Chapitre II

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Marie :

Aujourd'hui je m'unis à la famille royale d'Espagne. J'ai rencontré plusieurs fois leur fils, mon futur époux. J'ai la certitude que nous ne sommes pas du tout compatibles. Je ne suis pas ignorante, il plait aux demoiselles de la cour, et j'imagine qu'il en est de même dans son pays. Il a été convenu que nous resterions vivre à Paris. Il n'y a pas d'héritier au trône à l'exception de moi. Au moins, je ne serais pas loin de ma famille. C'est déjà une véritable consolation. Je continuerais à vivre dans mon environnement, et proche de Pierre, celui que j'aime.

Mon père m'accompagne jusque l'autel où l'évêque nous attend pour nous unir. Plus nous progressons vers l'autel, plus je me sens nauséeuse. Je ne veux pas m'unir à cet homme, mon père me pousse discrètement dans le dos pour m'obliger à avancer plus vite. Je suis tellement offensée de devoir appartenir à quelqu'un comme lui. Je frissonne et ressens du dégoût. Je retiens un haut le cœur. Je comprends que je vais tout perdre.

Mon père pose ma main sur celle du prince, celle-ci est froide comme son visage.  Aucune expression n'y prend forme. Son indifférence est stressante, et, me pousse très loin dans mes retranchements. Il n'y a que le pouvoir qui l'intéresse tout comme sa famille. Je n'espérais pas un mariage d'amour, mais au moins un peu de considération. Je dois me rendre à l'évidence qu'il n'en sera rien. Je n'aurais jamais dû naitre dans cette famille royale où je n'ai jamais trouvé mes repères. De plus, j'aurais été libre d'épouser mon palefrenier de cœur. Quand je pense à lui, mon estomac se resserre. J'ai la certitude de passer à côté du bonheur. Ce qui me frustre davantage. Comme j'aimerais plaquer tout le monde dans cette église et disparaître pour me marier ailleurs et avec quelqu'un d'autre. J'en rêve tellement que j'ai des difficultés à me concentrer sur la cérémonie de mariage. Je veux dire ma cérémonie de mariage. Je ne parviens pas à l'admettre même devant le fait accompli.

La cérémonie s'éternise. Je défaille de plus en plus. Ma conscience admet ma défaite dans cette union arrangée. Il ne sera jamais un bon mari, juste un compagnon de vie embarrassant et ennuyeux. Il reste de marbre jusqu'à la fin quand nous nous jurons chacun notre tour fidélité et amour. Ce ne sont que des mots prononcés sans véritable sens. J'hésite tellement à répondre "je le veux" que l'assistance s'impatiente.

Je le prononce contre ma volonté. Ces mots d'acquiescement sortis de ma bouche sont la plus monumentale erreur de ma vie. La réception est festive. Tous les convives s'amusent et boivent en notre honneur. Je ne supporte plus cette vision, je demande la permission à mon père et mon mari de me retirer prétextant une grande fatigue. A mon grand soulagement, le roi de France accorde à sa fille de se reposer. Mon mari ne me regarde même pas. Ses yeux défilent d'une femme à l'autre parmi les invitées présentes pour nos noces. S'il croit que je n'ai pas assimilé le genre d'homme qu'il était, il se leurre. Cela m'importe peu. Il n'y aura jamais rien entre nous. Il ne mérite aucune attention de ma part. Et je continuerais à aimer et retrouver secrètement mon amoureux. Je compte poursuivre notre relation.

Plus tard en soirée, alors que mes yeux commencent à se fermer après avoir beaucoup médité sur ma situation de femme mariée, des coups retentissent à la porte de ma chambre. Je ne réponds pas, et, j'entends la porte s'ouvrir. Je ferme les yeux, j'ai une vague idée de qui s'est permis de rentrer dans mon espace privé. Les pas se rapprochent de mon lit. Il n'y a plus aucun bruit. Je résiste à la tentation d'ouvrir mes yeux, puis la porte se referme. Il a osé pénétrer dans ma chambre. Cela signifie-t-il que notre union ne sera pas si passive que cela ? Cette réflexion ne me rassure pas du tout.

