré ignorer cette promesse. Pour moi, plus rien ne me retient ici. Je vais oublier cette femme qui vient de lâchement me briser le cœur. 

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Mathilde :

J'ai beaucoup cogité cette nuit. Ce mariage précipité m'effraie. J'ai lutté de toutes mes forces pour vivre cet amour naissant avec mon beau futur époux. Je ne peux pas me marier à l'homme qui était promis à ma soeur. Et bien que je n'ai jamais connu cette dernière, ma conscience m'empêche d'accéder à ce mariage arrangé. J'aime cet homme, mais il est en rivalité avec Dieu. Mon indécision qui emmène mes hésitations me met mal  à l'aise. Si je me marie, je m'engage pour la vie. C'est une décision importante. Cette perspective d'être prisonnière d'un royaume et d'un homme que je ne connais que depuis quelques mois,  n'a fait que de m'accabler davantage.

Je me suis enfuie en pleine nuit, consciente que j'abandonnais celui qui a touché mon cœur. Pourquoi devrais-je épouser l'homme de ma jumelle ? Pourquoi devrais-je prendre la responsabilité d'un royaume qui ne m'appartient pas ? J'ai vécu cachée et maintenant je dois devenir la souveraine d'un pays. C'est étrange et hors de contrôle pour moi. Je ne veux pas de cette vie. Je perds mon identité et la personne que je suis devenue dans l'ombre de la famille royale. Ces personnes qui m'avaient écartées de leur vie en premier lieu, souhaitaient de moi que je permette à leur clan de continuer à régner. Quelle ingratitude, et surtout quel mépris vis-à-vis de moi ! Même dans la mort, ils me méprisent en m'interdisant de vivre la vie que je désire.

C'est beaucoup trop de pression pour moi qui avait une existence bien rangée, un destin prédéfini par moi. Je me sens incapable de renoncer à ce que je désire, même pas pour l'amour d'un homme. Enfin, si je me souviens de la lettre de promesse faite par mon père au prince à l'époque, j'ai un peu de difficultés à croire à l'honnêteté de ce dernier. La preuve en est de vouloir absolument m'épouser rapidement. Ce comportement est équivoque, et, a été l'argument déclencheur de mon départ.

Revêtue d'un vêtement de femme de chambre, j'arpente la forêt en compagnie d'une escorte de mes serviteurs qui ont, également, choisi de fuir la cour et de partir avec moi vers une autre vie. Nous avons plusieurs heures d'avance, et, nous décidons de faire une pause dans un petit village. Je ne retournerais pas au couvent. Si toutefois, le prince d'Espagne part à ma recherche, il commencera par ce lieu. Non, j'ai tout abandonné, même mon rêve de devenir religieuse. Il est impossible pour une simple fille comme moi de continuer à vivre avec la pression sur mes épaules liée au rang de reine, et, également la pression par rapport aux enfants que j'aurais pu mettre au monde.

Je redeviens une inconnue, libre de vivre ma vie, et de choisir qui épouser. J'assure la survie de ma future famille. Je suis lâche, peut-être ! Mais, je ne risque pas de mourir empoisonnée, assassinée, etc..... Que ceux qui désirent la place de souverain du royaume se battent entre eux. Je m'écarte volontairement du combat. Cette décision me paraît la meilleure et la plus raisonnable par rapport au royaume et au peuple. Qu'est-ce qu'une fille débarquant de nulle part pourrait apporter ? J'ai bien assimilé que ma présence dérangé les membres du gouvernement. Ce que je peux tout à fait admettre. Toute cette histoire prend fin aujourd'hui, et, cela au moins, c'est une décision que j'ai prise moi-même.

Je vais vivre avec les opportunités qui vont se présenter à moi. J'ai renoncé à une vie d'aisance, et de femme riche pour cette liberté. Je ne regrette rien. Je reconstruirais mon avenir, et, je n'ai pas peur d'aller de l'avant. Je suis devenue une autre femme, une battante qui lutte pour son bonheur. L'amour ? Je l'ai connu, il fait mal, il pince le cœur, il émeut puis fait perdre la raison, et, finalement disparait. Je n'y crois pas parce que j'avais des repères d'un amour inconditionnel voué à une personne invisible. Je secoue ma tête, vivre heureuse avec un homme, l'amour n'est pas obligé d'être présent.  Avec le temps, je parviendrais à oublier ce prince qui a chamboulé mon esprit. Il aura été une distraction qui m'a fait prendre conscience que je suis plus fidèle à moi, en étant tout simplement Mathilde, cette orpheline abandonnée ........


Pile ou faceWhere stories live. Discover now