Chapitre IV

41 7 0
                                    

Marie :

Ils interrompent là leur dispute. Je n'en saurais pas plus. Je suis devenue très curieuse, cependant. Pourquoi ma mère faisait-elle ces reproches à mon père ? Il semblait y avoir beaucoup de rancœur dans sa voix. Et mon père est resté silencieux, je devine qu'il a dû être surpris par les paroles de son épouse. On dirait qu'elle a ressorti un secret qui semblait enterré bien loin dans les mémoires, depuis longtemps. C'est l'impression que j'ai eue. Mes parents cachent un secret. Cette impression de mystère de non-dits, je l'ai toujours ressentie. J'ai constamment des crises d'angoisse, et de mal être, comme s'il me manquait quelque chose ou comme vidée d'une partie de moi. Cette sensation me persécute depuis mon enfance. Je ne suis pas encore parvenue à dompter cette lacune, ni à la comprendre. Et surtout, je n'ai jamais évoqué ce problème avec qui que ce soit. Et là, plus que d'habitude, je ressens cet immense vide.

Je regagne ma chambre lentement, perdue dans mes réflexions. Je rencontre mon mari en compagnie de ma cousine Catherine. Il la tient par la taille, et, il lui sourit. Il est surpris de me croiser, mais ne retire pas son bras du corps de celle qu'il a choisi pour se permettre des libertés avec elle. Le sourire sur son visage se transforme en sourire provocateur. Il peut coucher avec qui il veut. Je ferais de même. Au contraire, je suis soulagée qu'il ait choisi de se distraire ailleurs plutôt que de me harceler. Je ne serais jamais à lui, plus tôt il le comprendra et mieux se sera pour nous deux.

Je les salue courtoisement, m'écarte de leur chemin, et poursuit ma route sans me retourner. J'ouvre la porte de ma chambre, et, je me retrouve bousculer vers l'avant, et ensuite plaquer violemment contre le mur. Le prince Felipe appuie son corps contre le mien. Ses yeux plongent dans les miens. Il semble très en colère. Nous restons longuement ainsi. Il me déstabilise un peu, puis il s'écarte.

Il s'en va. Je referme derrière lui, et prend place sur mon lit. Je l'agace, c'est mon but. Il doit totalement s'éloigner de moi. Je poursuivrais mes efforts dans ce sens. Il abandonnera à un moment donné.

Une semaine est passée, je me suis arrangée à fuir mon époux. Je reste dans ma chambre à longueur de journée. Je suis craintive des contacts que je peux avoir avec l'homme que je déteste le plus et auquel je suis unie. Mais, aujourd'hui, je veux profiter du soleil, et du printemps qui s'est installé. De plus, je n'ai pas encore discuté avec Pierre depuis l'intervention inappropriée du prince. Mon cœur souffre de cette séparation, j'ai besoin de le voir.

Je me rends aux écuries. J'entre, et Pierre qui m'aperçoit, m'évite en partant. Je l'observe m'ignorer avec beaucoup de tristesse. Il ne souhaite pas me voir. J'imagine que mon horrible mari a dû le menacer. Tant pis, je dois savoir ! Je le rejoins dans une autre étable. Il se redresse surpris de mon audace.

"- Tu me fuis ?" Je l'interroge.

Il ne me répond pas, tout en continuant son travail. J'arrache la fourche de sa main. Il se retourne étonné par ma violence.

"- Réponds-moi ! Le prince t'a menacé ?" Je veux savoir.

Il reste silencieux. Je suis désemparée. Je me jette sur lui pour me blottir dans ses bras. Il lâche l'outil qu'il a dans la main, et me resserre contre lui. Je me sens soulagée qu'il ne me repousse pas totalement. Je reste contre lui, je me ressource. Mon cœur bat la chamade. C'est le seul endroit au monde où je me sens moi, et que je suis apaisée. Je revis. Je m'accroche davantage à lui. Il caresse mes cheveux à présent. Je m'éloigne de son corps pour poser mes lèvres sur les siennes. Je veux effacer la trace des baisers de mon mari. Il répond à ma demande d'affection, et, m'embrasse passionnément.

Je lui dois une explication.

"- Je ne suis pas proche de mon mari. Il me trompe tous les soirs, je me refuse à lui ! Comme tu le sais, je n'ai pas eu le choix que de l'épouser, mais tu es celui que j'aime !" Je désire le rassurer sur mes sentiments.

Avant que ce mariage soit décidé, nous nous étions déjà confessés, et embrassés. Aujourd'hui, je veux lui donner plus. La tendresse se transforme en désir. Nous sommes prêts à franchir la limite. Il attrape ma main et m'entraine plus loin dans un bâtiment isolé au fond du jardin du château. J'ai confiance en lui. Je rêvais qu'il soit le premier à me faire découvrir l'amour.

Lorsque nous sommes seuls, il se fait tendre, attentionné et patient. Je suis celle qui prend les initiatives. Notre différence de statut l'impressionne. Il n'ose pas être entreprenant. Nos baisers s'éternisent, ses mains descendent naturellement sur mon corps qui se dévoile sous ses caresses. Je me sens transportée par le plaisir. Je suis heureuse. Il possède mon corps, je me libère sous ses va et viens. L'instant est divin au point de me faire perdre toute notion de temps, de lieu. Il me harcèle et je cède à ses pulsions. Je suis conquise, mon corps se détend. Mon cœur s'accroche davantage à lui. 

Nous restons enlacés. J'aime cette tendresse et cet amour qui nous lie. Personne d'autre que lui n'aura ce que nous venons de partager. Je lui en fais la promesse. Il est ravi que je me donne à lui, et surtout que mon mariage ne nous empêche pas d'être ensemble. Il me fait confiance. Il  m'aide à me rhabiller, repousse mes cheveux en arrière. J'apprécie quand il se préoccupe pour moi. Je rêve d'une vie simple où je pourrais l'aimer en toute liberté, sans me cacher.

Nous sortons discrètement de notre endroit secret, et, je regagne le château pendant qu'il se dirige vers les écuries royales. Comme escompté, Pierre a été parfait.

********************************

Mathilde :

Dans quelques jours, je vais pouvoir confier mon existence à Dieu. Je m'en réjouis, d'autant plus que je me suis impatientée. J'ai attendu ce moment crucial si longtemps. Mon souhait est sur le point de se réaliser.

La mère supérieure du cloître m'a conviée pour un dernier entretien. Elle m'invite à m'asseoir en face d'elle. Je la contemple attentivement. J'espère qu'elle ne va pas changer d'avis, et me donner son approbation pour me réserver une place près des autres religieuses.

"- Mathilde, ma fille ! Je suis obligée de t'interroger encore une fois parce que ta décision sera irrévocable ! Es-tu certaine que tu veux vouer ta vie à Dieu ?" Elle me questionne.

Je n'ai connu que les orphelinats, les foyers, et maintenant le cloître. Je n'ai aucune idée de quoi dehors, et, ailleurs est fait. Donc, je ne peux pas éprouver de regrets. C'est pour cette raison que je peux affirmer que c'est effectivement ce que je souhaite le plus.

Elle serre les lèvres.

"- Tu es encore très jeune ! Il serait plus prudent que tu ne te précipites pas dans cette décision !" Elle tente de me mettre en garde.

"- Je suis certaine de ce que je souhaite !" J'insiste.

Elle hoche affirmativement ma tête.

"- Qu'il en soit ainsi ! Dans deux jours, après les prières, l'évocation des vœux, tu feras partie de notre équipe. La vie au cloître n'est pas aussi simple que tu te l'imagines !" Elle me prévient.

Je n'ai pas peur des épreuves et des défis. Je suis seule depuis ma plus tendre enfance. Je n'ai personne sur qui comptait. Jamais un seul membre de ma famille ne s'est manifesté pour me récupérer. J'imagine que je suis véritablement orpheline. En me donnant à Dieu, je ne serais plus jamais seule. Voilà ce que je désire. J'ai également le droit à ma part de bonheur. Et c'est ainsi qu'il s'exprime selon moi.

J'aime l'idée de dépendre de quelqu'un, d'être rattachée à quelqu'un. C'est totalement autre chose que d'ignorer qui l'on est, et les origines de ma naissance. Ne pas savoir m'a énormément attristée pendant plusieurs années. Aujourd'hui, j'ai grandi et je suis plus affirmée. J'ai accepté mon destin depuis longtemps. Je vis mieux mon abandon. Je recherche la paix et la chaleur humaine. Je veux vivre avec d'autres femmes qui tout comme moi, vouent le même amour inconditionnel à Dieu.

Je retourne dans ma minuscule chambre, froide et sobre. Le luxe ne fais pas partie de nos vies. Nous nous contentons du minimum. Et, aucune d'entre nous ne le vit mal. J'ai hâte d'y être et de changer de lieu de vie. Je n'attends plus personne, c'est fini. J'ai admis que personne ne viendrait me récupérer. Après toutes ces années, il est déjà trop tard............

Pile ou faceWhere stories live. Discover now