La nuit porte conseil, comme on dit. En me levant ce matin, j'ai décide d'être odieuse avec lui, et capricieuse afin qu'il ne me supporte pas et s'éloigne totalement de moi. Je commence par ne pas me joindre à lui pour le petit déjeuner, ce qui pour un époux peut paraître comme une offense. Je souris. Voici le début des hostilités. Lorsque ma servante vient me rendre visite pour me demander de me lever pour rejoindre mon mari, je l'informe que je préfère rester dans ma chambre pour le moment. Elle écarquille les yeux comprenant que je ne cèderais pas, et que le prince d'Espagne risque d'être en colère. Elle redoute de devoir avertir mon époux, je le comprends à son comportement paniqué.

La porte de ma chambre s'ouvre brusquement me faisant sursauter. Il me dévisage en colère et s'avance rapidement vers mon lit.

"- Vous m'appartenez désormais, et je ferais ce que je veux de vous ! Je passe pour aujourd'hui parce que c'est notre premier jour de mariage, mais il n'en sera pas ainsi dès demain. Tenez-vous en comme avertie, je ne tolèrerais aucun comportement identique par la suite !" Il me menace.

Je hausse les yeux en l'air parce que son arrogance m'agace. Il se rapproche très près de moi, il attrape mon menton entre ses doigts qui se posent avec force sur moi. Il me fait mal, me fixe en fureur, et dépose ses lèvres sur les miennes, les écrasent plutôt. La violence de ce baiser m'irrite. Je le repousse, il résiste. Quand enfin, il détache ses lèvres des miennes, je le gifle violemment. Il me dévisage dangereusement féroce. Il se retient de me frapper. Mon père fait irruption dans ma chambre au même moment. Le prince s'éloigne totalement de moi, et salue mielleusement son roi. S'il croit que je n'ai pas compris quel hypocrite il était, il devrait se méfier de moi.

A compter de cet instant où il m'a volé ce baiser sans sentiments, il est devenu mon ennemi. S'il espère pouvoir faire de moi ce qu'il désire, il trouvera de la résistance. Je refuse d'être l'épouse de ce genre d'homme. Je refuse qu'il se rapproche à nouveau de moi. Je refuse cette union, je refuse d'être une princesse. Je cache difficilement ma révolte intérieure. Mon père s'inquiète pour moi. C'était avant qu'il fallait témoigner son attention à mon égard, pas après avoir fait de moi le souffre douleur de ce prince d'Espagne. Je lui en veux énormément pour cela. Quand il veut que je sois une fille câline, comme avant, je détourne le regard de lui, et lui tourne le dos. Je ne serais pas une épouse soumise.

Je suis à nouveau seule dans ma chambre. Je soupire. Je déteste ma vie. Je resterais dans ma chambre toute la journée, je ne veux rencontrer personne.

Ma mère me rend visite le soir. Elle passe affectueusement ses mains de mes cheveux, en serrant les lèvres. Elle comprend mon calvaire actuel. Elle ne dit rien mais je sais qu'elle n'apprécie pas du tout cette situation, et qu'elle est triste pour moi. Je me blottis dans ses bras, je ne retiens plus mes larmes. Je pleure pour évacuer ma peine. Devant elle, je peux me montrer faible. Elle me resserre contre elle, mes larmes redoublent. Enfin, un peu de tendresse et de compassion, c'était exactement ce dont j'avais le plus besoin. Notre étreinte s'éternise, nous ressentons la nécessité de nous réconforter mutuellement. Depuis ma naissance, j'ai connu ma mère très triste. Parfois quand elle me regarde, j'ai l'impression qu'elle se retient de pleurer. J'en ignore la raison, mais je suis persuadée qu'elle garde un secret au fond de son cœur qui lui fait du mal. Auparavant, j'étais plus proche de mon père, mais depuis que le mariage a été décidé, elle s'est rapprochée de moi, comme si elle comprenait ce que je ressentais.

"- Ne soyez pas triste, mère !" Je tente de la rassurer.

Elle me sourit timidement avant de caresser à nouveau mes cheveux.

"-J'ai du caractère, je saurais me faire respecter !" Je poursuis.

Elle soupire fortement, puis me sourit à nouveau. Et là, je réalise qu'elle s'est également retrouvée dans cette situation quand elle a épousé mon père. Est-ce que je deviendrais une femme effacée comme elle ? Je panique ! Je ne laisserais jamais mon mari me détruire. J'ignore ce qui a rendu ma mère une femme aussi fragile, aussi absente de nos vies. Mais, aujourd'hui, je pense qu'il y a effectivement quelque chose qui a affecté ma mère au point de la rendre aussi misérable qu'elle l'est. J'aimerais connaître la cause de sa tristesse.......

Pile ou faceTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang